Chronique locale.
Énergumène.
Le Père de la Cité
Conférence de M. Laguerre
La séance est levée 6 1/2 heures.
Catholicisme et démocratie.
Le mouvement de rénovation démocratique
qui emporte la société moderne vers des desti
nées encore inconnues est tellement intense,
tellement universel qu'il a déteint sur le parti
de l'immobilisme et de la réaction.
Il se trouve aujourd'hui, au sein du cléricalis
me, nombre d hommes convertis la nécessité
du progrès social et avides de réformes égali-
taires.
Ces hommes se disent et se proclament
croyants ils mêlent la religion catholique
leurs rêves d émancipation, leurs tentatives
d'affranchissement ils allient le sentiment re
ligieux, fidèlement orthodoxe, aux aspirations
généreuses de la démocratie avancée.
Ces hommes sont de bonne foi ils sont con
vaincus de la possibilité d'une réconciliation
entre l'église catholique, qu'ils honorent, et le
progrès moderne, qu'ils entendent servir.
Le catholicisme, les entendre, n'est hostile
aucune réforme, si radicale qu'elle puisse être,
et la foi en leglise n'exclut pas la foi en la dé
mocratie.
Nous croyons qu'ils font fausse route, et que
le mouvement qu'ils essaient d'instaurer n'a
boutira pas.
L'œuvre qu'ils entreprennent, avec tant de
foi religieuse et politique, d'autres l'ont essayée
avant eux, et ce n'étaient point de minces per
sonnalités. Les Lamennais, les Lacordaire, les
Montalembert ont, il y a quelque soixante ans,
plaidé la même thèse, propagé les mêmes écrits,
entrevu le même avenir.
Leur journal s'appelait l'Avenir, tout comme
l'organe des démocrates catholiques de Bruxel
les en l'an de grâce 1892.
Qu'arriva-t-il C'est qu'une encyclique fou
droyante confondit les audacieux qui osaient
soutenir que l'eglise immuable et infaillible
pouvait pactiser avec les idées modernes.
Lacordaire et Montalembert courbèrent la
tête. Lamennais sortit du catholicisme.
Les temps sont changés, nous dira-t-on.
Le pape Léon XIII est lauteur d'une encycli
que où il fait des avances au socialisme.
C'est vrai, mais il nous est impossible d'ou
blier qu'il y a deux ans, le même pape en pu
bliait une autre où il déclarait que les libertés
modernes n'étaient pas l'expression du droit et
demeuraient incompatibles avec la pure doc
trine catholique.
Cette encyclique est-elle retirée ou désavouée?
Et si nos catholiques démocrates sont mena
cés des foudres qui ont frappé leurs prédéces
seurs, redresseront-ils la tête sous l'orage?
Feront-ils comme Lamennais, ce fier révolté,
ou comme Lacordaire, cet humble repentant?
Il faudra qu'ils fassent scission avec Rome ou
avec la démocratie.
Nous verrons bien.
Après avoir mis sa place un S oublié par le
typographe du Progrèscrime dont le Journal
d'Ypres ne saurait évidemment se rendre coupa
ble, insérons de nouveau
Voilà
Non pas que nous tenions absolument mettre
en relief cette innocente boutade Mais le 21e
rédacteur du Journal d'Ypres l'a mise lui-même
si fort eu évidence, par ses pleurs et ses grince
ments de dents, que nous ne voulons pas nous
priver du malin plaisir de la reproduire en
coredans toute son apocalyptique splendeur.
Cette énigme fin de siècle n'a permis
personne, dit le petit pince-sans-rire du pieux
Journalde deviner le nom du rédacteur qui en
constitue le tout Première erreur. Sans ac
corder cette drôlerie plus de mérite qu'elle n'en
a, tout le monde a cependant reconnu de suite
l'intéressant personnage qu'elle visait. Tout le
monde, y compris ce personnage lui-même, qui,
mortellement atteint, s'est empressé d'épancher
Bon fiel dans les colonnes du Journal cher son
cœur.
Il est évident, poursuit-il, que cet odieux fac-
tum ne peut être qu'un proauit de la haine
Oh la la Mais pas du tout, petit grincheux qui
voulez faire le malin, il n'y a ici de la haine ni
de près ni de loin. Il ne faut pas lire deux fois ce
fameux factum, qui n'est en somme qu'une
plaisanterie, pour en être convaincu. Donc, se
conde erreur
Mais, là où le méchant petit homme devient
épique, c'est quand il traite la pauvre énigme
cUxcrèment capable de déterminer de violentes choléri-
nes chez ceux qui ne sont pas vaccinés contre ses
effets!!! Saprelotte Voilà un style d'énergumène
des mieux réussis! Comment se fait-il qu'il n'ait
pas cherché découvrir une poitrine derrière ces
INFAMES lignes
Non là, franchement, puisqu'il parle de vac
cin, nous lui conseillerons aussi d'aller se faire
vacciner. Bien entendu, l'institut Pasteur
Mais on objectera, peut-être, que nous som
mes en ploin hiver, et que tant que le froid
dure, il n'y a pas d'urgence.
Soit Patientons.
Nous avons relevé, comme elle le méritait, la
conduite de nos maîtres. Sans aucun motif, rien
que dans un but électoral, ils révoquent M.
Arthur Gryffon qui pendant 12 ans s'est sacrifié
au service des eaux de la ville et a toujours rem-
Sli ses rudes fonctions la satisfaction générale.
dus avons inséré dans notre n° du 8 Décembre
dernier, la lettre que M. Gryffon adressait au
bourgmestre pour demander le motif de sa révo
cation. Tous ont pu lire cette lettre, en tous
points correcte, que M. Surmont qualifiait
d'insolente. Tous ont pu voir aussi de quel côté
était l'in3olence et qui était l'insolent.
Dans la séance du Conseil communal de Same
di dernier, le Père de la Cité amère et cruelle
ironie!) a cru devoir revenir sur l'affaire Gryffon.
La lettre qu'il avait qualifiée d'insolente, était....
la première, celle d'il y a un an, celle datée d'Octobre
1891. Nous avons donc été la recherche de
cette fameuse lettre insolentenous l'avons trou
vée. La voici
Voilà donc encore une fois le bourgmestre
trouvé en complet désaccord avec la vérité. Où
est l'insolence Qui est l'insolent
Au fait, qu'est-ce que cette lettre vient faire
dans l'affaire qui nous occupe Le bourgmestre
devait-il répondre une lettre qui ne lui était
même trempe l'avaient compris ainsi Ces ai
gles, ces moutons de Panurge comprennent une
allusion faite une lettbe dont ils n'ont ja
mais eu connaissance 0 sinistres farceurs
0 sinistres comédiens
Une fois de plus le Père de la Cité a voulu en
imposer et payer d'audace il n'a réussi qu'à
s'embourber davantage et qu'à se faire juger
une fois de plus par ses très chers concitoyens.
Il restera toujours acquis que le bourgmestre
Surmont n'a pas daigné répondre une lettre
que lui adressait un employé de la ville, révo
qué, sans aucun motif, après 12 ans de bons
et loyaux services. Les Yprois se souviendront
que le Gantois qui les tient sous son joug a laissé
sans réponse une lettre qui réclamait justice
et, par son silence, a encouragé les méchancetés
que des cléricaux intéressés et peu scrupuleux
débitaient sur le compte d'un honnête et digne
ouvrier.
Espérons que bientôt nous pourrons infliger
au Père de la Cité, ce père dénaturé, le châti
ment qu'il mérite. Ce jour-là nous serons tous
la joie ce sera un beau débarras pour notre
chère ville d'Ypres
Hier au soir, M. Laguerre, avocat et député
français, est venu donner Ypres, sur l'invita
tion du Cercle Wallon de notre ville, une très
intéressante conférence historique. Nous ne pou
vons mieux faire que de reproduire l'excellent
article publié par le Journal de Gand au sujet de
la même conférence donnée par M. Laguerre au
Cercle artistique et littéraire de cette ville. Nos
lecteurs mettront ce compte-rendu en parallèle
avec les haineuses et injustes attaques du Bien
public et du Journal d'Ypres.
M. le Président dit qae le discours de M. Fraeys
a été habile et que la ville est maîtresse de la si
tuation.
Mon premier se trouve en Picardie
Mon second se rencontre en Circassie
Mon troisième habite Montbrison
El mon tout. rédacteur en renom
A Monsieur le Capitaine Commandant du Corps des
Sapeurs-Pompiers de la ville d'Ypres.
Monsieur le Commandant,
Les soussignés, sous-officiers, Arthur Gryffon et X...
ont le regret de vous présenter leur démission du Corps
des Sapeurs-Pompiers.
Ce sont les décisions de la séance du fO de ce mois qui
nous forcent cette résolution, vu que l'Administration
communale prétend n'avoir aucune confiance dans notre
cadre de sous-officiers
Notre carrière au Corps des Sapeurs-Pompiers étant de
près de trente années de service, nous avons la conviction
de ne jamais avoir démérité.
Agréez, Monsieur le Commandant, l'expression de notre
dévouement et de notre sincère respect.
Le Maréchal-des-logis Le Maréchal-des-logis-chef
de la X*" brigade, de la Ire brigade,
(S.) X.... (S.) Arthur GRYFFON.
pas adbe88ée et qui ne demandait aucune bé-
ponse C'est pourtant, au dire du Père de la Cité,
la lettre laquelle il avait fait allusion!!! Et
Begeremtje (Och Sophie), le petit Begerem
(Ocn Sophie) et Henritje et les autres de la
Grand, les épaules carrées, la tête haute, le front
fuyant, le crâne commençant briller sous les reflets des
becs de gaz, les paupières très mobiles sur des prunelles
vagues, le teint clair, le nez assez long et quelque peu en
luminé, la moustache noire légèrement effilée, le geste élé
gant mais peu varié, arpentant l'estrade et ne se souciant
guère du tapis vert du Cercle, tel nous a semblé de loin
celui qui fut un des plus bruyants apôtres du boulangis-
me, un de ceux qui tentèrent de défier le fameux général
et qui s'en allèrent bravement, il y a quatre ans, battre
pour lui les grosses caisses électorales dans les départe
ments du Nord.
La recrue que le général Boulanger avait faite en la
personne de M. Laguerre n'était point du tout dédaigner;
celui-ci n'est pas atteint d'inertie péché irrémissible,
dirait J. Péladan il nous paraît très remuant, orateur
expérimenté et adroit, sachant rapidement accaparer son
auditoire qu'il soit composé d'électeurs ou de membres
du Cercle Artistique. La toilette de ses phrases est très
soignée, l'expression en est généralement heureuse et lim
pide, seul l'organe a par moments des inflexions singulières
mais l'orateur y apporte une belle dose de conviction qui
rachète ce petit défaut et puis il sait se hausser ou s'abais
ser comme l'on voudra au diapason de son public,
qui Jeudi soir lui a fait un succès moins bruyant peut-être
que celui d'un meeting électoral mais du moins très franc
et très sincère.
Les personnes qui croyaient que M. Laguerre allait
déverser des flots de rhétorique boulangisle auront été dé
çues, car il n'a pas faufilé en sa conférence la moindre al
lusion au cher général. C'est très doctoralement et très
parlementairement qu'il a conférencié, sur une page parti
culièrement intéressante et très habilement arrachée au
grand livre de la Révolution Les Vaincus de Thermidor.
C'est surtout de Robespierre et de S1 Just que M. Laguerre
nous a parlé après avoirbien entendu éparpillé quelques
compliments l'adresse de son auditoire. Le sujet était
beau et fécond en développements, et le conférencier y a
déployé beaucoup de talent et d'adresse. Il nous a esquissé
la vie et l'influence de Robespierre d'une manière atta
chante, depuis sa naissance Arras (mai 1758) jusqu'au
jour où il escalada les marches du l'échafaud avec ses amis,
S'Just, Couthon, son frère et Lebas, (9 thermidor an II.) Il
nous l'a silhouetté dans les assemblées orageuses, inflexi
ble, sincère et confiant, représenté jetant aux Jacobins les
fondements de leur influence, il nous a rappelé le nom que
lui décerna Marat l'Incorruptible Robespierre il nous
l'a montré, donnant libre essor sa confiance, élégant,
poudré en pleine Terreur, au Comité de Salut Public, il
nous a remémoré le dévouement que ses amis avaient pour
lui et les mots que Camile Desmoulins s'écriait
Nous mourrons tous avani toi il nous l'a peint
prononçant son dernier discours, la voix étranglée dans la
gorge, interrompu par l'assemblée qui travaillait sous
main, puis accusé, conduit avec ses amis la prison du
Luxembourg, le lendemain l'Hôtel de Ville envahi et où
un jeune gendarme lui fracasse la mâchoire d'un coup de
pistolet, enfin l'échafaud où il meurt avec le plus grand
et le plus héroïque courage.