Une ovation est faite M. Vanden Bogaerde. La salle retentit des acclamations unanimes de l'assemblée, juste récompense d'un labeur in cessant et d'une vie toute de travail cherchant concilier les intérêts des uns et l'amélioration du Bort de l'ouvrier. C'est ce que les différentes adresses et lettres de félicitations constatent. Pendant le banquet les télégrammmes, les let tres, les gerbes, les bouquets se sont succédés. Du reste depuis le 7 Mai, le jubilaire avait été entouréde toute part de marques de respectueuse sympathie. Les sociétés commerciales de la province ont tenu s'y associer, et entre autres celles d'Ypres, Roulers etc Nous reproduisons le texte de l'a dresse de cette dernière que ces Messieurs sont venus porter Bruges. HOMMAGE M. Emile VANDEN BOGAERDE, Ypres. C'était un jeune homme très intelligent, et poussant au progrès, que j'avais connu avant mon sé jour Paris, où j'avais fait mes études. Il n'était alors que s.mple conseiller communal c'était M. Alphonse Vanden Peereboom, qui est devenu bourgmestre, re présentant et ministre de l'intérieur, comme la plupart d'entre vous, Messieurs, le savent. Il avait déjà de l'in fluence et il s'en servit pour mettre une de ses idées favorites exécution. C'était de doter sa ville natale, qui est aussi la mienne, d'un chomin de fer. Il se souvint de moi et de nos anciennes relations et il en profita pour mûrir son idée et pour se renseigner. Une correspondance s'engagea entre nous et nous eûmes de nombreuses conférences pour échanger nos vues. Notre but était de ramener la confiance notre affaire, et nous ne vîmes qu'un moyen, c'était de faire garantir par le gouvernement un revenu aux capitaux appeler. Je mi» dès lors M. Vanden Peereboom en rapport avec M. William Chantre'.l, le premier Direc teur-Gérant, et c'est par eux que fut préparée la con vention de 1352, qui permit la construction des lignes de Courtrai Poperinghe et d'Ingelmunster Doynze. L'avenir de la Société fut ainsi assuré pendant quel ques années. Entretemps, mon collègue de voies et travaux quitta ses fonctions pour se faire industriel. Les deux parties du Service Technique furent réunies dans mes mains et c'est alors, Messieurs, que j'eus passer les moments les plus difficiles de ma carrière. Les produits de l'ex ploitation n'étaient guère satisfaisants et nos moyens financiers ne permettaient pas d'entretenir convena blement le matériel et les voies. Le malaise ne fit que grandir et tel point que la Société accepta avec em pressement le proposition qui lui fut faite, en 1865, par une société d'exploiiation, de prendre les lignes en location, moyennant une rente fixe. C'était la fin de la période de gène. Je passai soas la nouvelle administration et je fus chargé de la direction du Service Technique et de l'ex ploitation des réseaux des deux Flandres, comprenant au-delà de 400 kilomètres. Dix années pendant lesquelles la ligne de Poperinghe Hazebrouck et de celle de Roulers Yprts furent construites, s'écoulèrent dans des conditions plus au moins satisfaisantes, lorsque survint la faillite de la Société d'exploitation des Bassins-Houillers, une filiale de la Société d'exploitation. Cette faillite, Messieurs, a eu certainement des conséquences graves pour la Société, attendu que les actionnaires ont été privés de tout dividende pendant trois exercices et que la réserve a dû être employée au service des capitaux privilégiés. Mais elle n'a pas été ruineuse, en ce sens que quand elle a repris ses lignes, la Société les a trouvées dans un état satisfaisant d'entretien et la suite d'un procès fort douteux et inquiétant, elle a été mise en possession d'un matériel valant plus de 2,750,000 fr. suffisant largement l'exploitation et convenablement entretenu aussi. A partir de cette époque, c'est-à-dire en 1877, sauf quelques difficultés avec l'administration des chemins de fer de l'Etat au sujet de l'application de ses tarifs inférieurs aux nôtres, qui lui permettaient de s'acca parer de certains transports revenant la Société, en vertu du principe de la plus courte distance, nous avons exploité dans des conditions relativement bonnes. Nous avons pu reconstituer la réserve et distribuer de 1881 1889 3 aux actionnaires. En 1886, un particulier, sans aucune notoriété, in troduisit une demande en concession d'une ligne de Menin Roulers, demande que déjà en 1863 notre Société elle-même avait faite, sans que jamais, que je sache, il y eût été répondu. Cette requête, fortement appuyée par la presse locale, bien que ne paraissant pas sérieuse, finit cependant par nous préoccuper, M. Chantrell, mon prédécesseur et moi. Le Conseil d'administration fut informé de ce qui se passait, mais il semblait y rester assez indifférent. Il n'était guère disposé engager la Société dans une nouvelle affaire. J'insistais personnellement beaucoup, pour que la demande de 1863 fut renouvelée. Je fis remarquer que si la concession était accordée celui qui l'avait sollicitée, la ligne aurait été infailli blement exploitée par l'Etat, que la section de Rou lers Thourout aurait été décrétée commune et qu'ainsi tout le trafic Nord vers Ostende aurait échappé la Société. Le Conseil comprit la gravité de la situation et il n'hésita plus. La demande fut rappelée après une visite de la con trée par M. Temple Frère, alors notre Président et M. Tufnell, notre honorable administrateur actuel. Elle resta quelque temps en suspens mais le Gouver- i.ement représenté surtout par M. Beernaert se décida enfin rendre justice la Société en lui imposant tou tefois pour condition principale l'adoption sur le réseau de la Société, de tous les tarifs de l'Etat alors en vi gueur. La condition était dure presqu'inacceptable première vue. Chargé d'étudier la question et voulant me rendre compte de l'importance des sacrifices faire, je priais notre chef de contrôle, M. Senauld d'appli quer les tarifs de l'Etat au trafic d'un exercice anté rieur. Le travail était long et difficile et le résultat en fut que la Société aurait dû subir une perte de recettes annuelles do plus de fr. 200,000. Cependant le ministre insista pour obtenir une réponse et il fixa jour pour une réunion son cabinet. Le Conseil d'administration au complet vint en Belgique pour consulter nos avocats qui étaient alors MM. d'Elhougne etFraeys. La veille de la date laquelle M. Chantrell et moi devions être reçus par le ministre, nous étions en con férence chez M. d'Elhougne. Après un long entretien, nous n'avions abouti aucune solution pratique et nous allions nous retirer, lorsque M. d'Elhougne, s'a- dressant au Conseil, dit Il n'y a parmi vous qu'un homme qui puisse vous donner un conseil et combiner une proposition, c'est votre Directeur de l'Exploitation, et je l'engage réfléchir d'ici demain. La situation était critique pour moi, et je rentrai Bruges fort préoccupé de ma m'ssion et de la responsabilité que j'allais devoir assumer. Je me mis au travail et après plusieurs heures de réflexion, je ne trouvai d'autre combinaison possible que de répartir la perte de recet tes probable sur plusieurs exercices, sur quatre au moins. Je rédigeai une note dans ce sens et je la sou mis le lendemain, avant l'audience du ministre, au Conseil, qui l'approuva. Contrairement mes prévisions, ma proposition re çut d'emblée un accueil favorable de M. Van den Pee reboom. Il se borna après avoir pris lui-même lecture de la note, nous faire savoir qu'il consulterait M. Beernaert, et que la réponse du Gouvernement ne se ferait pas attendre. Il en fut ainsi. Elle était favorable, et je fus délégué pour élaborer la convention réglant toutes les conditions de la concession avec M. Rae- maeckers, alors Directeur de l'exploitation des chemins de fer de l'Etat, aujourd'hui secrétaire général du mi nistère des chemins de fer. Ce fut la convention du 12 Juillet 1887. Les effets de cet accord étaient quelque peu redouter en ce qui concernait l'application, même graduelle, des tarifs de l'Etat notre réseau. Mais en réalité, ils ne se sont pas fait sentir d'une manière trop sensible. Les dividendes ont faibli quelque peu de 1890 1892 inclus, mais partir de 1893, alors que les étapes étaient franchies, les résultats de l'exploitation sont devenus très satisfaisantset ils continuenttoujours s'améliorer, malgré l'issue fâcheuse d'un procès qui a enlevé la Société une partie assez notable de son trafic prdpre. Nous avons d'autre part lieu d'espérer, Messieurs, qu'indépendamment du trafic voyageur qui se développe d'une manière remarquable, grâce la réduction des prix et aux facilités des transports, indépendamment, dis-jî, de cette source croissante de produits, nous aurons, dès l'année prochaine, un aliment nouveau pour notre trafic marchandises. Les transports que nous procureront les travaux des installations maritimes Bruges et Heyst, bien que faits des prix très réduits, seront encore suffisamment rémunérateurs pour don ner une plus value certaine notre réseau. J'ajouterai ce dont il n'a pas été beaucoup question jusqu'à présent, que les travaux décrétés Ostende, tant pour le port que pour la création de la nouvelle ville, concession North, contribueront encore sensible ment au développement de notre trafic pondereux. Nous voilà loin, Messieurs, de ce qu'avait prédit en 1877 un Ingénieur de grande réputation, lors des né gociations commencées en vue de la reprise des lignes de la Société par l'Etat* Il affirma pour justifier l'offre insuffisante qui nous était faite que notre trafic avait atteint son apogée et qu'il était destiné plutôt décroî tre qu'à s'améliorer. Nous n'avions pas les mêmes rai sons que lui pour croire une pareille éventualité et la suite des temps nous a donné raison. Il est établi en effet qu'à la fin de l'année dernière l'annuité maxima que le gouvernement s'était engagé nous servir, était déjà dépassée en écartant bien entendu les recettes de la ligne de Menin-Roulers et il est dès présent certain que le produit net de l'année courante sera plus élevé encore. La Société peut donc se féliciter de ne pas avoir ac cepté alors les propositions de rachat qui lai étaient faites en même temps qu'à d'autres compagnies qui n'étaient pas comme la nôtre en situation de reprendre l'exploitation de leurs lignes après la faillite des Bas sins-Houillers. Nous pouvons ainsi, Messieurs, avoir confiance dans l'avenir, et bien que je ne doive plus aller long temps, j'espère pouvoir jouir un peu de la prospérité de la Société et rendre encore quelques services dans les limites de mes moyens. J'aurai peut-être besoin de réclamer l'indulgence du Conseil dans mes vieux jours, et je compte, pour finir ma tâche, sur le concours tou jours dévoué de mes nombreux collaborateurs et sur tout de mes chefs de service. Je me fais un devoir en finissant, Messieurs, de ren dre un hommage la mémoire des fondateurs de cette Compagnie, MM. Richards, Fearon, Hayter Cubitt et William .Chantrell, qui tes populations de la Flandre occidentale doivent d'avoir joui des bienfaits d'un che min de fer plusieurs années avant celles des autres provinces. Ils étaient soutenus dans leur pays par de vaillants actionnaires qui ont eu confiance et dont quelques-uns nous sont restés fidèles, eux ou leurs descendants. Je leur rends hommage aussi en ce jour mémorable pour moi. Et maintenant, Messieurs, je terminerai en vous priant de m'excuser d'avoir été un peu long peut être et de croire que je garderai le meilleur souvenir de cette journée pendant laquelle je me suis vu entourer d'autant de sympathie et de marque de sincère affection. Directeur-Gérant des Chemins de fer de la Flandre Occidentale Bruges. 17 Mai 1846 Mai 1896. Très Vénéré Monsieur, Il y a aujourd'hui 50 ans que vous entriez au chemin de fer de la Flandre Occidentale. Nous voulons être les premiers, cette occasion, pour vous féliciter et vous transmettre les sentiments de respect et de gratitude qui animent les Commer çants et les Industriels de Roulers. La ville de Roulers et la Flandre Occidentale toute entière, que ne doit-elle pas votre sage administra tion De nombreuses correspondances si bien organisées pour les voyageurs, telle qu'aucune ligne de chemin de fer n'en offre. Des arrêts de trains qui ont apporté une extension extraordinaire au commerce des petites com munes et des hameaux. La mise en marche de trains spécialement affectés pour amener l'heure voulue les lettres et les journaux. Des tarifs réduits pour favori ser spécialement le cultivateur et le négociait. Des trains express pour ouvriers, avec grande réduction sur les prix de transport. Diminution des heures de service et augmentation de salaire. Vous avez réalisé ces améliorations en peu de temps sur une large échelle. C'est donc avec raison que nous honorons en votre personne un protecteur puissant du commerce de Roulers et de la West-Flandre, de même que vos nombreux ouvriers et subordonnés vénèrent en vous le meilleur et le plus magnanime des Directeurs. Vous avez une longue et incomparable carrière d'ac tivité, d'honnêteté et de vertu civique qui impose le respect tous les honnêtes gens et la reconnaissance de la population West Flamande. La Société pour favoriser le Commerce et l'Industrie de Roulers a appelé l'attention du Gouvernement sur vos éminents services pour qu'il vous soit donné une récompense nationale digne des exceptionnelles faveurs que vous avez prodiguées l'Industrie, au Commerce et la Classe ouvrière. Elle vous souhaite de longues années bénies par l'amour de vos proches et l'estime de vos concitoyens.

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1896 | | pagina 2