85. Dimanche,
55e ANNÉE.
22 Octobre 1895.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
La dictature des Comités.
La Chambre.
Magenta.
6 FRANCS PAR AN.
Ypres, le 21 Octobre 1893.
M. Emile Féron, qui a mené dans La Réforme
une vaillante campagne contre la dernière
grève si légèrement, si follement engagee,
répondant aux attaques du Peuple, s'élève
bon droit contre la dictature des comités.
Après avoir établi qu'il y a une différence
énorme entre les associations politiques de la
bourgeoisie et celles des ouvriers, les unes s'oc-
cupant simplement de politique, les autres
d intérêts, il montre combien sont graves dans
leurs conséquences les décisions prises par ces
dernières. Elles tranchent des questions où les
intérêts de tous sont en cause. Il s'agit des
conditions du travail, du salaire. Chacun ex-
[>ose son pain. C'est donc autrement grave et
a dictature des comités, fût-elle tolérée dans
une association libérale ou conservatrice,
qu'elle ne pourrait jamais y avoir des effets
aussi funestes que ceux qu'elle produirait dans
des organisations ouvrières. Dans celles-ci
plus que dans toutes autres, il est donc essen
tiel que les associés exercent eux-mêmes leurs
droits et que leur liberté reste intacte.
En a-t-il été ainsi pendant la dernière
greve?M Maroille, comme le citoyen Calle-
waert le lui a reproché, a été engager au
Congrès de Lens le pain d un tas de braves
gens, sans les avoir consultés.
Le sort en était jete I Pour plaire ce tribun
en similor il fallut chômer.
11 est vrai que des référendums ont été or
ganisés pour mettre soi-disant l'abri de ter
ribles responsabilités la dictature des comités.
Ecoutez comment l'apôtre de cette réforme,
M. Emile Féron, parle des référendums ou
vriers
Si nous avons trouvé que les référendums
de la dernière greve n'étaient pas une garantie
suffisante, c'est, notamment, parce que les
référendums ne portaient pas sur la résolution
définitive qui était réservée aux comités. Et la
preuve que la situation était mal connue au
moment où les ouvriers votaient, c'est que les
grèves ont très mal tourné et que Ion a fini
par assister ce spectacle du Conseil d'Etat des
Chevaliers du Travail, décidant, en moins de
dix jours, deux fois la grève et deux fois
l'abandon de la grève.
La réflexion est parfaitement juste.
Après cette manifestation de la tyrannie des
comités qui s'est exercée si sottement, dit le
Journal de Monsentravant lessor du marché
et la reprise des affaires, prologue de l'augmen
tation des salaires, les ouvriers comprendront
qu ils doivent abattre la dictature dont ils ont
été les victimes. S'ils maintenaient leur téte
ceux qui ont été engager leur pain, Lens,
par simple amour de la parade, afin de mon
trer la puissance de* leur autorité sur les ou
vriers, ils devraient s'attendre se trouver
mêlés de nouvelles aventures dont seuls mal
heureusement ils subiraient les conséquences.
En chassant de leurs rangs les potentats et les
tyrans ils assureront leur avenir et leur pain.
M. Woeste adresse au Courrier de Bruxelles
une lettre-manifeste contre la représentation
proportionnelle, qui est une véritable déclara
tion de guerre M. Beernaert. Il rappelle que
celui-ci, avant le vote de l'article 48, a pris
l'engagement de ne présenter la réforme que
d accord avec ses amis il s'est seulement
réservé le droit de se retirer, si l'accord ne se
faisait pas. Et il faut qu'il se relire. M.
Woeste y tient énormément. La droite, écrit-
il, est-elle prête baisser pavillon
Puis M. Woeste aligne contre la représen
tation proportionnelle les vieux clichés cent
fois réfutés, qui traînent depuis longtemps
dans les colonnes de la presse ultra-reaclion-
naire. Nous y reviendrons.
X^e régime du Je m en fichisme I
On sait que l'interpellation relative l'institu
teur de Sorée, ce malheureux qui attend depuis
dix-huit mois le traitement qui lui est dû, a été
fixée la réouverture de la Chambre.
Celle-ci, suivant toutes probabilités, ne devant
avoir lieu que dan3 un mois, que fera cet infor
tuné en attendant que la Chambre ait tranché la
question soulevée par M. Féron
On a lu sa lettre éplorée au Roi c'est un cri
de détresse qui a secoué tous ceux qui ont du
cœur.
A la séance de la Chambre, notre honorable
député, M. Bara, a invité le ministre prendre
des mesures immédiates, non pour secourir l'ins
tituteur, mais pour que l'Etat, remplaçant la
commune ruinée, lui solde l'arriéré qui lui est
dû Un instituteur demande du pain, s'est-il
écrié, et on lui répond un mois
Réponse d'égoïste et de repu...
M. De Burlet, qui mange tous les jours, n'a
rien trouvé répliquer M. Bara, se contentant
de déclarer qu'il acceptait l'interpellation. C'est
le régime du Je m'en Jichisme pur, de l'égoïsme
le plus atroce.
M. De Burlet un devoir remplir, s'il ne
veut pas voir des faits lamentables comme celui
de Sorée se reproduire trop souvent qu'il solli
cite de la législature un crédit permettant au
gouvernement de payer les traitements en retard
des instituteurs en activité. L'opposition le vo
tera d'enthousiasme.
Il est impossible de maintenir la situation pré
sente, de voir un instituteur continuer fournir
vaillamment un travail sans toucher un centime
alors que les arriérés se prolongent et que les
dettes augmentent.
La droite elle-même acceptera cette solution,
moins de pousser l'esprit d'inhumanité jus
qu'aux limites de la férocité.
Il est regrettable que cette proposition n'ait
pas été faite de suite et que M. De Burlet n'ait
pas répondu l'invitation de M. Bara mais en
fin si elle se produisait en Novembre elle évite
rait le retour de ce honteux état de choses, hon
teux pour le pays comme pour le gouvernement.
11 ne faut pas qu'en Belgique, un instituteur
travaillant, peinant chaque jour, puisse mourir
de faim Si la commune ne sait pins le payer,
c'est l'Etat la remplacer et solder, ne l'ou-
blionB pas, la dette de tous.
Après avoir constitué son bureau pour la ses
sion de 1893-94, la Chambre s'est ajournée au se
cond Mardi de Novembre.
Déjà fatiguée
Et l'on s'étonne qne les ouvriers fassent de la
propagande pour obtenir la journée de huit
heures
Nos honorables auraient cependant pu mettre
profit un peu du temps qui va s'écouler entre
le 17 Octobre et le 14 Novembre time is money.
Plusieurs interpellations étaient annoncées.
Pourquoi laisser moisir ces sujets d'actualité
N'était-ce pas le moment de vider ces petites
querelles, afin de ne pas en embarrasser les dis
cussions indiquées pour la rentrée de Novembre?
Nos députés ont tort de ne pas considérer leur
mission et leur devoir avec un peu plus de gra
vité. Si le système parlementaire perd tous les
jours de sa vitalité, sous les railleries de la pres
se et du public, la faute en est ceux qui de
vraient être son plus solide appui.
La mort du maréchal de Mac-Mahon évoque
la plus belle page de sa carrière, la bataille de
Magenta, gagnée sur les Autrichiens le 4 Juin
1859, pendant la campagne d'Italie.
Le combat de Robecchetto avait eu lieu le 2
Juin. Le 4, l'empereur avait résolu de rendre ce
succès décisif en occupant, définitivement la rive
lombarde de la grande rivière. On sait que les
mauvaises dispositions prises par le souverain
allaient aboutir un échec, malgré la superbe
ardeur des troupes, quand Mac-Mahon, qui on
avait donné comme but la prise de Buffalora,
devina, l'intensité de la canonnade, que la par
tie était compromise. Il se porta délibérément au
canon au moment où le maréchal Canrobert ar
rivait lui-même devant Magenta.
Le 2e corps fut admirable d'élan. Son chef fit
montre de coup d'œil. Malgré l'ardeur des trou
pes, les divisions de la Motte-Rouge et EspinasBe
n'avaient pas gardé le contact -, et l'ennemi, pro
fitant de ce trou, menaçait de couper les deux
groupes et de les battre en détail. Le général
avait prévu cet incident et y avait paré l'avan
ce en tenant en réserve, aux centres, les volti-
f;eurs de la garde. Ceux-ci continrent l'ennemi,
e refoulèrent et permirent aux généraux de la
Motte-Rouge et Espinasse de se porter de nou
veau en avant.
La marche hardie de Mac-Mahon et sa promp
titude de décision avaient sauvée l'armée d'un
désastre, car elle avait le dos une rivière large
et rapide et au puissant canal du Naviglio Gran
de. Le succès de la campagne était désormais
assuré aussi l'opinion ratifia-t-elle la nomina
tion de Mac-Mahon la dignité de maréchal de
France et le titre de duc de Magenta qui lai fut
accordé.
LE PROGRÈS
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
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