4. Dimanche,
54e ANNÉE
14 Janvier 1894
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
A nos lecteurs.
La prorogation
des Conseils provinciaux.
/emlleUm.
Woeste contre Beernaert.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Nous prions instamment nos lecteurs de bien
vouloir remettre au bureau du Progrès, tous les
timbres oblitérés et toutes les feuilles et mor
ceaux d'étain qu'ils pourraient recueillir.
Ces objets sont destinés une œuvre philan
thropique.
Les élections provinciales pour la moitié des
cantons de chaque province doivent avoir lieu
au mois de Mai.
Nous ne pensons pas que, jusqu'ici, la Cham
bre ait vote une lot prorogeant les pouvoirs
des Conseils provinciaux.
Mais celle loi sera très probablement votée.
D'ici au mois de Mai, il est impossible de voter
la loi électorale applicable aux élections pro
vinciales et de dresser les listes conformément
cette loi. On ne sait même pas encore quel
système on adoptera.
La prorogation des Conseils provinciaux sera
donc votée On ne peut songer maintenir le
régime électoral provincial actuel, et le gou
vernement n'y songe pas, puisqu'il n'a pas fait
procéder par les Conseils provinciaux l'élec
tion des vingt-six sénateurs qui doivent être
élus par ces assemblées.
Le mandat des conseillers provinciaux ne
sera prorogé que de quelques mois, car il fau
dra que les Conseils, renouvelas selon le nou
veau mode électoral, se reunissent au mois
d'Octobre pour l'élection de leurs sénateurs,
les Chambres ouvrant leur session le deuxième
Mardi de Novembre.
Dautre part, on ne pourrait pas se dispenser
de les proroger, car le mandat de la moitié du
nombre des conseillers expire au mois de Mai,
et si leur mandai n'était pas proroge, ces con
seillers ne pourraient sieger la session du
mois de Juillet, sans avoir, au préalable, été
soumis réélection.
Si le ministère n'a pas encore, jusqu'ici dé
pose un projet de loi prorogeant le mandai des
conseillers qui doivent être soumis réélection
au mois de Mai, c'est qu'il n'entrevoit pas
tieut-étre quelle époque pourront avoir lieu
es élections.
Ces élections doivent avoir heu au mois
d'Octobre au plus tard, pour que les sénateurs
élus par les conseils provinciaux puissent occu
per leur place au Palais de la Nation le deu
xième Mardi de Novembre. Mais le ministère
ne se presse pas de prendre une décision, et
pour peu qu'il traîne, les élections provinciales
ne pourront pas avoir lieu au mois d'Octobre.
Le torchon brûle dans le ménage clérical.
Belle-Maman est entrée dans une colere terrible
el a administré une fessée publique ce grand
dadais de Beernaert, qui lait des manières
proposde la R. P. et compromet l'union parmi
les membres de la majorité cléricale.
Ce qui a touche particulièrement Belle-Ma
man, ce qui lui a été droit au cœur, c'est qu'on
l'a accusée d'avoir engendré les divisions que
l'on déplore en ce moment.
Cela, Belle-Maman ne permet pas qu'on le
dise. Et puisqu'on a eu le toupet de I accuser, el
le se venge en dévoilant toute la vérité, na I
Tant pis si le pauvre Beernaert la trouve
mauvaise I
A la suite des dissentiments pénibles qu'a en
gendrés la revision, écrit M. \Voeste dans une
lettre publiée par le Courrier de Bruxelles, les
catholiques étaient en très grande majorité affa
més d'union ils sentaient le besoin de se prépa
rer la bataille électorale en se serrant les
coudes.
Et il ajoute
Tout coup, au commencement d'Octobre,
trois journaux ont entamé une campagne en
faveur de la représentation proportionnelle, et
il« ont proposé aux catholiques stupéfaits ce
dilemme Ou la représentation proportionnelle
sera votée au cours de la prochaine session, ou
M. Beernaert s'en ira.
On disait, pour appuyer cet ultimatum, que
presque toute la gauche était favorable la ré
forme, qu'il en était de même de la droite du
Sénat, et que, dans la droite de la Chambre, elle
faisait des progrès incessants.
On cherchait ainsi sonner le ralliement. Mais
bientôt le public apprit que les sympathies dont
on se targuait n étaient qu'une chimère. La
gauche, loin d'être unanime, est en majorité
contraire la représentation proportionnelle
la droite de la Chambre y est aux trois quarts
LE PROGRÈS
vires acqu1rit kpn do
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Ypres, le 13 Janvier 1894.
-)X(o)r(-
Que n'arnvera-t-on pas faire dans la cage aux lions?
On y danse, on y soupe, on y couche. A Paris, M1'* Bob
Walter y exhibe des rondeurs qui, pour des carnassiers
doués d'un bon estomac, doivent apparaître comme une
des formes les plus savoureuses du supplice de Tantale.
Le dompteur Georges Marck y réveillonne, y sable le
Champagne et y savoure le perdreau truffé, puis s'y trouve
si bien qu'il y resle soixante-douze heures. On est là com
me en cabinet particulier. Quant aux lions, on croil qu'ils
rugissent, mais c'est leur façon de fredonner, mystérieux
et réservés, le chœur des garçons de café de la Vie pari
sienne
Si parfois au bras d'une aelrice
Un homme grave ici se glisse,
Fermons les yeux
Ne gênons pas les amoureux
J ignore complèlement où l'on s'arrêtera en pareil che-
™'n et y a f>ros parier que l'on entendra, au vingtième
sjècle des mères coupables se confesser leurs fils et
secrier, ayant dans la voix des trémolos correspondant
six cent mille vibrations par seconde
Octave, je dois vous révéler le secret de votre nais
sance. Vous vous croyez le fils d'un ingénieur américain.
Il n en est rien, bêlas! et vous êtes simplement le fils
d un dompteur austro-hongrois. Ce misérable a profité de
1 instant où, dans la cage aux fauves, je venais de m'as-
seoir, calme el pure, sur le dos d'une panthère noire de
Java, pour se livrer sur moi au plus odieux des alternats.
Un enfant naquit de ces relations improvisées et cet en
fant, c'était vous El maintenant, Octave, tuez-moi
Inutile de dire qu'Octave ne tuera pas sa mère et qu'il
se bornera lui dire du ton le plus calme
Relevez-vous, noble femme... Je connaissais cette
triste histoire, mais je croyais avoir éié conçu sur le dos
d'un crocodile. La panthère étant un animal beaucoup
plus soyeux, je ne puis que me réjouir et vous léliciter.
Tel me paraît être l'avenir. La douceur des animaux
prétendus féroces y deviendra tellement proverbiale que
le tigre y fera honte la bêle bon Dieu el que l'agneau,
comparé l'ours blanc, apparaîtra comme un monstre
altéré du sang de l'innocence.
En attendant cette ère nouvelle, on se demande souvent
comment les dompteurs fout pour appliquer sans trop de
risques aux grands carnassiers le système de battage que
l'on réserve d'ordinaire aux tapis d'appartement.
Il court ce sujet beaucoup de légendes. La vérité,
c'est que les fauves se domptent, comme les autres ani
maux, y compris les bipèdes, par l'appât des récompenses
et par la crainte du châtiment. Ajoutez-y pour les bêtes
féroces qui travaillent en cage, la terreur hypnotique
causée parla mise en scène, l'entrée rapide du dompteur
au milieu de l'éblouissement des lumières el du silence de
l'orchestre qui s'est tu tout coup, l'habitude du joug et
la connaissance que l'animal a faite depuis longtemps,
d'abord au travers des barreaux, avec le trident de fer ou
la cravache plombée.
Cela suffit, en général, et sans qu'il soit besoin de re
courir des nourritures déprimantes, rendre les fauves
dociles. On sait néanmoins qu'ils se révoltent assez sou
vent et que la profession de dompteur est semée de plus
de périls que celle de fabricant de queues de boutons.
Van Amburg, Charles, Lucas et beaucoup d'autres péri-
rent dévorés. Ceux qui ne le sont pas, risquent tous de
l'être, sont grièvement blessés un jour ou l'autre el n'é
chappent la mort que par miracle.
Il semble d'ailleurs que celte mort, si émouvante et si
horrible en apparence, soit assez douce. Livingslone, qui
fut atrocement déchiré par un lion, affirma, en reprenant
connaissance, n'avoir rien senti. Bombonnel, qui eut les
os de la tête broyés par une panthère, ne souffrit que pour
guérir de ses blessures. L'homme renversé et mis en
lambeaux par un fauve devient comme cataleptique. La
nature, qui a voué la moitié des êtres vivants être digé
rés par l'autre moitié, a-t-elle, du moins, épargné la souf
france ceux dont la fonction est de servir de comestibles
Cela m'étonne de sa part, mais c'est possible et même
probable, si l'on en juge d'après les faits connus.
Espérons toutefois que quelque directeur de journal
passionné pour la vérité et pour la science, tiendra
éclaircir ce point encore obscur et n'hésitera pas dire
l'un de ses reporters
Que faites-vous ce soir Rien d'important. Eh bien
voici du quoi vous occuper. Vous irez de ce pas jusque
chez Bidel, vous entrerez dans la cage aux lions, vous ferez
dévorer tout le côté gauche, et vous reviendrez au jour
nal, où vous écrirez un petit entrefilet dans lequel vous
raconterez vos impressions. Quelque chose d'enlevé, mais
de court pas plus de 50 lignes. Exceptionnellement,
les lignes vous seront payées vingt centimes au lien de
trois sous. Et maintenant, dépêchez-vous de filer Ail
richt
Comment ne trouverait-on pas de reporters pour accom
plir, dans les dix francs, une si noble tâche quand on
trouve dans toutes les ménageries des aides dompteurs
qui, pour cinq francs par jour, nourriture non comprise,
se chargent de soigner et de peigner les bêtes féroces les
plus touffues