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Le rejet
du suffrage universel.
Au Conseil provincial.
N° 30. Jeudi,
33e ANNÉE.
13 Avril 1893
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Aux abords de la Chambre.
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et 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles.
Ypres, le 12 Avril 1893.
Par cent quinze voix contre vingt-six et trois
abstentions, la Chambre des représentants a
rejete la proposition Janson accordant le droit
de vote aux citoyens âgés de vingt et un ans.
Aujourd'hui, il est certain que la proposition
Nothomb subira le même sort.
Déjà une proposition subsidiaire de M. Féron,
conforme au pacte de Bruxelles, réservant la
loi électorale les exceptions l'exercice du
droit de vote, a été repoussée par cent treize
voix contre trente et une.
C'est le suffrage universel condamné, en
principe et en application.
Que va-t-ilse passer?
Peut-être les formules de suffrage restreint
recevront-elles un accueil aussi peu enthou
siaste que le suffrage général et, dans ce cas,
finira-t-on par trouver un arrangement accep
table par les députés démocrates.
Il n'y a pas lieu de jeter le manche après la
cognée. Aussi longtemps qu'un vote définitif
n'est pas acquis, lespéranee nous reste.
M. Deburlet, au nom du gouvernement, a
proposé hier un projet dans lequel il y a de
tout: de l'habitation, du eapacitariat, du suf
frage plural. A première vue, il parait difficile
d'évaluer le nombre d'electeurs que donnerait
cette combinaison. On assure que les progres
sistes de la Chambre sont prêts la voter, ce
qui fait supposer qu'ils ont leurs apaisements.
Mais nous ne pouvons point assurer que telle
soit vraiment leur intention.
Nous saurons probablement ce qu'il en est.
Quoi qu'il en soit, nous recommandons aux
ouvriers de rester calmes et de ne pas écouter
les excitations perfides des agents provocateurs,
toujours prêts exciter un soulèvement pré
maturé.
Nous le répétons, il peut encore arriver que,
toutes les formules du suffrage restreint étant
rejetées l'une après l'autre, la dissolution soit
prononcée, ce qui laisse ouverte la question,
ou que, en désespoir de cause, les Chambres
ne se décident accepter le système Nothomb
agrémenté du suffrage plural, accepté par les
représentants progressistes.
Dans ces conditions, tout acte de violence
donnerait au ministère l'occasion de crier la
pression du dehors et de faire intervenir l'ar
mée.
Le suffrage universel sans restriction est, il
est vrai, définitivement rejeté. Mais c'est sur
tout le mot que semblent redouter de nom
breux constituants. Peut-être nous donneront-
ils peu près la chose sans le mot, ce qui
pourrait satisfaire les démocrates.
La séance est ouverte, l'heure fixée, par M.
le Gouverneur.
Après l'appel nominal, il est procédé la no
mination de candidats pour la place de vice-
président au Tribunal civil de Courtrai
M. Jonckheere, juge Courtrai, est proclamé
1er candidat par 59 voix sur 70 votants. M. De
Snick, juge Bruges, obtient 8 voix et il y a 3
bulletins blancs.
M. De Snick est ensuite proclamé second can
didat par 57 voix.
L'assemblée aborde le second objet l'ordre
du jour concernant Bruges-Port de Mer.
M. le gouverneur donne lecture de la dépêche
par laquelle le gouvernement invite la province
se prononcer sur la création du port de Heyst
et les installations maritimes de Bruges.
Le gouvernement est disposé se rallier au
projet Cousin et Coiseau, évalué 35 millions.
L'intervention de la ville et de la province est
indispensable. Ils devraient s'engager se li
bérer en vingt années.
L'ensemble des travaux constituerait deux
parties fort distinctes. Le port d'escale de Heyst
et les installations maritimes de Bruges qui in
combent la ville. La province devrait interve
nir pour 3 millions.
C'est pour l'examen de ces propositions que le
Conseil est réuni.
La députation permanente qui s'est déjà oc
cupée de cette affaire la soumet l'appréciation
du Conseil.
Le gouvernement la considère comme un tra
vail d'intérêt national, et prend sa charge la
construction du port d'escale.
La députation permanente pense qu'il y a lieu
de renvoyer la question l'examen d'une Com
mission spéciale et de remettre la séance une
date ultérieure pour entendre le rapport de cette
Commission.
M. Iweins d'Eeckhoutte (secrétaire) donne en
suite lecture de la délibération du Conseil com
munal de Bruges, fixant son intervention et par
laquelle elle demande la province de bien
vouloir s'engager son tour pour 3 millions.
La proposition de nommer une commission
spéciale est approuvée et le Conseil sera convo
qué plus tard, dans deux ou trois semaines, pour
entendre son rapport et le discuter.
La députation permanente considère cet ob
jet comme étant d'une grande importance et
espère que le vote que la commission émettra
sera éclairé.
M. Jean demande s'il est bien entendu que
cette commission présentera son rapport sans
engagement aucun.
M. le président dit qu'en effet les commissions
ne décident rien.
Le travail de la commission sera rude et sé
rieux et peut-être assez long.
La question est donc ainsi posée.
La séance est suspendue les membres des
diverses commissions se retirent dans leurs bu
reaux respectifs, et il est décidé que M. le prési
dent du Conseil aura la présidence de la commis
sion spéciale.
A la reprise de la séance il est donné commu
nication de la composition de la commission spé
ciale.
La première Commission a désigné MM. Ad.
Claeys, Van Wassenhove, Deghens et Basile
Baert.
La deuxième Commission, MM. Storm, Bru-
neel, Van den Bogaerde et Van Neste.
La troisième Commission, MM. Jean, Albert
Liebaert., René Fraeys et Delaey.
La quatrième Commission, MM. Serweytens,
Van Hee, Strubbe, Pavot et Carlier.
M. Vanden Abeele est désigné comme prési
dent, avec voix délibérative.
Le Conseil adopte ces désignations.
L'assemblée est prorogée pour trois semaines.
M. Jules Liebaert propose l'impression de
tous les documents qui peuvent être utiles aux
délibérations des commissions.
M. Liebaert demande qu'on laisse travailler les
commissions en paix. Le délai de trois semaines
n'est pas suffisant. Il faudrait proroger la séance
pour un délai indéterminé.
M. le président trouve ce délai suffisant. S'il
fallait le prolonger, on arriverait, fatalement trop
tard. Dans trois semaines, on verra s'il faut né
cessairement proroger le délai.
La séance est levée.
A trois heures, des groupes commencent se
former que de nombreux policiers disséminés au
tour des Chambres font incessamment circuler.
Vers quatre heures, il y a plusieurs milliers de
manifestants. La police les refoule par le Treu-
renberg, la rue Royale, les rues de l'Enseigne
ment, de la Croix-de-Fer et du parlement.
Cela ne se fait pa3 sans quelque difficulté.
Bagarres. Agents désarmés.
A quatre heures et demie, un orateur meetin-
guiste, M. Maes, se hissant sur une table rue de
la Croix-de-Fer, annonce le rejet de la proposi
tion Janson et s'écrie que le moment d agir est
venu
Un cortège se forme ausitôt, en tête duquel on
ne revoit plus l'orateur.
Soudain, devant le Bodega, une poussée énorme
se produit, la police est débordée, et tout coup,
sans ordre, elle dégaine. Douze agents font le
moulinet dans la foule. Femmes et enfants se
sauvent des cannes se lèvent.
Les pompiers arrivent alors et l'ordre se réta
blit.
Le résultat de cetteéchauffourée Un vieillard
piétiné et blessé, deux agents, les nos 351 et 162,
sont désarmés.
Ils demandent leurs sabres partout et s'en
vont très penauds.
La foule rit.
Cinq minutes après, nouvelle bagarre, au Treu-
renberg. Les agents, stimulés, sabrent de nou
veau. Cette fois, on ne leur prend plus leurs
armes.
Nous ne voyons personne de blessé, mais on se
frotte les membres et l'on se tâte les os.
Une charrette remplie de cartons vides avait
été culbutée, et les ouvriers rassemblent piteuse
ment, en grommelant, leurs marchandises.
T
PROGRES