La récolte
des betteraves de 1894.
Les salaires aux États-Unis
Conférence
de Mlle Marguerite Coppin.
Société
des Anciens Pompiers
de la ville d'Ypres.
AVIS.
Mansart, Pacquay, Schinler, Wellinck... Tous en
redingotes ou jaquettes sombres et cravates
noires ou blanches, très corrects. Voici M.
Hector Denis, M. Demblon son voisin, M. Des-
trée le poète, M. Lorand, très décoratif, dont la
silhouette puissante s'enlève bien son banc.
Le bureau prend place. C'est M. Coomans,
rasé comme un œuf d'autruche, qui fait le doyen
d'âge les deux benjamins, qui lui servent de
secrétaires sont M. Vandervelde et M. Carbon.
Mais celui qui fait sensation, c'est M. Léon De-
fuisseaux avec son petit bonnet gris, qui va s'as
seoir tout là-haut, au dernier pupitre de l'ex-
trême-gauche, côté de son frère Alfred et
ceux qui ne font pas sensation du tout, ce sont
les députés de Bruxelles, que personne ne re
garde.
On remarque la bonne mine de M. Beernaert.
M. Woeste n'est pas venu.
M. Vandervelde, pour ses débuts, lit une péti
tion d'habitauts d'Alost, qui demandent l'annu
lation de l'élection de leur arrondissement. Les
autres documents qu'il lit en vertu de ses fonc
tions font apprécier le timbre de sa voix. La tri
bune de la presse se réjouit. C'est une grosse
question pour elle de savoir quels sont ceux de
ces nouveaux venus qui auront des voix distinc
tes
Puis on tire au sort les commissions chargées
de vérifier les pouvoirs des nouveaux élus.
Le banc de Bruxelles est validé sans observa
tion. La prestation de serment a lieu immédiate
ment. Deux ou trois des illustrations du banc
jurent en flamand. Le banc de Louvain, validé,
fait de même.Quelques accents bizarres... Même
cérémonie pour le banc d'Anvers.
Validés, les élus de Philippeville, Nivelles,
Ypres, Hasselt, Dinant, Malines, Namur, Turn-
hout, Tongres, Ostende, Gand, Termonde, Dix-
inude, c'est M. Anseele qui lit le rapport va
lidant M. De Lantsheere, Audenarde, Eecloo,
Saint-Nicolas, Furnes, Roulers.
Les élus des arrondissements flamands, sauf
M. Colaert, prêtent tous serment en flamand,
comme s'ils avaient cœur de rappeler que les
libéraux de nos provinces flamandes sont privés
de toute représentation la Chambre.
Validées aussi, les élections de Thielt, Arlon,
Virton, Liège, M. Léon Defuisseaux jure avec
son petit bonnet, Bastogne, Huy, Waremme,
Marche, Verviers Courtrai, M. Vandenpeere-
boom jure en français, - Brûges, Maeseyck,
Soignies, Mons, M. le président passe le nom
de M. Léon Defuisseaux, qui a déjà prêté ser
ment, comme député de Liège, qui, du reste, se
déclare prêt recommencer, pourvu qu'on ne
lui fasse pas ôter son petit bonnet Ath, Tour
nai, Thuin et Charleroi.
La validation de l'élection d'Alost est remise
aujourd'hui.
D'après des renseignements qui nous viennent
de divers côtés, la récolte de betteraves de cette
-année, sur laquelle les pauvres cultivateurs
comptaient pour se refaire, est loin de donner
ce qu'elle promettait.
Dans les environs d'Ypres, l'arrachage des
betteraves tire sa fin les rendements les plus
forts ne dépassent pas 32,000 kilog. par hectare
dans les meilleures cultures. Beaucoup de fer
miers n'obtiennent même pas 25,000 kilog. On
peut évaluer 27,000 kilog. le rendement
moyen l'hectare c'est une diminution de
plus de 20 °/0 sur la récolte de l'an passé.
La richesse des betteraves est également infé
rieure celle de l'an dernier la différence en
moins dépasse un degré. C'est une conséquence
pu temps humide dont nous avons été gratifiés.
La culture de la betterave qui avait été si
rémunératrice l'an passé ne donnera pas, cette
année, plus de 750 francs par hectare.
C'est un désastre pour la culture.
Notre jeune concitoyenne, Mlla Marguerite
Coppin, qui habite Bruges depuis deux ans, a
donné Samedi dernier, la salle de VAigle Im
périal, une conférence qui a été très goûtée et
qui a attiré un nombreux public.
Voici ce que dit le Journal de Bruges au sujet
de cette conférence
Samedi, 5 1/2 heures, devant un public où
l'élément féminin dominait, a conférencie très
simplement Mlle Marguerite Coppin.
Le sujet choisi n'était pas de la dernière ac
tualité, mais la conférencière a eu l'art de le
relever par sa façon de dire et la clarté de son
exposition. On s'est vivement intéressé l'exposé
des péripéties émouvantes de la conquête de la
Belgique par Jules César.
Ce Jules César était un certain capitaine ro
main, sorti bon premier de l'école militaire de
son pays, assez fort en tactique pour l'époque et
de plus très ambitieux.
Quant aux petits Belges de ce temps là, ils
n'étaient pas petits du tout, ni de corps, ni
d'âme. Ils n'en ont pas moins été vaincus. Mais
quel peuple pouvait résister alors au génie de
César et la puissance romaine
Ce sujet a fourni matière une excellente
leçon d'histoire, toute familière avec la petite
note piquante qu'il faut, l'anecdote qui vient
opportunément délasser l'attention.
M11® Coppin, qui se propose de nous donner
bientôt une nouvelle conférence où elle pourra,
sur un sujet plus propice, développer tous ses
moyens, a la parole aisée. Elle s'exprime en une
langue correcte et même élégante. Elle ne peut
manquer d'obtenir, avec un peu plus d'habitude
du public, des succès auxquels nous serons heu
reux d'applaudir.
-
Dimanche, 25 courant, 10 1/2 heures du
matin, sortie de la musique.
De midi une heure, Concert-promenade au
local.
Les quatre principales causes du taux élevé des sa
laires aux États-Unis paraissent être la puissance de
l'outillage industriel, l'état de la propriété agricole et de
la culture, le progrès de la richesse sous le régime de la
liberté du travail et les mœurs de la démocratie améri
caine.
Quand on entre dans une usine ou une manufacture,
on est tout d'abord frappé du rôle qu'y joue la machine.
Ici, l'on fabrique des rails et des plaques d'acier dans
un hangar, long d'une centaine de mètres, de monstru
eux laminoirs écrasent la masse d'acier incandescente
que des tabliers mobjies enlèvent et ramènent plu
sieurs reprises sous les rouleaux jusqu'à ce que la pièce
façonnée soit emportée sur une chaîne sans fin jusqu'au
fond de l'atelier tous les mouvements s'accomplissent
automatiquement, et il suffit de quelques hommes pour
diriger une œuvre de titans.
Ailleurs, ont fait des vis, travail plus délicat, qu'op
èrent des machines-outils ingénieuses et souples comme
la main d'un artiste elles attirent par une extrémité
le fil de fer et rendent l'autre extrémité un jet conti
nu de vis qui coulent comme l'eau d'un robinet. Ce mé
canisme est si parfait, qu'un ouvrier suffît pour en sur
veiller cinq ou six de sorte que, dans un atelier, on
n'aperçoit que quelques têtes d'hommes ça et là entre
des rangées de machines.
Dans une fabrique de chaussures, le spectacle est
différent ouvriers et ouviières sont pressés les uns
contre les autres afin de ménager la place chacun a
devant soi sa machine, avec laquelle il no donne qu'une
façon, toujours la même et toujours très simple, si bien
que, par heure, il opère sur plusieurs milliers de pièces.
Il y a des bottines qui ont passé cinquante mains et
qui ne sont vendues qu'à raison de 4 francs la paire.
Le travail mécanique et la division du travail sont
poussées jusqu'à leurs dernières limites cet égard,
les Américains sont en avance sur les Européens, sur
tout sur ceux du continent. En voici une preuve dans
nos fabriques gantoises, le tisserand, très peu d'ex
ceptions près, tient deiix inétiers de calicot dans le
Massachusetts, il en tient quatre au moins, six en
moyenne, et il parait qu'il y a des établissements où
les femmes en surveillent huit. Avec un pareil outillage,
l'ouvrier n'a pas le temps de flâner. Le patron peut
donner un salaire plus élevé l'ouvrier qui fait plus
d'ouvrage.
Vivant dans un pays salaire élevé, l'Américain
s'est ingénié perfectionner sans cesse l'outillage
pour économiser la main-d'œuvre, et il a acquis de re
marquables facultés d'invention. Les machines, leur
tour, augmentant considérablement la productivité in
dividuelle, ont permis de maintenir et même d'élever,
depuis quarante ans, les salaires, en même temps qu'el
les abaissaient le prix de revient du produit. Cotte heu
reuse évolution économique s'est manifestée dans tout
le monde industriel, mais nulle part peut-être d une
façon plus sensible que dans la manufacture améri
caine.
Indépendamment de l'influence exercée par les
machines, le salaire était, depuis longtemps, élevé aux
États-Unis parce que l'homme pouvait tirer une forte
rémunération de son travail en l'appliquant la terre,
soit comme exploitant d'une ferme dont il devenait pro
priétaire gratuitement ou pour très peu d'argent, soit
comme salarié d'un fermier la recherche d'une main-
d'œuvre toujours rare. Cette cause agit encore, quoique
l'étendue des terres occuper sôit maintenant très ré
duite dans l'ouest, on ne compte pas un ouvrier pour
trois fermiers.
En quarante ans, de 1850 1890, le nombre des
fermes des États-Unis a triplé et leur valeur a qua
druplé. L'industrie s'est développée plus rapidement
encore. Les fabriques se multiplient ou s'agrandissent
en se concentrant sans obstacle légal dans un pays où
rien n'arrête la création des entreprises, où la popu
lation double en moins de trente ans et dont le ter
ritoire est quatorze fois grand comme la France. C'est
un gigantesque marché de travail comme de consomma
tion.
L'afflux des immigrants, qui augmente l'offre, ap
paraît aux ouvriers comme menaçant leurs positions
acquises, et ils se roidissent contre l'invasion. Us ont
obtenu des législateurs la proscription des Chinois et
des restrictions, les unes légitimes, les autres abusi
ves, l'entrée des Européens. Les partis politiques ex
ploitent leurs craintes pour gagner leurs votes d'un
côté, les démocrates, qui comptent probablement la
majorité des ouvriers, surtout des Irlandais, dans leur
clientèle, réclament la limitation du droit d'immigrer
en même temps qu'ils prê'hent la liberté du commer
ce de 1 autre, les républicains, qui sont dévoués aux
manufacturiers et la protection douanière, se taisant
sur I immigration qui leur procure des ouvriers meil
leur marché et faisant sonner bien haut l'intérêt des
salaires, dont le taux baisserait nécessairement, di
saient-ils, si une revision des tarifs venait réduire le
prix de vente de leur marchandise.
En réalité, les chances sont-elles pour une hausse ou
pour une baisse prochaine îles salaires La question
est agitée depuis plusieurs années aux États-Unis et
l'on comprend l'émotion qu'elle doit y soulever. Les
probabilités prochaines sont, plutôt pour la baisse, mais
cette baisse sera vraisemblablement peu prononcée
parce que l'Amérique saura se défendre, non par des
lois, qui, lorsqu'elles prétendent mieux répartir la ri
chesse en contrariant le jeu naturel des relations écono
miques, ont pour effet d'entraver le progrès, mais par
l'énergie productrice de sa population. Une entière li
berté du travail, un capital abondant et toujours de
mandé, un outillage perfectionné sans cesse, un esprit
d'entreprise actif et persévérant, un grand besoin de
main-d'œuvre dans des emplois variés, une classe ou-
vriète instruite, ayant conscience de ses droits, et sa
chant pratiquer les uns aussi bien que revendiquer les
autres, voilà un ensemble de conditions propres favo
riser dans tout pays la production de la richesse et
procurer des profits aux entrepreneurs et de bons sa
laires aux ouvriers. L.