DU, 26 JANVIER 1893.
MEETING
du 22 Janvier.
AU
Le Meeting organisé, Dimanche dernier, par
la Fédération des Cercles démocratiques de notre
ville, a obtenu le plus grand succès. La grande
salle de la Bourse était archi-comble et l'on y a
constaté, avec plaisir, la présence de bon nom
bre de catholiques de notre ville. La réunion
était présidée par M. Polydore Vermeulen.
A 2 heures et demie M. Vermeulen ouvre la
séance. L'orateur s'exprime en flamand. Il ex
pose en termes chaleureux le but de la réunion.
Il remercie les orateurs qui ont répondu l'ap
pel et qui dans une question aussi essentielle
ment nationale que celle du suffrage universel,
font preuve en cette circonstance d'un dévoû-
ment et d'une abnégation admirables. Il fait
appel la tolérance de l'assemblée. Le Meeting
a été organisé en dehors de tout esprit de parti.
Longs applaudissements
Frans RETSIN {appl.) du Libérait Vlaamsche
Bond de Bruges. L'orateur parle en flamand.
Il défend la suffrage universel, qui est la seule
réforme équitable. Depuis longtemps le peuple
réclame ses droits. Il les demande par tous les
moyens légaux mis sa disposition par l'orga
nisation de meetings, par voie de référendum.
Malgré tout, les représentants du pays font la
sourde oreille
La question du suffrage universel a cependant
fait un grand pas en avant La présence ce
meeting d'orateurs des diverses opinions le
prouve [Appl.)
L'orateur combat le cens, il rejette l'occupa
tion et le capacitariat Nous voulons, dit-il,
l'abolition des privilèges. On ne peut exclure ni
les illettrés ni les pauvres S'il existe encore
des illettrés, la faute en est au gouvernement,
qui avait le devoir de proclamer depuis long
temps l'instruction obligatoire Quant aux pau
vres, il serait inique de les exclure. Ils ont le
plus grand intérêt prendre part la confection
des lois, puisqu'ils en sont les premières victi
mes Dans un Etat, chacun a Bes intérêts et
doit avoir le droit de faire entendre sa voix.
Dès lors c'est le suffrage universel Pourquoi le
refuse-t-on Parce que l'intérêt de parti prime
tout
Nous, nous voulons le suffrage universel, par
ce que c'est une question de justice (Appl.)
L'orateur défend ensuite la représentation
proportionnelle Le suffrage universel ne suffit
pas, il faut que tous ceux qui votent aient la
certitude d'être représentés La représentation
proportionnelle provoquera le réveil de l'opi
nion politique dans les Flandres Le système
actuel est plein d'injustices c'est ainsi qu'en
1888, les catholiques obtinrent 24,000 voix et
44 sièges, les libéraux 23,000 et 2 sièges.
Le peuple s'impatiente On dit de ceux qui
tiennent des meetings ce sont des farceurs
Que l'on se rappelle la Révolution française
Espérons cependant que les moyens légaux suf
firont. Longs applaudissements).
LEPOUTRE (Membre de la Chambre des
Représentants). L'orateur regrette de ne pou
voir s'exprimer en flamand, la langue du peu
ple. A la Chambre, un groupe s'est formé pour
le suffrage universel. Ce groupe m'a délégué
près de vous. Né dans votre arrondissement, j'ai
été heureux d'accepter cette mission pour dis
cuter avec vous cette question si importante du
suffrage universel. Le droit de suffrage n'est pas
une question de parti c'est un& question de
justice. C'est pourquoi vous voyez ici des délé
gués de tous les partis Si le suffrage universel
rencontre de si grandes difficultés aux Cham
bres, c'est que les hommes qui s'en occupent
envisagent l'intérêt de leur parti, sans cela la
revision serait faite dès demain. {Appl.)
Il est cependant bien simple de faire ce que
nous faisons. Ici, tous,nous conservons l'intégrité
de nos convictions, demain, nous serons ce que
nous sommes aujourd'hui. Mais aujourd'hui en
présence d'une question nationale, tous, nous
donnons notre adhésion. (Appl.)
A droite et gauche on se demande que va
produire le suffrage universel Ne va-t-il pas
modifier nos combinaisons Voilà ce qui nous
arrête
L'orateur combat la majorité politique de 25
ans On trouve très simple, dit-il, qu'un hom
me 21 ans peut accomplir les actes civils les
plus importants, mais quand il s'agit d'élire un
conseiller communal, cela exige d'autres con
naissances. C'est une véritable anomalie
L'orateur rejette l'exclusion des illettrés. Sous
le régime du suffrage universel, il faudra s'a
dresser aux masses l'éducation politique se
fera tout naturellement par l'organisation de
meetings Ceux qui voudront s'instruire auront
la faculté d'y assister. D'ailleurs si tout le mon
de en Belgique n'a pas aujourd'hui l'instruction
élémentaire, la faute en est au Gouvernement,
qui avait le devoir de proclamer l'instruction
obligatoire (Appl.)
L'orateur établit une comparaison entre les
Belges et les Français D'un côté de la Lys, cha
cun est électeur, de l'autre, personne! D'un
côté, le peuple est tout, de l'autre, rien Les
Belges sont des étrangers dans leur patrie Et
cependant n'êtes-vous pas aussi capables que les
Français. Vous les connaissez, vous êtes sans
cesse en rapport avec eux. Vous, vous n'êtes
bons qu'à payer et servir, mais des droits, vous
n'en avez même pas
Le peuple demande sa place Pouvons-nous
dire, non Si nous le faisions, ne serait-ce pas
un attentat la Nation Il semblerait que dans
notre pays il y a deux classes d'hommes les
uns esclaves, les autres libres.
Pour abréger, je me contenterai de réfuter
une objection Si vous accordez tous le droit
de suffrage ne précipiterez-vous pas la Belgique
dans l'abîme Ce qui prouve le contraire, c'est
ce qui vient de se passer dans un pays voisin.
On parle de garanties contre l'électeur, mais
c'est contre l'élu qu'il faut en prendre, mais de
cela on ne parle point (Appl. prol.)
La solution la plus juste d'après moi, c'est le
suffrage universel qui résoudra toutes les gran
des questions la question militaire, la question
des impôts et la question menaçante par dessus
toutes, la question sociale {Appl.)
Le suffrage universel est un droit constitu
tionnel et l'état des esprits en Belgique en exige
la solution immédiate. A ce moment-ci on l'ap
plaudit Verviers. Dans quelques jours la po
pulation Bruxelloise parlera par référendum.
{Longs applaudissements).
M. Vermeulen donne lecture d'une lettre de
M. De Coninck de Merckem, Sénateur de Dix-
mude, qui s'excuse de ne pouvoir assister la
réunion. M. Vermeulen fait remarquer que les
Sénateur et Représentants de l'arrondissement
d'Ypres n'ont même pas daigné répondre l'in
vitation qui leur a été faite.
ANSEELE, chef du parti ouvrier Gantois fe»
flamand). L'importance de ce meeting doit
s'évaluer non pas d'après le nombre des person
nes ici présentes mais d'après les opinions qui
s'y trouvent représentées. Nous sommes en lutte
contre le cens. Nous, les censitaires, nous
sommes le pays légal et nous verrons qui a le
droit de s'intituler pays légal
Ce pays légal a parlé 60,000 censitaires se
sont prononcés contre le suffrage universel,
30,000 pour
Dans le corps censitaire nous avons déjà plus
d'un tiers de partisans du suffrage universel, sans
compter les électeurs dépendants qui ont voté
contre.
A ce tiers, il faut ajouter ces légions d'ouvriers
qui se sont prononcés par voie de référendum,
par voie de meetings etc., etc.
L'armée des partisans du suffrage universel
reçoit de jour en jour de nouvelles recrues tels
MM. Nothomb, Helleputte, général Brialmont,
et M. Ninauve ici présent. {Appl.) Les adver
saires du suffrage universel sont restés ce qu'ils
étaient.
Qui a le droit de parler Je le demande
C'est le pays travailleur qui doit faire entendre
sa voix. Mais si l'on fait la bêtise de persister
nous refuser nos droits nous verrons ce qu'il
nous reste faire Si on nous pousse la révolu
tion nous sommes prêts.
L'orateur combat l'occupation Il en montre
le ridicule.
Qui possède une maison de 2,000 francs est
électeur. Celui qui en possède une de 1,800, ne
l'est pas. Il y met une statue de 350 francs, il de
vient électeur une tempête renverse la statue,
qui se brise, il ne l'est plus.
J'ai une maison de 2,000 francs. Je suis élec
teur. On décide le tracé d'un boulevard. On ap
proprie ma maison pour une valeur de 4,000 fr
j'achète des lots de ville pour cette somme je ne
suis plus électeur.
Un tel système n'est guère compréhensible.
Un mot pour prouver les injustices du système
de l'habitation.