Chronique locale.
57. Dimanche,
53e ANNÉE.
16 Juillet 1895.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Progrès du cléricalisme.
A Bouillon.
La Marseillaise,
Nos bons hobereaux.
Le doigt dans l'œil.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES iCQCIRIT ECNDO.
Ypres, le 15 Juillet 1893.
Pendant qu'on se livre des discussions by
zantines propos de questions mal présentées,
mal étudiées par un gouvernement sans presti
ge, le péril clérical, dit la Meuse, croit sans
cesse. Jamais les cléricaux n'ont été plus enva
hissants. Jamais ils n'ont déployé plus d'activité.
Cessons donc, s'écrient-ils, nos querelles
pour nons attacher résoudre ensemble les
grandes questions démocratiques et sociales
dont la solution s'impose. Il leur a suffi de
jouer ainsi au socialisme pour séduire les avan
cés. Et pendant qu'on traîne en longueur des
discussions qui n'aboutissent rien, Ion s'em
pare sournoisement de toutes les positions. On
cléricalise la garde civique en mettant sa tète
des chefs de la plus pure orthodoxie. Des minis
tres sont-ils encombrants On s'en débarrassé
en les casant dans l'elat-major de nos princi
paux établissements de crédit. Nos tribunaux
et nos Cours sont insensiblement envahis par
(les cléricaux. Nos aihenèes se peuplent de pro
fesseurs bien pensants au point que, dans un
des plus importants d entre eux, il ne reste plus
que trois professeurs libéraux. Demain, on met
tra la tète des Beaux-Arts un clérical bon
teint, qui n'a d'autre titre occuper cette posi
tion que ses opinions politiques. L on se montre
si mielleux, si bon apôtre, que, sous pretexte de
donner satisfactions la liberté de conscience
et la démocratie, on amene les radicaux
vouloir s'allier avec M. de Hurlez pour tordre le
cou ce qui reste de l'enseignement officiel Et
pendant que le virus clérical s'infiltre partout,
nos adversaires, sans perdre un instant, travail
lent énergiquement approprier les futures
couches d électeurs au nouveau système électo
ral.
Entre-temps, selon notre habitude, nous gar
dons cette indolente quiétude qui nous est fa
milière. Ce double jeu des cléricaux est imité
de la tactique deLeonXIll, qui, en 1879, faisait
mine dencenser nos libertés, tandis qu'en cati
mini, il s'efforçait d'y porter atteinte, attitude
louche que M. Frère-Orban démasqua avec
l'énergie que l'on sait. L'on peut prédire que,
tout en feignant de n'avoir d'autres souci que
la solution de problèmes sociaux, M. Beernaert
et ses amis préparent la Belgique un régime
plus réactionnaire que jamais. L'œuvre s'accom
plit sourdement, mais sûrement.
L'autre jour est mort Bouillon un institu
teur pensionné, M. Jacques, qui laisse après lui
six enfants... Les deux aînées ont été institu
trices Bertrix, mais elles ont été, comme tant
d'autres, mises en disponibilité et on les a
privées de tout traitement dattente, sous pré
texte que leur père avait une pension...
Restent quatre fils, dont un âgé de onze ans
peine. Aucun n'a pu trouver se placer la
mère est morte.
Voilà donc si^orphelins dans la détresse la
plus profonde, victimes de la haine cléri
cale!
L'instituteur défunt, M. Jacques, était libéral.
Il n'en a pas fallu davantage pour designer
ses filles, institutrices diplômées, au mauvais
gre du conseil communal de Bertrix, composé
de calottins sauvages qui Je ministère cléri
cal a mis la bride sur le cou.
Et toute la famille est aujourd hui réduite
la faim parce que son chef s'était, de son vivant,
permis de n être point clérical.
Ces choses-là crient vengeance et elles se
voient tous les jours dans tout le pays.
Et on laisse faire. Personne ne s'émeut.
Le cléricalisme morbus a avachi et aplati
tout le monde.,.
Triste nation, jadis si fière
dont le seul nom faisait grincer de fureur nos
bons calottins, rentre en faveur, paraîl-il, dans
le monde bien pensant.
Un festival s'est organisé Dinant plusieurs
sociétés bien pensantes y ont pris part.
Le Patriote rend compte de cette fête remar
quable, et il rapporte 1 incident que voici
A 10 heures, six sociétés françaises des-
cendent le perron de la gare, salaces par une
retentissante Marseillaise que jouent les
Amateurs dinanlais.
La Marseillaise admirée par le Patriole l
A quand la Carmagnole pour saluer les visi
tes cpiscopales, et le Ça ira pour distributions
de prix aux ccoles de pet ils-frères
Le Courrier de Bruxelles éprouve lui-même
le besoin de leur dire quelques vérités. Voici
ce que nous lisons, avec plaisir et stupéfaction
la fois, dans une correspondance que notre
clérical confrere reçoit du Luxembourg
Certains seigneurs du pays de Florenville,
écrit-il, ont daigné permettre l'entrée de leurs
grands bois aux cultivateurs qui vivent
l'ombre de leurs châteaux. Cette mesure si
opportune et si bienveillante a été très bien
accueillie.
Il est regrettable qu'elle n'ait pas trouvé
plus d'imitateurs.
Je sais des coins du pays où le peuple est
exaspéré, parce que les détenteurs d'immenses
propriétés boisées y laissent pourrir l'herbe qui
a grandi sous la feuillée, tandis que le bétail
meurt de faim. Cest, en effet, déplorable de
rester d'airain, quand il faudrait s'ouvrir la
douce et sainte charité.
Tout cela esi bien exact. Un mépris absolu
et un dédain complet des situations souvent
bien douloureuses qui s'étalent quotidienne
ment sous leurs yeux, sont des traits caractéris
tiques de la plupart de nos nobilions de cam
pagne. Etre pauvres d'esprit, besogneux et
impitoyables, voilà généralement quelles sont
leurs vertus cardinales.
Dans notre n° du 6 J uillet nous avons relaté
la mémorable solennité de la remise des récom
penses aux sociétés dramatiques qui avaient
participé au concours organisé, l'hiver dernier,
avec l'argent de la ville, par la section burles
que Willenis kunnen du Cercle Catholique.
Comme nous le savons, le jury était présidé par
le célèbre Brouwers, inspecteur catholique des
écoles primaires de l'Etat; le 2 Juillet Brou-
wers habitait encore Courtrai, depuis lors il a
délogé, ce qu'il paraît, pour venir habiter
Ypres, chez son fils, le célèbre Jules de la rue
de Menin (on dit qu'ils sont tous célèbres dans
cette famille).
Nous avons donné un léger aperçu du potin
qui a eu lieu la suite de la partialité révol
tante du par trop fameux Brouwers qui avait
refusé un Gantois de formuler une protesta
tion contre le jugement du jury.
Nous avons, sans commentaire aucun, fait
mention de la circulaire distribuée, l'après-
midi, en ville, par huit sociétés qui trouvaient
que les membres du jury n'étaient pas la hau
teur de leur tâche.
Nous n'avons fait qu'effleurer la bagarre du
Cercle Catholique et la mise la porte, avec
quelques coups de pied dans la partie la plus
intéressante de l'individu, d'un des Baus. Nous
aurions pu en dire davantage, mais nous avons
trouvé qu'il était déjà assez triste pour un Baus
d'avoir été méprisé par ses propres amis, au
Eoint d'en avoir reçu des horions, et d'avoir été
onteusement jeté la porte par ceux-là mêmes
qu'il ne considérait que comme se3 inférieurs,
sans devoir encore tomber sur un ennemi politi
que terrassé
Là-dessus, Vastronome, la bosse enfourche son
dada et, pour ne pas changer de système, ré
pond jésuitiquement que nous avons commis
une fière maladresse (Journal d1 Ypres du 12 Juillet)
en reproduisant avec avidité la protestation des
huit sociétés non-récompensées, parce que
M. H. Meert, professeur au Collège communal,
avait été honoré chose significative au point
de vue du Journal des importantes et difficiles
fonctions de secrétaire. Où nos lecteurs ont-ils
pu voir dans notre article Le livre d'or du Cercle
Catholiquedu 6 Juillet, que nous avons reproduit
avec avidité la protestation des sociétés dramati
ques de Gand, Waereghem, Borgerhout (Anvers),
Jette S4 PierreLooPoperingheDixmude et Ton-
gres Nous en avons simplement fait mention.
Le triste avorton de la capricieuse nature se
fourre donc le doigt dans l'œil. Avons-nous
critiqué la décision du jury Absolument pas.
L'avons-nous appréciée? Pas davantage N'ayant
pas assisté ce fameux concours qui n'a pas
rendu au commerce Yprois les 2000 fr. sortis de
la caisse de grand'mère nous n'avons pu
émettre notre appréciation. Mais ce qui est plus
fort, c'est que, d'après M. Carcasson, nous de
vrions approuver le jugement du jury parce
queM. H. Meert en était le secrétaire. Tout
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