Voos pouvez m'en croire, c'est là une attitude qui
vous attirera incontestablement des représailles dans
l'avenir. (Interruptions droite).
Vous parlez sans cesse de l'enseignement clérical
vous vous vantez de votre dévouement, des dépenses
que le clergé fait pour l'enseignement mais vous ou
bliez que le clergé a des ressources dont le paiti libéral
ne dispose pas il puise dans les caisses de l'Etat plus
de 5 millions de traitements il reçoit des subsides du
gouvernement, de la province et de la commune.
(Bruit droite).
Si vous donniez au parti libéral les rentes que pos
sède le clergé, il ne lui serait pas bien difficile d'avoir
toutes les institutions que votre parti est parvenu
créer
Je considère donc l'acte qui a donné lieu l'interpel
lation de M. de Stuers comme très mauvais il est
d'autant plus déplorable qu'à Ypres même les amis les
plus intelligents de l'honorable ministre, tel que l'ho
norable M. Colaert, étaient d'avis qu'il ne fallait pas
supprimer le collège communal.
Voilà donc l'échevin de l'instruction publique de la
ville d'Vpres, membre de la Chambre des représen
tants, un Yprois, au moins par naturalisation (rires
gauche), qui déclare qu'il ne faut pas supprimer le col
lège communal et le ministre ne tient nul compte de
cet avis
M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'instruc
tion publique. Ce n'est pas moi qui l'ai supprimé
M. Bara En réalité, c'est vous qui l'avez suppri
mé je répondrai cet argument.
M. Hanssens. La loi de 1881 vous donnait le
droit et, dans la pensée du législateur, vous imposait
le devoir de le maintenir.
M. Bara. L'honorable M. Colaert est un vérita
ble Janus Ypres, il se pose en conservateur de
l'enseignement public, et tel il se montre tous les
habitants ici, il se retourne, et c'est la face du des
tructeur de l'enseignement public qu'il nous fait voir.
(Longue hilarité gauche).
M. Colaert. Pas du tout Personne, Ypres,
ne m'accusera d'avoir les tendances que vous m'attri
buez.
M. Bara. Je ne dirai pas que c'est une comédie
électorale mais, franchement, les Yprois qui assis
tent cette séaBce doivent se dire Notre député est
bien changé (Rires). Et quel singulier changement
J'ai lu les discours que l'honorable membre a pro
noncés au conseil communal d'Ypres il fallait faire
preuve de quelque respect pour les libéraux et ne pas
les contraindre, malgré eux, confier leurs enfants
un établissement épiscopal.
M. Colaert. Mais il y a maintenant un collège
libéral libre
M. Bara. On n'a laissé aux libéraux que la li
berté d'envoyer leurs enfants au collège épiscopal et on
oblige les enfants des parents libéraux un véritable
exode vers les collèges communaux d'autres villes.
M. Colaert. Mais vos amis ont érigé un établis
sement libre Ypres
M. Dufrane. C'a été une conséquence de la sup
pression du collège communal, ce n'est pas sa justifi
cation.
M. Bara. Pour être conséquent avec lui-même,
l'honorable M. Colaert devrait s'inscrire sur la liste de
souscription destinée l'entretien du nouveau collège
libre. (Hilarité).
M. Colaert. Je le ferai après vous, quand vous
m'aurez donné l'exemple. (Nouvelle hilarité).
M. Bara. Mais votre cas n'est pas le mien je
n'ai pas, moi, soutenu deux thèses opposées.
L'honorable membre a produit un autre argument
Ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui a supprimé
le collège d'Ypres; c'est le conseil communal Mais
il oublie que la loi de 1881 a donné au ministre le con
trôle des décisions des conseils communaux en matière
de suppression des établissements d'enseignement
moyen. C'est, apparemment, qu'il en avait le droit. Il
ne s'agit pas d'un simple entérinement. Les communes
ne doivent pas avoir raison quand le ministre trouve
qu'elles ont tort, et c'est lui qu'appartient la décision
dernière et définitive. Si M. le ministre n'avait pas ap
prouvé la décision intervenue, le collège communal
aurait continué subsister.
Mais voyez la singulière doctrine qu'on essaye de
faire prévaloir Le gouvernement, quand il s'agit d'en
seignement public, ne veut être qu'un entérineur Un
conseil communal supprime une école le gouverne
ment est de l'avis du conseil, alors même que la moitié
du conseil a voté contre la suppression. Et quand il est
question de l'instruction primaire, quand le conseil
communal d'Anvers ou de Bruxelles décide qu'il n'y a
pas lieu de subsidier une école libre, immédiatement
ces délibérations sont annulées.
M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'in
struction publique. C'est une erreur il n'y a pas
d'annulation
M. Bara. Vous avez ordonné aux budgets de ces
communes l'inscription des sommes nécessaires pour
payer ces écoles.
M. De Mot. Parfaitement
M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'in
struction publique. C'est l'adoption d'office, en
vertu de la loi de 1884.
M. Bara. Vous adoptez des écoles malgré les con
seils communaux.
M. De Mot. Malgré le conseil communal de
Bruxelles.
M. Bara. Contre leur volonté, clairement, net
tement exprimée.
M. de Burlet, ministre de l'intérieur et de l'in
struction publique. C'est la loi et c'est l'équité
M. Bara. Et que se passe-t-il en matière de
culte S'il arrive un conseil communal de suppri
mer une indemnité uu vicaire, immédiatement on
s'émeut. Le ministre de la justice annule invariable
ment l'arrêté de la députation permanente qui confir
me la décision Quand il s'agit de la délibération d'un
conseil communal catholique, prise même une seule
voix de majorité, la décision est maintenue
Vous auriez, Monsieur le ministre, dû vous montrer
plus modéré et maintenir cet ancien et respectable
collège d'Ypres. S'il n'avait plus autant d'élèves qu'il
en avait jadis, c'est évidemment parce qu'on a prépa
ré sa ruine. On l'a miné petit petit et, lorsqu'on a
vu qu'il ne restait plus dans l'établissement que 30 ou
40 élèves, on a trouvé que le moment était venu de le
supprimer.
C'est là un acte hautement blâmable. Le pays en
retirera cet enseignement, qu'il n'est pas exact de dire
que vous ayez quelque sympathie pour l'instruction pu
blique Partout où il y a un établissement neutre, où
les libéraux peuvent recevoir l'enseignement, vous
cherchez le faire tomber, obligeant ainsi les libéraux
aller recevoir renseignement dans vos écoles. Voilà
la vérité. Et c'est parce que tel a été votre mobile que
j'aurai l'honneur de voter la proposition de l'honora
ble M. de Stuers. (Approbation gauche).
M. Woeste. Messieurs, non seulement j'approuve
l'acte posé par l'honorable ministre de l'instruction publi
que, mais j'ajoute que l'honorable ministre ne pouvait pas
faire autrement qu'il n'a fait. Il suffit, en effet, pour se
convaincre de l'exactitude de ce que je viens de dire, de
rappeler les principes qui doivent régir la matière qui
nous occupe.
Y a-t-il, dans nos lois, une disposition quelconque qui
oblige une commune créer un établissement d'enseigne
ment moyen supérieur? Il n'y en a pas. Les communes
sont libres de créer elles sont libres de ne pas créer.
Quand une commune crée un établissement semblable,
c'est qu'elle croit que les sacrifices qu'elle va faire sont en
harmonie avec les besoins publics et que rétablissement
sera honoré de la confiance des pères de famille. Mais
voici que bientôt on se convainc que ces sacrifices ne sont
pas justifiés par les besoins publics, que les pères de fa
mille n'entourent pas l'établissement de leurs sympathies.
Alors, c'est un droit, c'est un devoir, pour l'administra
tion communale, de ne pas continuer faire peser sur les
contribuables une charge qui n'est aucunement justifiée
par les résultats.
Ceci justifie déjà l'administration communale d Ypres.
Mais je demande l'honorable M. Bara comment il pour
rait justifier une thèse en vertu de laquelle, alors que les
administrations communales sont en droit de fonder ou de
ne pas fonder un établissement moyen ou supérieur, elles
seraient obligées de le conserver, une fois fondé Celui
qui a le droit d'établir a le droit de supprimer. De même
que, lorsque l'Etat fonde un établissement d'enseignement
moyen ou supérieur, il a le droit de le supprimer, de
même, quand une commune en fonde de son côté, elle a le
droit de le faire disparaître. Les deux droits sont corréla
tifs, l'un ne se conçoit pas sans l'autre.
M. Hanssens. Sauf l'approbation du gouvernement.
M. Woeste. Je vais y venir. Le principe que j'énonce
en ce moment était tellement rationnel, qu'il découlait de
la loi de 1830 et, jusqu'en l'an de grâce 1881, jamais on
n'avait soutenu que, quand une commune avait fondé li
brement un établissement, elle n'avait pas le droit, usant
de la même liberté, de le supprimer, lorsque les circon
stances lui en faisaient un devoir.
La question a été agitée fréquemment dans la période
de 1870 1878, et alors, libéraux comme catholiques, ont
reconnu que le droit de la commune de fonder impliquait,
aux termes des lois existantes, le droit de supprimer.
Que s'est-il produit, cependant, en 1881 l On était,
cette époque, en pleine réaction scolaire contre les parti
culiers et contre les communes catholiques, et l'on a in
scrit, dans une loi de 1881, un article 4 en vertu duquel,
désormais, les communes, libres de créer, ne pourraient
plus supprimer sans l'autorisation du gouvernement.
C'était irrationnel.
On aurait fort bien fait de joindre cette disposition
toutes celles qui, en 1884, ont été abrogées. Elle était en
désaccord avec nos antécédents elle est encore en dés
accord avec les principes de la majorité qui siège sur ces
bancs, et. comme je viens de l'établir, elle n'est pas jus
tifiée en raison. On l'a laissé subsister cependant elle a
peut-être passé inaperçue mais il n'en est pas moins
vrai que, quand un cas de suppression vient aujourd'hui
se produire et que le ministre de l'intérieur est appelé
statuer en vertu de cet article 4, contre lequel no'us avons
protesté, il ferait un mauvais usage des pouvoirs qui lui
sont confiés parla loi en ne respectant pas la décision de
l'autorité communale, en ne reconnaissant pas la com
mune le droit de supprimer, de même qu'elle a le droit de
fonder.
Voilà les raisons déterminantes qui, d'après moi, justi
fient la conduite de l'honorable ministre de l'intérieur. Ce
qu'il a fait, il devait le faire il ne pouvait pas faire autre
ment, non seulement lorsqu'on examine la question en
raison, mais lorsqu'on s'en réfère aux principes de l'opi
nion laquelle j'ai l'honneur d'appartenir et que nous
avons toujours défendus.
M. Hanssens. Nous savons que vos principes sont
au-dessus de la loi.
M. Woeste. Nos principes ne sont pas au-dessus de
la loi. On nous a imposé une loi contre laquelle nous
avons protesté.
M. Hanssens. Et qui existe
M. Woeste. Cette loi existe, elle donne le droit de
ratifier une suppression l'honorable ministre a ratifié il
est resté dans les termes de la loi.
L'honorable M. Bara a joint aux reproches que je viens
de rencontrer une sorte de lamentation. L'honorable
membre s'est plaint de ce que, dans la province de Flandre
occidentale, il n'y eût plus que deux ou trois établisse
ments d'enseignement moyen supérieur laïques, et il est
parti de là pour prétendre que le devoir du gouvernement
serait soit de fonder des établissements de ce genre, soit
d'empêcher les communes de supprimer ceux qui existent
et qui dépendent d'elles.
Cette prétention soulève la question que voici c'est de
savoir si l'on peut, si l'on doit fonder et maintenir des
établissements d'enseignement moyen supérieur qui n'ont
pas la confiance d'un chiffre de pères de famille suffisant
pour qu'on puisse conclure l'existence d'un besoin pu
blic. La question est de savoir si l'on doit imposer aux po
pulations des établissements coûteux dans lesquels la
plupart des Ha«ps restant vides, ou peu près, et payer
des professeurs qui n'ont, en réalité, aucun service putnv
remplir. Voilà le terrain véritable du débat.
Que l'honorable M. Bara réussisse changer les opi
nions de la Flandre occidentale, qu'il fasse d'une province
catholique une province libérale, et alors les établisse
ments d'enseignement moyen supérieur libéraux ou laï
ques viendront se créer, naître naturellement, soit par
l'initiative des communes, soit par celle des particuliers.
Mais, aussi longtemps que ce résultat ne se sera pas pro
duit, il est absolument illogique de venir prétendre qu'on
doive imposer aux contribuables des établissements d'en
seignement moyen supérieur qui ne sont pas soutenus par
les sympathies des populations.
Pour prétendre que le gouvernement devrait entrer
dans cette voie, l'honorable M. Bara a ajouté un autre ar
gument. Il a dit Mais, nous autres, libéraux, nous ne
sommes pas dans la même situation que les catholiques
nous n'avons pas les ressources qu'a le clergé le clergé
reçoit 6 raillions de traitement et, avec ces 6 raillions, il
lui est loisible de fonder et de soutenir des établissements
d'enseignement moyen supérieur et d'autres écoles en
core
C'est là, qu'il me permette de le lui dire, une vieille
objection qui ne résiste pas l'examen des laits. D'abord,
l'honorable membre exagère plaisir le clergé ne reçoit
pas 6 millions, mais moins de 3 millions, et ces b rail
lions sont répartis entre les 6,000 membres du clergé sé
culier, c'est-à-dire qu'en moyenne chacun de ceux-ci
touche de 800 900 francs; et l'honorable membre pré
tend, alors que les membres du clergé n'ont que ce mo
deste traitement pour subvenir leur subsistance, que
c'est l'aide de ce traitement qu'ils fondent et entretien
nent des établissements d'instruction
Non, Messieurs, les établissements d'instruction catho
liques ne sont pas fondés l'aide desb millions qui con
stituent le traitement du clergé ils le sont au moyen des
libéralités que font les catholiques et, dès lors, nous
sommes en droit de dire aux libéraux De même que les
catholiques font des libéralités en faveur de l'enseigne
ment, faites-en de votre côté la loi se juge d'après les
œuvres vous êtes de grands partisans de l'enseignement,
je le crois. Eh bien, fondez, soutenez des établissements
d'instruction, comme nous le faisons nous-mêmes
L'honorable M. Bara a ajouté aux considérations que
je viens de rencontrer un dernier argument que je ne puis
pas laisser passer sans un mot de protestation. Il a dit
Le gouvernement adopte bien, contre la volonté de cer
taines communes, des écoles libres il pouvait donc,
dans l'affaire d'Ypres, se mettre en opposition avec la vo
lonté du conseil communal de cette ville.