Jl" 75. Dimanche, 55e année. 17 Septembre i 8ÎK>. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. M. Beernaert et la politique cléricale. La question monétaire. 6 FRANCS PAR AN. Depuis que le rideau est tombé sur le dernier acte de la revision, tous les journaux cléricaux ne cessent de tresser des couronnes SiBeer naert, dont la fermeté, la prévoyance et le pa triotisme éclairé ont su triompher de tous les obstacles. Aussi, le pays entier vouera t il cet homme éminentda reconnaissance qu'il mérite. 11 serait assez difficile de dire, dit la Meusesi tous ces panégyriques ronflants sont sincères, mais ce qui est certain, c'est qu'ils sont aussi peu fondés que maladroits. Du début la fin de cette œuvre fastidieuse, M. Beernaert a fait preuve non de fermeté, de prévoyance ou de patriotisme éclairé, mais, tout au contraire, d'une impéritie gouvernementale dont on n'avait pas encore eu d'exemple en Bel gique. Mes propositions s'écartent en plusieurs points de mes vues personnelles, disait notre premier ministre en exposant nous ne savons plus quel projet de revision. N'était-ce point avouer, dès le début, qu'il était incapable de trouver une solution au problème, qu'il n'avait ni direction politique ni initiative parlementaire et qu'il ne présentait aux Chambres qu'un pro jet quelconque, amalgame d'idées quelconques, empruntées tous, et qui n'avait qu'une qualité et qu'une raison d'être celle de sauver son por tefeuille Ce système de concessions complaisantes dont il faisait si ingénument l'aveu dans ses premiers discours, il l'a continué sans cesse, et dans le nouveau pacte constitutionnel qui nous régit au jourd'hui, il serait bien difficile de retrouver une proposition de M. Beernaert qui n'ait été revue, corrigée, retournée et sophistiquée au gré de l'un ou de l'autre. Pendant plus d'une année, nous avons assisté l'évolution de cet opportunisme sans franchise, subordonnant le bien du pays la conservation du pouvoir et concédant n'importe quoi aux hommes et aux partis que l'on craignait et avec lesquels il fallait compter. Seraient ce là la fermeté et le patriotisme éclairé qui valent aujourd'hui tant d'hommages au chef du cabinet Ses moyens de recruter des majorités et d'im poser ses volontés aux Chambres n'ont-ils pas toujours été, au contraire, sans franchise et sans droiture Combien de fois a t-il joué de la dé mission C'est très digne et très crâne de poser la ques tion de cabinet, mais une fois posée, elle doit être maintenue, et il est absolument piteux pour un ministre de la retirer après échec, comme l'a fait quatre ou cinq fois M. Beernaert. Lorsque la menace de démission fut usée, il usa de celle de la dissolution combien de re prises N'alla-t-il pas, le jour du vote de l'ar ticle 56, jusqu'à annoncera tous ses collègues qu'il avait en poche l'arrêté dissolvant les Cham bres Et ce système de pression et d'intimidation, cet appel l'intervention du Roi, que valent-ils? Est-ce cela qu'on appelle la grande politique, ou est-ce bien plutôt de la politique étroite et mes quine, dont la seule habileté est d'éviter les res ponsabilités et de louvoyer sans cesse Devons- nous. d'ailleurs, nous en émouvoir Et depuis ces neuf années de gouvernement clérical, n'a vons-nous pas vu se développer sans cesse cette même politique Ne Bavons-nous pa6 vue dans la question du service personnel, cettegrande et noble cause. comme disait en 1884 le général Pontus, la quelle il se dévouait et qu'il ferait triompher, car si ses efforts devaient rester stériles, il ne resterait pas un jour de plus au ministère Comme on a pu le constater, ses jours ont été de longue durée. Ne l'avons-nous pa3 vu dans la question du référendum, qui fut l'une des plus étranges co médies dont l'histoire parlementaire nous ait offert le spectacle Tout le monde a encore l'esprit cette pali nodie burlesque jouée parla droite et M. Woes- te la question de cabinet agitée un instant, mais bientôt prudemment retirée. Ne l'avons nous pas vue dans la question des droits protecteurs toujours promis dans les ar rondissements agricoles, mais dont on se défen dait énergiquement Anvers et dans les villes N'est-ce point toujours cette même habileté de l'équivoque qui a sauvé le gouvernement dans toutes les crises traversées dans les affaires Pour- baix, dans celles du Congo, dans toutes les ques tions économiques ou sociales et même jusque dans cette question monétaire qui se montre l'horizon si menaçante et qui peut faire sombrer les finances de la Belgique Sont-ce là les titres de M. Beernaert la recon naissance de ses concitoyens Le pays jugera, comme on dit aux Chambres. Le testament royal. Comme l'a dit XIndépendance et l'a confirmé le Journal de Bruxellesle Roi a fait remettre aux archives de l'Etat, au département de la Justice, en même temps que les textes constitutionnels, un pli scellé contenant son testament. Dans l'intérêt du bien public (pas celui de Gand) nous n'avon3 pas hésité, sans en avoir cou tume, forcer le coffre-fort de M. Lejeune et nous emparer du précieux document. Nous espé rons que la justice nous sera clémente, ne voyant que le but atteindre et que si nous passons en cour d'assises pour avoir surpris et dévoilé le secret du Roi, nous serons acquittés l'unanimi té des douze jurés. Le testament politique du Roi est écrit sur une large feuille de papier dauphin, timbrée aux armes de Belgique. Adressé au prince Albert, il a le mérite d'être bref, net, clair et catégorique. Nullement gêné par la presse, les politiciens et le public, le Roi parle ouvertement et sans fard, ni sans phrases, dit ouvertement ce qu'il pense. Que l'on en juge A mon cher neveu ALBERT, de belgique, Appelé me succéder, votre père ayant re noncé ses droits au trône, aimez profondément le peuple sur lequel vous allez régner. Il culti ve la critique, l'opposition, et son esprit frondeur m'ont donné parfois quelques soucis, mais il est profondément attaché la dynastie et il restera fidèle au trône si vous respectez ses droits et ne froissez jamais ses opinions. Aujourd'hui que l'œuvre de la revision est accomplie, il va se départager entre trois partis vous allez donc vous trouver en présence des li béraux, des conservateurs et des socialistes. Ne redoutez pas ces derniers ils n'auront jamais de puissantes racines dans le pays et com me ils vous attaqueront toujours visage décou vert vous saurez leur répondre par des raisons humanitaires etphilosophiquesen vous montrant épris du bien-être du peuple et de justice, en véritable ami de tous les Belges. Ne vous méfiez pas des libéraux, ils ont été en toutes circonstances, en 48, en 57, en 71 et en 84, en un mot aux jours des tourmentes popu laires, les meilleurs soutiens du trône. n Mais prenez garde aux catholiques ils se sont dits les meilleurs amis de Léopold 1er, mes sujets les plus dévoués et ils n'ont cessé de créer mille difficultés ces deux prédécesseurs. Ma volonté et j'ai tenu vous l'exprimer en ce moment solennel consacrant les conseils que je vous ai donnés plusieurs reprises, est que vous ne redoutiez pas, dans les moments de crise, d'agir comme Léopold 1er en 57, comme moi en 71 et en 84. N'hésitez pas vous séparer de conseillers condamnés par le pays, dont la politique funeste atteindrait la fois la Couronne et la Nation. Suivez, mon cher neveu, cet avis suprême et demain en montant sur le trône inspirez-vous de cette pensée Seuls les catholiques ont été un danger pour la Belgique et la dynastie. Soyez prudent,n'acceptezleurencensqu'avec réserve, jamais ne devenez un instrument dans leurs mains brisé par le peuple, ils s'empresse raient de vous abandonner. Ce sont deux rois qui vous parlent en ce mo ment si vous voulez régner l'abri des convul sions sociales et politiques, écoutez-les. On sait que les délégués des différents pays ap partenant l'Union latine vont se réunir pour statuer sur la question de la monnaie division naire Italienne. Nous avons aussi, nous, une question de mon naie divisionnaire, seulement elle est l'inverse de ce qu'elle est en Italie. En Italie, il n'y a pas assez de monnaie divi sionnaire, et cette situation gêne considérable ment les habitants. En Belgique, il y en a trop, il y a trop du moins de sous français, et cette abondance nous ennuie. Notre gêne, nous, est plutôt dans la nature de la monnaie. Le bronze est trop lourd, on le trouve laid, comparé notre monnaie de nickel. C'est plutôt une affaire de goût, d'agrément, presque d'art. Nos ancêtres ont connu les sous de cuivre belges. Nos ancêtres, c'est même beau coup dire, car dans la génération actuelle ils sont nombreux ceux qui vivaient déjà l'époque où il n'y avait pas de monnaie de nickel. Ce n'est donc pas une crise que nous subis sons, et l'abondance des sous de cuivre qui circulent en Belgique ne cause pas une gêne comparable celle qui résulte de la disette de billon en Italie. LE PROGRÈS PARAISSAIT LE JEUDI ET LE DIMANCHE» vires acquirit ecndo. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Proches Pour le r ttagt de la Belgique et de l'Etranger ('Agence Rossel, 44, rue de la Madeleine, et i, rue de l'Enseignement, Bruxelles. Ypres, le 16 Septembre 1893. LÉOPOLD. Fait Ostende le 5 Septembre 1893.

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Le Progrès (1841-1914) | 1893 | | pagina 1