De New-York Chicago. Un abbé, que le maréchal de Noailles veut déloger d'une loge, se dresse en pied et s'adres- sant au parterre Messieurs, dit-il, je vous 5rends pour juges. Voilà M. le maréchal de oailles qui n'a pris de place de sa vie, qui veut me prendre la mienne Et le parterre de forcer le guerrier malheureux la retraite. Un autre abbé, se carrant sur le théâtre, est sommé d'en faire autant. Oui da répondit-il tranquillement. On m'a volé ma montre d'or en votre compagnie. Je n'entends pas risquer ma tabatière. Et il prend une prise aux éclats de rire de la salle entière. Partout on se battait pour les places. En province, les acteurs n'étaient point seulement sifflés, mais bombardés de trognons do pommes, voire de petits bancs. Dans le Midi, la chose arrive parfois encore. Mais la scène la plus sanglante qui se soit peut-être produite au théâtre eut lieu Mar seille, en 1772, propos d'une représentation, par ordre, le Zémire et Azor, de Grétry, exigée par la marquise d'Albertas, femme du premier président d'Arles, nommé par le chancelier Maupeau. De tout temps, Arles et Marseille ont été en rivalité. Le public protesta, les échevins tinrent bon. On alla quérir la troupe qui chargea. Le Ïiarterre avait envahi la scène. On tira dessus, es décors prirent feu, le sang ruissela flots. Le lendemain, on compta les morts. Il y en avait quinze et plus de cent blessés. Cet événe ment envenima encore les rancunes provoquées par les prétentions aristocratiques de la vieille ville de robe et d'académie. Extraits d'une intéressante lettre que le cor respondant du Temps a adressé de Chicago au grand journal parisien Bourse de Bruxelles. A l'interprétation d'un opéra de Grétry un quidam orné de superbes moustaches noires, se voit hué. Il se retire pour reparaître un moment après, et, le tumulte croissant, braque une espingole sur la foule hurlante, qui se tait et applaudit. La Foire du Monde est ouverte. Il y a huit jours peine on se demandait si l'inauguration pourrait avoir lieu l'heure dite. Les avis étaient très partagés, les paris ouverts. Mais aussi, rarement gigantesque entreprise eut lutter contre une telle collectivité d'obstacles, battue en brèche tour tour par la nature et par les hommes. Les intempéries d'abord. Tout le monde a entendu parler de la brutalité du climat nord-américain, de ses brusques variations de température, des formida bles perturbations atmosphériques qui, chaque année, dévastent une partie plus ou moins considérable des territoires de l'Union, culbutant les fermes, noyant les troupeaux, rasant parfois une ville entière. L'hiver qui finit a été particulièrement rude pluies torren tielles, inondations, tourmentes n'ont cessé de faire rage, surtout dans le Centre et dans l'Est. Il y a trois mois les toitures des principaux bâti ments de l'Exposition cédaient sous l'amoncellement des neiges. Les dégâts peine réparés, une nouvelle tempête éclatait, toute récente, celle-là, menaçant d'anéantir l'œuvre grandiose si laborieusement édifiée. La semaine dernière un véritable cyclone s'abattait sur l'Ulinois, l'Ohio, la Pensylvanie et New-York nous en ressentions le contre coup au milieu de l'Atlanti que, où, pendant les journées des 18, 19, 20 et'21, la mer fut énorme. Aujourd'hui encore rien n'annonce une embellie prochaine une âpre bise souffle, des paquets de nuages courent dans le ciel brouillé alors qu'en Europe un printemps hâtif fleurit depuis un mois bientôt les marronniers et les lilas, ici c'est l'hiver, les arbres dépouillés, les gazons tachés de rouille. Aux retards causés par la saison rigoureuse sont venus s'ajouter les difficultés de la main d'œuvre, les menaces de grève. Et Dieu sait cependant si les salaires sont honnêtes Je n'en veux d'autres preuves que les prix alloués MM. les charpentiers qui précisément, il y a peu de jours, manifestaient quelque mécontente ment et parlaient de suspendre le travail. Ces ouvriers sont payés, au minimum, raison de 45 cents l'heure pour une journée de huit heures, 67 cents 1/2 pour chaque heure supplémentaire et 90 cents le Dimanche c'est-à-dire de 25 40 francs par jour. Que de gens, sur notre vieux continent, même dans la classe bour geoise, s'estimeraient heureux ce prix Les transports, qui plus est, auraient laissé dési rer pour les marchandises des kilomètres de wa gons chargés s'aligneraient encore sur les voies de garage dans la banlieue de Chicago, sans qu'il fût pos sible de prévoir l'heure où ils trouveraient accès dans l'enceinte de Jackson park. Tels étaient du moins les bruits courant New- York racontars exagérés coup sùr. Mais ces ru meurs devaient contenir une part de vérité. Aussi n'ai-je pas été très étonné en constatant que, sur les bords de l'Hudson, on ne parlait que de façon évasive de la World's Fair. L'attention du public semblait se concentrer sur des événements d'une actualité plus accusée, tels que la grande revue navale annoncée pour le 27, où devaient figurer trente-cinq navires de guerre, de l'ancien et du nouveau monde, y compris les trois caravelles, Santa MariaNina et Pinta représentant la flottille de Colomb. La revue a eu lieu par un temps exécrable, un temps retenir chez eux ies touristes les plus déterminés. Cette persistance des bourrasques n'était pas faite pour stimuler l'initiative des diverses administrations de voies ferrées. A peine commencent-elles solliciter la clientèle voyageuse parle déploiement des engageantes affiches multicolo res où chacune d'elles préconise les avantages de son réseau, la splendeur des sites, la vitesse obtenue, la sécurité du transit, la trempe de ses rails, l'élasticité du ballast et la résistance du matériel roulant. Pour se rendre de New-York Chicago on n'a que l'embarras du choix entre deux lignes rivales, le New- York central and Hudson River et le Pensylvania railroad, dont les limited expresses peuvent être con sidérés comme l'idéal du train rapide. Toutes deux ont mis en circulation les sleeping-cars du type le plus récent, les convois vestibulesc'est-à-dire dont les voitures sont reliées l'une l'autre par un spacieux couloir parfaitement clos, éclairé par de larges baies vitrées. La netteté des glaces, le poli des cuivres et des boiseries font songer moins au vulgaire wagon de première classe qu'à l'antichambre d'une villa ou plutôt aux aménagements d'un yacht princier. Ce vestibule, d'ailleurs et le prospectus ne man que pas de vo .s le faire remarquer a un autre avantage. En cas de collision, son armature métalli que agit comme un tampon et empêche les voitures de rentrer complètement l'une dans l'autre. Cette certitu de ne saurait manquer d'affermir l'impression de con fort et de bien-être éprouvée en pénétrant dans ce palais juché sur roues. Votre train peut être culbuté, mais non télescopé la nuance a son prix. A vrai dire, quelques lignes plus haut, la notice expliqnait qu'un très ingénieux système de signaux de sections, d'aver tisseurs télégraphiques et automatiques rend toute collision impossible. Comment concilier cela Mais que les termes semblent se contredire, il n'im porte la proposition est foncièrement rassurante, c'est l'essentiel seul un esprit pointilleux ou chagrin pourrait s'arrêter ces vétilles. A parler sérieusement, on ne saurait trop s'inscrire en faux contre un préjugé encore très vivace dans une grande partie du public européen et d'aprè3 lequel on courrait, sur les lignes américaines, plus de dangers que sur nos chemins de fer. Rien n'est moins exact. Pour peu qu'on veuille réfléchir la prodigieuse acti vité du trafic, l'énormité des distances, la rapidité avec laquelle ont été exécutées ces grandes voies reliant les rivages de l'Atlantique ceux du Pacifique, on constatera que, toutes proportions gardées, les acci dents graves y sont peut-être plus rares que partout ailleurs. Au surplus, s'il veut prendre la peine de par courir l'un de ces innombrables réseaux, surtout cette belle ligne de Pensylvanie. l'observateur le plus préve nu reconnaîtra aisément scn erreur. La sécurité n'y est pas plus précaire que sur n'importe quelle ligne de France ou d'Angleterre. La seule différence consiste dans les facilités qu'offrent au voyageur la disposition d'un matériel la fois très simple et très étudié, et la modicité des tarifs. Sur ce point, l 'avantage est tout en faveur de l'américain. Chez ce peuple né d'hier, dont les créations participent trop souvent de l'improvisa tion hâtive, qui abandonne sans regrets l'œuvre ébau chée pour en échafauder une autre sur des données nouvelles, se souciant très peu des vaines élégances de la forme, du détail patiemment fouillé, il est pourtant une industrie où l'on retrouve, non sans surprise, une recherche et des raffinements de nature satisfaire les plus exigeants la construction des sleeping dining et drawingrooms-carsM. Pullmann est un grand ar tiste. En vingt-cinq heures, le Columbiàn limited franchit les seize cents kilomètres qui séparent New-York de Chicago et par quel temps! Pendant la traversée des Allegbanys, l'ouragan se déchaînant plus fort que jamais, ébranlant le train, que remorquaient grand'- peine trois puissantes machines. Ascension émou vante, flanc de coteau de la voie, qui décrit des courbes d'une hardiesse inquiétante, le regard plonge sur des profondeurs boisées où s'accumulent les nuées rabattues par le vent. Par moments une trouée, une éclaircie rapide, par laquelle on entrevoit un mouton nement de collines aux cimes arrondies, de mornes futaies où ne pointent pas encore les premiers bour geons. Puis nous voici sur le plateau, la nuit est tom bée de rouges lueurs embrasent l'horizon c'est le pays des houillères, des hauts-fourneaux, du gaz natu rel, dont les colonnes de flamme jaillissent au milieu des villages que nous dépassons dans notre vertigineuse descente sur le versant ouest. Il était près de dix heures quand nous entrions en gare de Pittsburg. Une foule énorme encombrait les quais guettant le passage du train spécial portant la fameuse Liberty bell la cloche qui, il y a de cela cent sept ans, annonça aux colonies affranchies la déclaration d'indépendance. Philadelphie l'envoie Chicago où une place d'honneur lui a été réservée dans le pavillon de la Pensylvanie. La relique chérie voyage petites journées fa.'sant halte un peu partout, dans les villes et dans les bourgades et les populations l'attendent, patientes sous l'averse glaciale. Les maga sins sont fermés, les écoles closes. Tous sont là, la génération d'hier et celle de demain, barbes grises et têtes blondes les misses pimpantes arborant les der nières modes parisiennes se mêlent aux femmes de mineurs qui, pâles, ies traits tirés, grelottantes sous leurs robes élimées abritent dans de vieux châles des marmots endormis. Le patriotisme est une grande chose, et ses manifestations soudaines sont particuliè rement saisissantes chez des individus d'une tournure d'esprit plutôt positive, ne s'emballant guère sur des abstractions. La vieille cloche elle-même a je ne sais quoi d'élo quent dans son silence. Elle semble rappeler cette multitude que les grandes révolutions accomplies par de3 peuples dignes d'être libres, veulent le plein air et la lumière que les conciliabules des sociétés secrètes et les menaces des chevaliers de la dynamite ne déter minent pas l'émancipation d'un peuple. Le livre ou vert, le beffroi sonore, tels sont les emblèmes de la liberté. SZS Le marché terme se raffermit doucement. On ou blie un peu les derniers événements Australiens et les côtes nous arrivent plus fermes du dehors. L'Espagnol progresse 66 1/16 et la Saragosse 192. La rente Turque est mieux tenue aux environs de 21.90. La publication du rapport de M. Caillard sur les résultats obtenus par le Conseil de la Dette publique ottomane en 1892-93, a fait très bonne impression. Peu d'affaires en Varsovie 486. La rente Brésilienne est hésitante 65 3/8. Au comptant calme plat. Les affaires sont insigni fiantes et les cours généralement faibles. Nos rentes ont quelques demandes des cours soute nus. Les bas prix du 3 °/0 vicinal attirent de nombreux acheteurs qui se demandent avec raison pourquoi l'on côte les fonds 98 1/2 seulement alors que le 3 0/o an nuités vaut 99.60 et le 3 °/0 Communal 100.50. Les lots de villes conservent leurs dernières inscrip tions. Les Lots du Congo sont fort recherchés 67, ce qui est d'ailleurs très naturel. Us présentent en effet toutes les garanties désirables comme sécurité absolue et ils offrent des avantages et des attraits indéniables et supérieurs ceux qui présentent les autres obliga tions primes circulant en Belgique. Tous les capitaux disponibles se jettent sur quelques obligations levenu fixe réellement avantageuses tel les, les Eclairages du Centre 4 °/0 481, les Chemins de fer réunis 470. Wagons-lits 4 »/0 491. Tram ways de Salonique 492. Deux nouvelles recrues, l'obligation 3 Tramways Bruxellois 470 et l'obligation Tramways de Reims 483 1/2 n'ont pas l'heur de plaire au public on n'en traite pas et cela ne nous étonne guère. Le 3 °/0 Bruxellois est bien peu avantageux ce prix et les Tramways de Reims sont inconnus. On nous demandait l'autre jour, si c'était une affaire dans le genre des Tramways d'Amiens. Nous nous sommes abstenu de répondre. Valeurs sidérurgiques et Charbonnières sansaffaires. Actions du Zinc en nouvelle baisse. L'Austro en des sous de 1300, et la Vieille-Montagne 477 1/2. Valeurs Argentines plus faibles. J. C.

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Le Progrès (1841-1914) | 1893 | | pagina 3