1893.
55e ANNÉE.
5 Janvier 1895.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Quelques chiffres.
f Si PREsSI
L\os |_2. Jeudi,
X-
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES iCyUIRIT El'.NDO.
toulte qtfi cuFîcerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
En entrant dans l'année 1893, nous souhaitons
nos abonnés, nos lecteurs et tous ceux que
n'effarouche pas le bonheur dont nous gratifie
depuis deux ans l'administration paternelle et
conciliante issue du lr Février grâce aux billets
de rose de la nuit mémorable que l'histoire en
registrera en lettres de feu, de se hâter d'en
jouir pendant qu'il en est temps encore, la fin
de 1893, si les élections se font cette année, ou
1894, si elles se font en cette dernière, comme il
en est question, nous menaçant de couper court
cette ère de fête non interrompue, pour nous
replonger après dans l'ancienne monotonie ty-
rannique qui est le propre des administrations
libérales. Car telle est l'ingratitude et l'incon-
stancè des hommes, que les bienfaits les plus
rares ne sont jamais appréciés comme ils le mé
ritent et qu'à peine a-t-on mis les lèvres au vase
d'or chargé du nectr.r le plus divin, que déjà on
sent le besoin de goûter une coupe nouvelle,
la liqueur en fût-elle de couleur suspecte et de
parfum douteux. C'est que le changement fait
partie de notre nature et que la nature ne rai
sonne pas. Ah si elle raisonnait, que ne s'atta
cherait-on pas, avec une opiniâtreté qui ne
saurait d'ailleurs pas manquer de trouver sa ré
compense, aux biens que le ciel a bien voulu
nous départir Mais encore une fois, la nature
est changeante et rien ne saurait convertir ses
lois, et voilà comment toutes ces belles promes
ses et ce grand et magnifique programme de la
maison Surmont-Colaert et O réalisés, comme
par enchantement, en deux ans peine de pou
voir, risquent fort de ne pas trouver leur juste
récompense.
Tout cela ne fera rien l'égalité pour tous
Tous les citoyens sur la même ligne
Le respect des positions acquises, dans les ad
ministrations publiques aussi bien qu'ailleurs
L'ère de'tolérance et de liberté
La paix scolaire, les vicaires cessant de miner
l'instruction officielle
L'eôacement des partis unis dans une étroite
amitié
Les grands travaux d'utilité publique
Les tramways reliant la France la Belgique,
apportant le commerce dans les communes
qu'ils traversent
L'industrie florissante, les affaires se multi
pliant l'infini
Les fabriques sortant de terre chaque coin
de rue
Les travaux publics répandant la richesse jus
que dans les carrefours les plus obscurs
Les administrations publiques refondues
l'image de MM. les curés
La réorganisation du corps de Pompiers avec
adjonction de clairons et de tambours, sans que
cela ait coûté un rouge liard aux contribuables
Le nouveau palais de justice qui fait l'admi
ration des étrangers accourus des quatre coins
du monde pour contempler cette merveille
La gare, splendide et riche monument rapi
dement élevé la barbe des libéraux
L'achèvement du système d'eaux alimentaires
descendant en cascades du haut du château
d'eau pour remonter aux étages supérieurs, sous
l'impulsion de M. Colaert, ancien partisan con
vaincu des sources du Polygone
La prospérité générale suivant une progres
sion qu'on arrêtera difficilement, tellement le
mouvement est accentué, et qui n'a d'égale que
la caisse de Monsieur le receveur de la ville
Une situation financière telle que ce serait
perdre son temps que compter et dresser des
budgets, tel point, chose inouïe et qui n'a pas
son pendant dans les 50 années du triste règne
des affreux libéraux, que l'année 1892 s'est
écoulée sans que nos administrateurs modèles
aient dû se soucier de dresser le budget de 1893,
et que nous voilà déjà en Janvier 1893 sans que
le budget soit seulement déposé, et que nous
vivons, buvons, mangeons, dépensons et manda
tons contrairement aux prescriptions de la loi,
sanB budget, sans crédits provisoires fégulière-
ment votés. C'est que quand on est riche, quand
ou roule dans l'or, on n'y regarde pas de si près,
et ce serait perdre son temps que de calculer,
aligner des chiffres et faire ce que ferait le mal
heureux qui aurait la petitesse de croire que
l'économie, l'ordre et l'observation des règles
de la comptabilité officielle peuvent conduire
une nation au bonheur.
11 est vrai quele dernier trimeBtre des
instituteurs n'est pas encore payé et que ces
pionniers de la civilisation n'ont qu'à se brosser
quelque part (la brosse, le jour de l'an, tient
parfaitement lieu de patagons) et qu'il peut en
être des instituteurs comme des vaches de l'évan
gile, après les grasses les maigres, l'axe du mon
de ne se déplaçant pas pour cela.
Continuons donc jouir comme nous le faisons
de notre bonheur, mais de grâce, que cela n'aug
mente pas, car nous étoufferions...Trop de bon
heur nuit.
Ypbes, le 4 Janvior 1893.
Comme on devait s'y attendre, les proposi
tions de M. Beernaert ne satisfont personne, les
journaux libéraux nesauraient s'en accommoder
et les feuilles catholiques ne l'accueillent
qu'avec un silence ou une réserve de mauvais
augure.
La grande faute de ce projet c'est qu'il ferme
la porte au suffrage universel, saDs promesse
pour l'avenir.
Le cens différentiel qu'il consacre nouveau
est une vieillerie demodee qu'on a beau habiller
h la Beernaert, cest une vieillerie avec lousses
inconvénients et ses ouvertures a la fraude.
L'examen électoral est maintenu, mais nota
blement simplifié. S'il était démontré que le
suffrage universel est une malheureuse chose,
de tout le projet, l'examen réduit la lecldre,
l'écriture et l'arithmétique, (probablement les
quatre règles) serait encore, avec le vote obli
gatoire, ce qu'il y a de plus acceptable, pourvu,
bien entendu, que la fraude ne s'en mêlât plus.
Le vote obligatoire est ce qu'il y a de mieux
et celte condition est un progrès incontestable.
Le vote la commune est une arme deux
tranchants mauvaise si le secret du vote n'est
pas garanti d'une façon absolue, bonne dans le
cas contraire.
Le choix des sénateurs sera élargi; l'éligible
devra payer moins, quoiqu'encore beaucoup,
puisqu'il faudra posséder des immeubles pour
une valeur non moindre de 500 000 francs; il
y aura de plus une seconde catégorie d'eligibles
parmi ceux qui auront occupé certaines hautes
fonctions ou situations déterminer par la loi.
L'âge des éligibles au Sénat et des électeurs
pour le Sénat, 35 ans pour les uns et les autres.
Si l'âge est une présomption de capacité, Mon
sieur Beernaert a jugé que pour être doréna
vant Sénateur il est inutile d'avoir autant de
capacité que celle qu'on exigeait sous l ancienne
Constitution qui n'admettait comme père cons
crit que les hommes de 40 ans accomplis par
contre, pour avoir le droit d'elire un sénateur,
il faut être âgé de 35 ans, c'est dire avoir plus
d'esprit qu'autrefois et plus que l'électeur la
Chambre des représentants. Le cadre des éligi
bles est augmenté, celui des électeurs diminué.
Cette mixture comprend du bon et du mau
vais, mais l'essentiel y fait complètement dé
faut. C'est un pudding au rhum sans rhum et
c'est ce défaut de rhum qui fait que le pudding
au rhum n'est pas un pudding au rhum et on ne
le mangera probablement pas. Si on ne voulait
pas d'emblée introduire le suffrage universel,
au moins fallait—il le laisser entrevoir et le re
mettre entre les mains des deux Chambres qui
en auraient décidé en temps et lieu, par la loi
électorale volee aux deux lier* do* voix
bouleversement nouveau ielaCori>liUiii ri M.u-»
l exclure impitoyablement de la Constitution,
ne pas le laisser percer même du bout du nez,
c'est trop et c'est son défaut capital. Il y a dé
ception générale dans les classes qu'on a écou
tées, en décrétant la revision ce sont les
mêmes classes qu'on éconduit un peu trop bru
talement et ce sont les mêmes classes qui con
tinueront murmurer comme par le passé, si
pas davantage, puisqu'en fin de compte on ne
leur donne pas même l'espérance, pas plus que
dans l'enfer du Dante.
Voulez-vous savoir, ami lecteur, ce que nous
coûte le ministère clérical qui, en 1884, devait
inaugurer l'ère de la prospérité nationale.
Voici quelques chiffres
Suivant le rapport de M. de Moreau *ur le
budget de la dette publique pour 1893, ce
budget portait la somme defr. 106,850,021-17,
alors qu'en 1892, il n'était encore que de fr.
PROG
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25
Insertions Judiciaires la ligne, un franc.
Les annonces sont reçues: Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Proches Pour
le jtstànl'Ma la Belgique et de l'Etranger 1'Agence Rossel, 44, rue de la Madeleine,
et 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles.