55e ANNEE. 20 Avril 1895 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Les rats dans le fromage. La séance de la Chambre. X° 52. Jeudi, 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Comme nous l'avions prévu, le projet Nys- sens a passé par 119 voix contre 14 et 12 abstentions. Est-ce un bien, est-ce un mal? C'est un bien, puisqu'il n'y avait plus que cela pour sortir d'une situation pleine de périls, et qu'il fallait tout prix sauver l'ordre. C'est un mal, parce que la loi Nyssens n'est qu'un expédient et ne saurait avoir le caractère de durée que pour un objet qui est la base d'un état social on est en droit dexiger. M. Beernaert, et sa suite tous les orateurs, ont eu beau protester de leur liberté d'esprit, et déclarer avec emphase que le tumulte de la rue n'était pour rien dans la résolution qu'ils allaient prendre, personne ne s'y est mépris, et il n'est pas douteux que ce sont les scènes de ces derniers jours qui ont enfin fait comprendre nos honorables qu'ils avaienL se décider et que le temps des discours plus ou moins finauds était passé. De là le vote et le succès subit de M. Nyssens. Il n'en est pas moins vrai, que personne ne sera content et que s'il y a apaisement, il ne sera que momentané. C'est, nous le répétons, le défaut de la nouvelle loi qui, comme tous les expédients, ne saurait avoir d'autre valeur que celle d'un expédient. Et la faute, tout cela, en est au gouverne ment qui n'a su rien prévoir, rien décider et qui s'est effacé devant son parlement qu'il n'a su guider. Esclave de la majorité, M. Beernaert est un chef qui se met la queue de ses troupes. C'est moi, le chef, allez où vous voulez, je vous suis 1 La faute en est encore notre parlement farci de médiocrités qui n'ont pas même le bon esprit de se tenir leur place et de se taire, mais qui croyaient devoir se signaler d'une manière quelconque, et qui, bourdon nant faux, n'ont d'autre préoccupation que d'appeler sur eux l'attention de leurs électeurs. Ridicule prétention de vaniteux déclasses. Mais qu'ils en soient convaincus, s'ils ont la pré tention d'appeler, comme nous venons de le dire, l'attention de leurs électeurs sur leur rôle la Chambre, ils seront pleinement satisfaits, leurs électeurs n'ont eu que trop l'occasion de les juger et ils sauront s'en souvenir en temps et lieu. Dans ce vote, M. Colaert s'est abstenu et voici comment cet homme d'eiat motive son ab stention Le système proposé parait être le seul qui puisse en ce moment réalisé un certain ac- cord entre les partis. Je n'ai donc pas voté contre. Mais je crains que ce système n'ait pas un caractère définitif et il est impossible de pré- voir où il peut conduire les centres industriels du pays. Je n'ai donc pas volé pour. Ainsi, admirez ce raisonnement: M. Colaert, qui est un amateur acharné de l'accord des partis, voit dans ce système le seul moyen de réaliser cet accord, voilà pourquoi il ne vole pas pour. Et comme il craint que ce système n'ait pas un caractère définitif[il veut dire de duree, car où est le système qui soit définitif?) il n'en peut prévoir les conséquences dans les centres industriels, c'est ce qui fait qu'il ne votera pas pour. Ah s'il pouvait prévoir ces conséquences, comme il volerait carrément contre. Mais, voilà, il ne les prévoit pas. Que ne s'adresse-t-il une pythie Pendant que la réforme électorale absorbe toutes les préoccupations et détourné de tous autres sujets l'attention publique, le Gouver nement soccupe combler de faveurs le clergé et les congrégations. Aujourd hui on crée une paroisse nouvelle, le lendemain c'est une grasse dotation de mes ses, de services religieux, d'offices du culte la plus grande beatilade-de. tel ou tel saint. Tout cela coule paisiblement chaque jour, dis crètement et sans obstacle, dans les colonnes du Moniteur. Personne n'y fait attention. Dans l'entretemps la pieuvre cléricale s'engraisse et allonge ses tentacules. Tous les arrêtés des Députations permanen tes du Brabant et du Hainaut sont mis néant, parce que ces collèges ont porte une main sacrilège sur les décisions des evêques. La Dèputation du Brabant trouve que les fabriques d'eglise doivent renseigner dans leurs budgets le produit intégral et eventuel de la recette du chef des funérailles, de la cire, des messes manuelles, des oblations, etc. Allons donc I Une fabrique d'église n'a pas de comp tes rendre, et M. Lejeune defend aux admi nistrations publiques, quoi quelles soient éventuellement tenues de suppléer au déficit, de leur en demander. La Dèputation permanente du Hainaut avait réduit des suppléments de traitement accordes des vicaires. Sacrilège M. Lejeune lésa ré tablis dans leur intégralité avec l'ardente con viction d'un néophyte. On n'a pas voulu dépenser quelques cents francs la réparation du grand autel d'une église Vite, un arrêté royal pour redresser ce méfait Si quelque conseil communal réclame, si une dèputation permanente soucieuse de la légalité et de l'intérêt des contribuables pro teste, la machine annulation du ministère de la justice fonctionne avec activité. M. Lejeune la fait manœuvrer jusquà se disloquer, et c'est par centaines qu'on peut compter les arrêtés annuellement mis néant. Heureux clergé Heureux pays Une séance fiévreuse, comme l'on en n'a pas vu de mémoire de journaliste. M. Beernaert se lève et, après quelques phrases sur le maintien de l ordre, propose de continuer la discussion du budget des Chemins de fer, en attendant le rapport de la Commis sion des XXL Mais M. De Mot aussitôt, avec une flamme superbe, demande qu'en présence de l'émotion qui règne dans le pays, la Chambre suspende la séance pour attendre le rapport. M. Beernaert proteste au nom de la dignité de la Chambre mais il ne trouve guère décho. M. Feron représente que la Chambre ne cédera pas l'émeute en accueillant la proposi tion. mais se tiendra parole elle-même, puis qu'elle a décidé de reprendre la discussion dès qu iI serait possible. M. Grosfils, qui a signé avec MM. Warocqué, Paternosier et Mallar la proposition developpee par M. De Mot, représente que le rapport n'ap portera pas de nouveaux éclaircissements. M. Coremans, qui est rapporteur, déclare qu'il fera son possible pour être prêt aujour d'hui. L'agitation ici se traduit en tumulte... Tout le monde sent qu'il ne s'agit pas de tâcher, mais dâgir. Le tumulte redouble quand M. Warnant, Julien, réclame aussi ledroit de voter son aise. On fait, gauche, une ovation M. Warnant, Joseph, qui trouve son discours étonnant lors que le sang coule M. De Mot insiste en quelques phrases chaleureuses, demande s'il faut dire nos populations enfiévrées La revision est en- commissionnée, et pendant ce temps-là, gar- des civiques et soldats, veillez l'ordre M. Bara appuie. M. de Smet de Naeyer fait un dernier effort pour gagner du temps; M. Grosfils lui lâche le mot de ridicule de toutes parts, on crie Aux voix M. Beernaert enfin, voyant l'accord unanime, déclare qu il abandonne aux vœux de la Cham bre ce qu'il a refusé I émeute. Soupir général de soulagement. Tout le monde quitte la salle. II est deux heures un quart... La suspension de séance dure jusqu'à 4 h. 25. Le bruit se répand, pendant ce temps, que l'ac cord est fait sur le système Nyssens, légèrement amendé. M. Coremans lit son rapport. Les systèmes de vote plural autres que le sys tème Nyssens sont retirés. M. Beernaert représente celui-ci comme une transaction honorable pour tous, rend hommage l'esprit de conciliation de la gauche avancée qui s'y est ralliée. Faisons tous, dit-il, la main dans la main, le sacrifice qui nous est demandée pour la grandeur de la patrie. Il est applaudi de toute part. M.Woesle, très amer, déclare qu'il ne votera pas le système Nyssens parce qu il conduit au suffrage universel. Succès d'hilarité. M. Grosfils fait l'oraison funèbre de la propo sition Graux. Marques générales d impatience. M. Bara prononce un long discours pour se plaindre du pacte du gouvernement avec l'ex- LE PROGRÈS vires acquirit etjnuo. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. tout ce qui ccncerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour lej' ftaot de la Belgique et de l'Etranger 1'Agence Rossei., 44, rue de la Madeleine, et 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles. Ypres, le 19 Avril 1893. Le vote de ta proposition Nyssens.

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Le Progrès (1841-1914) | 1893 | | pagina 1