Chez les Infatigables.
Voici deux faits.
Fête charmante et pleine d'entrain en pré
sence d'une salle bondée de monde.
Comme toujours, les vaillants jeunes gens de
la société les Infatigables ont été remarqua
bles dans leurs exercices gymnastiques les
Pyramides Plampalaisiennes exécutés, sous la di
rection de M. P. Morant, ont prouvé une fois de
plus que les Infatigables marchent de progrès
en progrès.
Mlle Z. Devers, dont l'éloge n'est plus faire,
nous a régalés d'une magnifique romance qui a
été fortement applaudie M. Emile Bartier a
une voix très sympathique et mérite, a plus d'un
titre, l'estime des auditeurs MM. Henri Moer-
man et Eugène Creton ont eu une large part du
succès remporté par ces artistes-amateurs.
M. Valère Bouckenooghe a continué la con
férence sur le Congo dont il avait donné la pre
mière partie la fête des Anciens Pompiers et
secondé par M. le Dr Vanderstichele, cette con
férence a été fort goûtée par le public qui n'a
pas ménagé ses applaudissements.
A l'issue de la fête, M. P. Morant qui dirige
avec tant de tact, nos Infatigables a été l'objet
d'une délicate attention, M. l'avocat Nolf, prési
dent de la Société, lui a offert un joli cadeau, et,
en termes bien sentis, l'a vivement remercié des
eflortB qu'il se donnait pour faire marcher ces
jeunes gens de succès en succès.
Le bal a été fort animé, l'on s'en est donné
cœur joie et l'on s'est séparé fort tard dans la
nuit, se promettant de se revoir le plus souvent
possible pareilles fêtes.
On transforme en ce moment le terrain vague
de la station en square, excellente inspiration.
Seulement, vu l'état avancé de la saison, pour-
uoi ne pas employer un plus grand nombre
'ouvriers
Avec les trois vieux, chargés de ce travail, il
faudra un an avant que le tout ne soit achevé.
La nouvelle administration fera-t-elle quelque
chose pour améliorer l'éclairage du côté de la
M Liebaert Vous maudissez tous vos juges, même
ceux du tribunal correctionnel.
M Darru. Oh vous ne m'attirerez plus sur ce ter
rain... (Rires gauche et sur les bancs socialistes
Avant l'enquête, on a mandé les indigents l'hôtel de
ville, où on les a auscultés et préparés. On leur a promis
de doubler leur part de secours en leur demandant s'ils
tenaient beaucoup aller déclarer Gand devant la dépu-
tation permanente au risque de faire du chagrin H.
le gouverneur, un si bon catholique qu'on les avait
obligés accepter un guide dans le couloir électoral. Et
l'on ajoutait doucereusement N'est-ce pas, mon cher
ami, que c'est volontairement que vous avez accepté un
guide Voilà la préparation
M Woeste. Est-ce que vous étiez là (Exclama
tions gauche.)
M. Demblon. Et vous [Bruit droite
M. Daens Je sais parfaitement ce que j'avance.
M. Woeste. Vous n'en savez rien (Le bruit conti
nue.)
M. Demblon. Et vous Vous ne savez pas un mot de
flamand
M Daens. Cela a été prouvé par des témoins.
M. Vandeirelde. Les interruptions sont interdites
par le règlement, monsieur le président. (Rires sur les
bancs socialistes.)
M. Maenhaut. La gauche socialiste devrait s'en sou
venir plus souvent. (Nouveau bruit
M. le président. Cessons les interruptions, messieurs.
M. Woeste. La gauche socialiste est trop heureuse
d'entendre M Daens.
M. Daens. Je m'attendais ce lieu commun Il
n'est pas dign<> de vous, monsieur Woeste Qu'on me ré
ponde et qu'on me réfute. Mais, je le dis j'ai honte, pour
ma ville natale, de ces ripailles et de ces saouleries
(Murmures droite.) J'affirme qu'elles ont eu lieu c'est
la vérité
Et si les malheureux n'avaient pas cédéà la préparation
que j'ai indiquée, les secours leur auraient été impitoya
blement retranchés. (Bruit.) De là, des dépositions ano
dines
Et cependant, malgré tout cela, malgré toute cette tac
tique. le rapporteur de la députation permanente a dû re
connaître qu'il s'est passé des laits regrettables Il
allègue seulement qu'ils ne sont pas de nature vicier le
résultat de l'élection. C'est la paraphrase de ce que di
saient les élus: c Nous sommes élus et nous le resterons.
Eh bien, qu'ils le restent ils ont payé assez cher leur
triste victoire... en honneur et en moralité autant qu'en
argent.
M. Demblon. Nous n'applaudissons pas, monsieur
Woeste nous écoutons (Rumeurs.)
M. Daens. Il importe de tirer une moralité de cette
élection. Et d'abord s'il est permis, de par la loi, qu'on
emploie tous les moyens honnêtes et malhonnêtes
pour triompher dans les élections, quel funeste présent
vous avez fait au peuple en l'appelant aux urnes électora
les Vous avez rendu le peuple élecieur, vous avez voulu
l'élever et le moraliser en l'appelant la vie politique.
Vous le dégradez et l'avilissez en agissant comme on l'a
fait Alost, ou, pendant six semaines, on a, dans les sec
tions, saoulé les électeurs pour les asservir Ces soi-di
sant sections dégénéraient en saturnales
En sortant de ces réunions, on venait hurler sous mes
fenêtres. On nous injuriait, mon frère et moi, on nous
traitait de Judas et de Ponce-Pilate On criblait d'ordures
la façade de notre maison C'est ainsi qu'on élevait le peu
ple Alost. Ah les conservateurs d'Alostde singuliers
conservateurs ont donné là au peuple de belles leçons
De tous côtés, ils ont organisé des ripailles et des saou
leries telles, que vous seriez effrayés de connaître le nom
bre de tonneaux de bière qui furent vidés (on rit), de con
naître ce qu'on a consommé de victuailles les centaines
de jambons et les myriamètres de saucissons qu'on leur a
jeté en pâture (Nouveaux rires
M. Furnémont. Le kip-kap conservateur (Hila
rité prolongée.)
M. Daens. Tout le monde, Alost, a vu ce mar
chandage des consciences qui avilit le peuple en lui faisant
croire qu'avec l'argent on achète tout Et on s'étonnera
que le peuple ne suive plus que ses instincts Qui a plus
contribué le corrompre que ces marchands de votes, ces
corrupteurs de consciences (Très bien sur les bancs so
cialistes
M Woeste. Vous aurez l'approbation des socialistes.
M. Daens. Je ne la demande pas Ceci, du reste,
est votre exorde.
M. Anseele. Continuez votre oeuvre et ne vous gênez
pas. (Bruit droite).
M. Demblon. Chassez les nouveaux marchands du
Temple
M. Coremans. C'est gauche qu'il doit aller... au
temple maçonnique.
M Daens. Par cette large corruption électorale, on
démoralise le peuple et on l'irrite. Cet ouvrier, qui n'a
3o'une voix, tandis que son voisin riche en a quatre, s'in-
igoe en constatant tout ce qui se fait pour lui enlever
cette unique voix, son droit sacré de citoyen
Dans une fabrique d'Alost dirigée par des conservateurs,
on a fait entendre aux ouvriers que, si les démocrates
l'emportaient, une partie de la fabrique serait fermée et
nombre d'ouvriers renvoyés. El l'on sait combien les sa
laires sont misérables Alost 1 fr. 50 c. 1 fr. XO c.
par jour La menace était donc sérieuse 1 Aussi les mal
heureux ont-ils volé en masse pour les conservateurs, la
colère au cœur.
Second fait.
Une dame riche envoie son régisseur pour inviter
ses locataires voter pour les conservateurs. Et ceux
que l'on craignait ne pas voir suivre cet ordre, le régisseur
zélé remettait des étiquettes tête de mort comme
celles dont se servent les pharmaciens pour les poisons
(on rit) qu'ils devaient coller sur leur bulletin pour
l'annuler d'avance. Mais un de ces locataires, plus coura
geux, a regimbé et nous a apporté cette tête de mort
M. Coremans. C'est une plaisanterie on en trouve
partout de ces têtes de mort (On rit droite.)
M. Daens. Les autres locataires, effrayés, votèrent
pour les conservateurs
Mais on comprend bien que tous ces faits de pression
soulèvent des sentiments de colère au fond des cœurs
Craignez que ces sentiments fassent explosion Je suis le
premier déplorer les excès qui se commettent en temps
de révolution mais, pour les comprendre, il faut scruter
le passé et voir l'oppression qui a pesé sur le peuple
Qu'ils ont courte vue, ces politiciens qui triomphent au
jourd'hui Ils ne voient pas que, en agissant comme ils
font, ils provoqueront un jour des réactions et des catas
trophes épouvantables
Par cette oppression des consciences, on enseigne au
peuple le mépris des lois et de l'autorité
M. Woeste. Vous les attaquez toutes, les autorités
M. Daens.Non! j'attaque leurs abus: l'autorité
doit commencer par se respecter elle-même. Que ceux
qui ont la garde de la loi ne la foulent pas aux pieds,
comme on a fait Alost de la loi électorale
Dans un bureau électoral, un témoin, voyant arriver
tous ces faux aveugles, faux paralytiques et "faux impo
tentscar, le matin, Alost était un grand hôpital... il
est vrai que c'était fini l'après-midi... (Rires gauche.)
M. Vandervelde. Le miracle d'Alost
M. Woeste. Tout cela est faux (Exclamations
gauche.)
M. Daens. Oh je le sais vous nierez tout
M. Defnet. Mais le parquet a ouvert une instruction.
M. Daens. J'ai vu courir l'après-midi, toutes jam
bes, un paralytique que l'on avait porté l'élection.
M. Woeste.Nous verrons ce que valent vos asser
tions Il sera démontré que vous avancez le contraire de
la vérité.
M. Daens. Vous êtes sans doute la vérité incarnée
(Nouveaux rires sur les bancs socialistes.)
Alors qu'un libéral s'écriait C'est un scandale un
courtier électoral catholique, dépouillé de préjugés politi
ques, répondit Faites de même Du reste, vous en ver
rez bien d'autres
M. Woeste. Mais c'est indigne Peut-on ainsi atta
quer des honnêtes gens
M. Daens. Et, en effet, nous en avons vu bien d'au
tres Nous avons vu des électeurs conduits au scrutin
sous le fouet du receveur des hospices politiques d'Alost.
Il est élu maintenant, ce conservateur Mais de quelle
autorité jouira-t-il pour faire observer la loi, lui qui a
commencé par la violer Ah je le sais, on a la force
pour la faire exécuter, on a la police et les gendarmes,
dont on use largement maintenant Alost. Mais les cho
ses violentes, on le sait, ne durent pas la loi doit, avant
tout, être respectée dans les cœurs. Or, les conservateurs
ont cyniquement violé cette loi, et je déplore que le gou
verneur et le gouvernement n aient pas pris leur recours
contre la décision de la députation permanente.
M. Woeste. Il n'aurait plus manqué que cela
Tout le monde est attaqué C'est une orgie d attaques
(Interruptions).
M. Demblon. M. Woeste est sur le gril. (Hïlarit&à
gauche).
M. Daens. Monsieur le président, est-ce que le mot
t orgie est devenu parlementaire en passant par la bouche
de M. Woeste J'ai rétracté le mol tantôt.
M. le président. Il vaut ce que vaut le mot saou-
lographie que vous avez employé.
M. Defnet. Tout est permis M. Woeste. (Nouvelles
interruptions).
M le Président. Veuillez ne pas interrompre.
M. Demblon. Le mot orgie est donc devenu par
lementaire c'est entendu. (Bruit).
M. le Président. Vous êtes l'interrupteur par excel
lence, Monsieur Demblon Voilà plus de dix fois que vous
interrompez Si vous continuez, je vous rappellerai
l'ordre.
M Demblon. Commencez alors par M. Woeste, qui
a interrompu vingt-cinq fois. (Murmures droite).
M. Daens. Pour pouvoir remédier au mal que je dé
plore, cherchons-en la source Alost est en quelque sorte
la terre classique de la fraude électorale. Mais le mal
existe presque partout, dans les villes comme dans les
villages conservateurs comme libéraux y recourent, et
la faute en est au système majoritaire.
Pourquoi pensez-vous qu'à Gand, par exemple, la lutte
a été plus calme et plus hennête Les Gantois ne sont
pas plus calmes qu'ailleurs C'est que, grâce la repré
sentation proportionnelle, les partis étaient sûrs d'être re
présentés.
M. Anseele. C'est parce que les socialistes y ont re
levé le moral de la classe ouvrière. (Exclamations
droite).
M. Hoyois. Allons donc!
M. Daens. Jadis, les luttes y étaient violentes, car
l'enjeu était considérable il suffisait d'un déplacement
de 200 ou 300 voix pour changer la députation et même
le gouvernement.
M. Ligy. Vous ferez mieux de ne pas parler de ce
que vous ne connaissez pas.
M. Woeste. Il parle toujours de choses qu'il ne
connaît pas.
M. Daens. Voulez-vous modifier cet état de choses
sauvages changez la loi donnez-nous un système juste
et pacificateur
Sans doute, des pénalités sont inscrites dans la loi je
ferai, ce propos, M. le ministre de la justice, une pro
position analogue celle qu'à faite notre éminent collègue,
M. Woeste, M. le ministre des finances, en réclamant
un poste permanent de douaniers la frontière pour sur
veiller les fabriques de tabac. Je demanderai M. le mi
nistre de la justice qu'on place désormais dans ma ville
natale, qui est une véritable fabrique de fraudes, un
poste de gendarmes avec un juge d'instruction en per
manence, de manière mettre la raison tous les for
bans de la politique
Les gendarmes, du reste, sont toujours là aujour
d'hui. Nos adversaires y jouissent d'une telle populari
té, que toutes leurs manifestations, toutes leurs fêtes
entraînent la présence obligée de gendarmes. (Rires sur
les bancs socialistes.)
M. Vandervelde. M. Woeste aime les gendarmes
(Nouveaux rites.) Rappelez-vous qu'il nous l'a dit,
M. Daens. Mais j'ai hâte d'en finir
Voulez-vous arrêter définitivement les horreurs de la
corruption électorale Changez votre loi électorale au
lieu de cette législation brutale et insuffisante, donnez-
nous un système préservateur, juste, équitable; un sys
tème qui'puisse atteindre tous les abus, les punir et
surtout les prévenir. Si vous faites cela, vous aurez fait
œuvre de moralité et d'assainissement politique.
J'ai dit. (Très bien gauche et sur les bancs socialis
tes.)