une des causes les plus puissantes du soulèvement de 1830. C'est nommer la liberté de l'enseignement, que l'arti cle 17 de la Constitution a entendu particulièrement ga rantir. Celui qui écrit ces lignes n'est point un adversaire systématique de l'enseignement par l'Etat. Au contraire, il le veut, il le défend, il le croit utile, légitime, et parfois indispensable mais il ne le conçoit et ne l'approuve que comme parallèle l'enseignement libre, son suppléant uand celui-ci fait défaut, son égale et au besoin son mule, son ennemi jamais. L'inimitié se montre où commence l'absorption. C'est le but des dispositions que nous combattons, et le monopole est l'horizon Il y a plus d'une manière de confisquer les libertés d'un peuple la violence brutale qui se manileste par les coups d'Etat, les procédés couverts qui s'abritent sous le manteau de la légalité. La plus dangereuse des deux manières n'est pas tou jours la première. Multiplier outre mesure les établissements officiels d'instruction tous les degrés, placer partout une école de l'Etat côté de chaque école libre, envahir un domaine que l'initiative libre et individuelle peut suffisamment fé conder, faire tout cela au moyen des ressources presque inépuisables du trésor public alimenté par tous, c'est faire l'enseignement libre une concurrence excessive ce n'est même plus la concurrence, c'est la guerre faite ar mes inégales. Où s'arrêtera-t-on Une fois entré dans cette voie, le projet de loi devait fatalement pousser outrance le système de la centralisa tion il n'y a pas manqué. C'est l'Etat qui décrète la cré ation de l'établissement d'enseignement secondaire, collège ou école moyenne, qui en fixe le lieu, qui l'impose la commune, fût-il satisfait aux besoins de l'instruction dans la mesure la plus complète c'est lui qui détermine la dé pense fart. 7J, la commune paye; ce sera désormais sa seule attribution c'est lui qui choisit le personnel, qui fixe les traitements, la commune paye le tiers obligatoire de la dépense et quelquefois au delà. Il y a plus, les pro vinces et les communes sont condamnées conserver ja mais des établissements, fussent-ils vides et désertés, dont elles demanderaient la suppression pour cause d'a bandon général (art. 3). N'est-ce pas là blesser au cœur l'autonomie commu nale dans une de ses prérogatives essentielles Croit-on servir la liberté générale d'un pays, en diminuant, en supprimant les immunités provinciales et communales qui eo sont la base Vouloir ramener toute la vie morale et intellectuelle d'une nation l'impulsion exclusive de FÊtat serait un acte aussi peu raisonnable que celui d'un indi vidu qui prétendrait ne vivre que par la tête en condam nant ses membres l'immobilité ou la mutilation. C'est cependant ce que nous verrions, si les projets que nous réprouvons pouvaient réussir. Voilà ce que disait l'honorable M. Nothomb et, dans la discussion, l'honorable M. Vandenpeereboom, combattant vigoureusement le projet, disait, entre autres choses Sous l'empire de la loi de 1830, les communes pou vaient créer une école moyenne dépendant exclusivement de la commune et elles en conservaient l'administration il suffisait d'obtenir l'autorisation de la députation parma- nente. Celte disposition, qui n'existait pas dans le texte pri mitif, fut introduite par un amendement de M. de Brouc- kere, le 13 Mars 1830. Le texte de la loi de 1850 ajoute sauf recours au Roi en cas de refus. S'agissait-il de la suppression on laissait la commu ne libre. Le conseil communal votait, il était responsable vis-à-vis du corps électoral... Si le gouvernement croit que sa tutelle est nécessaire dans l'Intervention des communes, qu'il applique la même mesure dans les deux cas et, s'il la juge utile, il peut sans inconvénient maintenir les dispositions de là législation actuelle. Messieurs, j'espère avoir démontré que la loi est une arme nouvelle de centralisation que les mesures propo sées sont destinées combattre l'influence de l'enseigne ment libre et affaiblir le pouvoir communal. La loi de 1850 était un premier pas dans celte voie, mais les ten dances de l'opinion libérale étaient moins exagérées qu'aujourd'hui. Les orateurs de la gauche proclamaient hautement leur respect pour la liberté communale. S'il y avait choisir, disait l'honorable M. Rogier, entre l'enseignement libre et l'enseignement de l'Etat, nous n'hésiterions pas nous prononcer pour l'enseigne ment libre, parce que nous avons toute confiance dans la liberté Quelle différence entre ce langage et celui que nous entendons tous les jours dans cette Chambre D'autres membres de la droite protestaient avec vigueur contre le projet, et l'honorable M. Woeste, notamment, disait M Woeste. Ce n'est pas tout il est un autre point de vue auquel la liberté communale va être sérieu sement atteinte, le veux parler de la disposition par la quelle, après avoir autorisé les communes créer des établissements d'instruction moyenne communaux, on ne leur permet pas de les supprimer sans la ratification du gouvernement. Cette disposition est évidemment inspirée par une sorte de défiance l'égard des administrations communa les catholiques. On suppose que celles-ci sont systémati quement hostiles aux collèges communaux laïques. Eh bien, il n'en est rien. A Tongres, Chimay, Louvain, sous les adminis trations catholiques, les collèges communaux laïques ont été maintenus. Actuellement Nivelles, sous l'administration de M. de Rurlet, le collège communal est en pleine prospérité, et il peut compter sur I appui sérieux de l'autorité locale. 11 ne faut donc pas dire que les administrations com munales catholiques veulent supprimer systématiquement les établissements d'instruction moyenne communaux. A mes yeux, le gouvernement ne peut pas prétendre raisonnablement que quand des collèges communaux ne jouissent pas des sympathies des populations et qu'ils entraînent des dépense* considérables, les administrations communales doivent les maintenir. Cependant la disposition que je critique en ce mo ment a été introduite dans la loi, uniquement pour que le gouvernement puisse imposer des communes catholi ques le maintien de collèges communaux n'étant pas fréquentés et ayant élé, par suite d'un revirement électo ral, fondés, contrairement au sentiment de la presque unanimité, par des administrations commuales de hasard. Il est donc évident que, pas plus ce point de vue qu'aux autres, les atteintes qui sont portées par le projet de loi la liberté communale ne peuvent être niées. Voilà, Messieurs, comment le projet fut apprécié la Chambre. Et c'est la lumière de ces précédents, la lu mière de ces critiques du parti conservateur contre cette disposition de la loi de 1851 que j'avais examiner, ju ger le vote du conseil communal d'Ypres dans la question de son collège. Le devoir du gouvernement armé, dans cr-s conditions, de ce droit de veto inconnu jusqu'en 1881, était d'exami ner quelles raisons décisives et impérieuses alors que l'administration communale avait statué, que la députa tion provinciale et le gouverneur se sont prononcés dans le même sens pouvaient lui dicter une mesure absolu ment contraire. Quelle situation ai-je trouvée pour le collège d'Ypres Quelle était sa population? L'honorable M. de Stuers a eu tort de citer la Cham bre le chiffre de 45 élèves. Ce chiffre était de nature in duire la Chambre en erreur. La question n'est pas de savoir combien le collège communal d'Ypres comptait d'élèves en y comprenant les deux classes inférieures qui ont été ouvertes le seul chiffre discuter est celui du nombre d'élèves que comptaient les classes supprimées. L'honorable membre a éprouve le besoin d'exagérer il s'est servi d'un chiffre inexact et il a eu tort. Il ne me contredira pas quand j'affirmerai que, depuis une dizaine d'années, pour les classes supprimées, la moyenne n'a pas élé supérieure 30 élèves, et cela pour une population de 16,000 17,000 habitants M. de Stuers. A Nivelles, il n'y a que 22 élèves dans les cinq classes supérieures latines. M. de Burlet. ministre de l'intérieur et de l'instruction publique. L'honorable membre ne s'attend pas ce que je rencontre son parallèle entre l'administration com munale de Nivelles et celle d'Ypres. Nivelles dépense 25,000 francs pour son collège, fréquenté par 115 élèves. Il n'y a donc aucune assimilation possible. D'ailleurs, la ville de Nivelles est libre chez elle, comme il convient que la ville d'Ypres soit libre chez elle, dans la limite de ses droits. Donc, ici, une trentaine d'élèves seulement, parmi les quels plusieurs n'appartiennent pas la localité, ce qui ré duisait dix ou quinze le nombre des familles profitant du collège communal. El quelle dépense pour un service aussi réduit?... M. de Stuers. Comme Nivelles (rires), où le plus grand nombre d'élèves sont étrangers. m de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'instruc tion publique. Décidément l'honorable M. de Stuers est plus Nivellois que moi-même. Je le remercie de l'enthousiasme que lui inspire le chef-lieu de mon ar rondissement. Rires droite). Je reprends ma question. Quelle dépense totale entraînait ce collège d'Ypres Environ 25,000 francs La moyenne de l'intervention annuelle de la ville d'Ypres est d'environ 9,000 9,500 francs. L'Etat donnait ce collège un subside de 14,000 15,000 francs, soit une dépense de 800 9^)0 francs par élève. C'est beaucoup c'est cher. C est une très lourde charge Sans doute, il ne faut pas se baser uniquement sur cette moyenne de la dépense par élève pour se pro noncer sur le maintien ou la suppression des établisse ments d'instruction certains professeurs d'université par exemple chargés de cours spéciaux sont parfois pendant une ou deux années sans élèves. Va-t-il entrer dans l'esprit de personne de soutenir qu'il faille, pour cela, supprimer leurs cours Evidemment non ce serait fatal pour l'enseignement supérieur. Mais nous sommes ici dans un domaine plus modeste nous som mes ici sur le terrain communal II faudrait des raisons graves pour imposer une administration, qui n'en voit plus l'utilité, un collège qui entraine de lourdes charges et dont la population scolaire est réduite sa plus simple expression. Ces raisons graves, je ne les vois pas dans le cas actuel, au contraire. Je n'ai pas voulu prendre la responsabilité, en annulant cette dé cision, de ruiner les projets de l'édilité yproise, dési reuse d'exécuter de grands travaux d'utilité publique, dont la population tout entière, cette fois, est appelée bénéficier largement. J'y reviendrai dans un instant. L'honorable M. de Stuers, je le sais, nous dit, et cela fait toujours bien dans un discours de ce genre La vraie cause de la suppression de ce collège, c'est le désir du ministre de l'instruction publique de porter l'enseignement public un nouveau coup (Iulerrup- tion). L'honorable M Hanssens, qui fait un signe d'assen timent en ce moment, est le même qui, dans cette Chambre, m'appelait un jour très spirituellement le ministre de ce qui reste de l'instruction publique. M. Hanssens. Vous avez fait de nouveaux pro grès depuis lors, puisque les suppressions ont continué marcher bon train M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'instruc tion publique. Oui, nous le savons depuis que j'ai augmenté tous les budgets de vos universités, de puis que j'ai augmenté et développé leur enseignement. M. Hanssens. A nos universités elles sont placées trop haut, celles-là, et l'on n'oserait pas s'at taquer elles. {Interruptions droite). M. de Burlet, ministre de l'intérieur ot de l'in struction publique. Vous faites donc amende hono rable pour les universités. Oubliez-vous que l'on a consacré, l'année dernière et les années précédentes, de longues séances me faire le procès propos des universités de l'Etat On reconnaît aujourd'hui que, sur ce terrain, il n'y a pas nous critiquer. M. Hanssens. Non, mais vous y casez vos créa tures. M. de Burlet, Tninistre de l'intérieur et de l'in struction publique. C'était assurément, pour le gouvernement, Messieurs, une très grande responsabi lité que d'aller l'encontre de décisions prises par un conseil communal pour assurer l'exécution de travaux publics reconnus nécessaires dans l'intérêt de la santé publique et de l'hygiène dans une ville importante. Il ne s'agissait pas. Messieurs, de travaux de luxe. J'ai examiné de très près la question, les discussions, le rapport de l'honorable baron Surmont de Volsberghe, bourgmestre d'Ypres. De quoi s'agit-il D'une chose capitale et essentielle pour toutes les administrations communales soucieuses du bien-être de leurs adminis trés création d'un système complet d'égouts et de distribution d'eau. Et il y a lieu de féliciter l'administration communale d'Ypres d'avoir compris qu'il n'y a pas, dans l'ordre matériel, de plus grand service rendre la popula tion d'une cité, que de créer sur tout son territoire un système parfait de collecteurs et de compléter ces tra vaux d'assainissement, si vivement recommandés par tous les comités d'hygiène, par une bonne et abondante distribution d'eau. Je ne pouvais pas, Messieurs, être indifférent ces projets de l'administration communale d'Ypres, je ne pouvais exposer celle-ci les voir entravés. Et j'avais pour cela d'excellentes raisons, ayant moi-même, Nivelles, poursuivi naguère, avec àpreté, la réalisation de travaux analogues, et j'estime avoir par là, servi les intérêts de mes anciens administrés. Nous avons fait ainsi la chasse aux maladies épidémiques et les avons expulsées du sol de la ville de Nivelles, grâce aux collecteurs et la distribution d'eau potable mise la portée de tous. M. Hanssens. Le collège communal d'Ypres était pire, pour certains, qu'une maladie infectieuse {Interruptions droite). M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'in struction publique. Cela peut être très spirituel, mais cela n'appelle pas de réponse. M. Le Poutre. Le ministère catholique, dès son arrivée au pouvoir, a commencé par supprimer l'athé née d'Ypres maintenant, il prête les mains la sup pression du collège communal. Affaiblir l'enseigne ment officiel est donc un principe auquel le ministère reste attaché. M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'in struction publique. Je l'ai dit déjà, et je le répète avec une conviction profonde, lorsque les amis de l'ho norable M. Lepoutre reprendront le pouvoir, ils ne songeront même plus pressurer les contribuables par la création d'inutiles établissements d'instruction

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Le Progrès (1841-1914) | 1893 | | pagina 2