Un Voyage en Grèce, 56e ANNÉE. 21 Mai 1896. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Notre régime parlementaire. l\° 40. Jeudi, 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. On traite forfait. 11 fut un temps où le régime parlementaire, en Belgique, brillait d'un vif éclat. Nos Cham bres étaient riches en hommes d'élite. Elles fonctionnaient comme un mécanisme harmo nique et savant, fournissant une besogne abon dante et régulière. On les citait en exemple lEurope, qui nous les enviait. Ce temps n'est plus, et la décadence bat au jourd'hui son plein. Nos Chambres se débattent dans le bavardage et l'impuissance. Un Parlement encombré de médiocrelés et d'énergumènes, et d'autre part un Gouverne ment maladroit, faible et inexpérimenté, n'ayant ni énergie ni dignité, et sans autre po litique que celle de se maintenir au pouvoir, voilà ce que nous avons. Du côté socialiste, c'est la grossièreté, l'in vective outrageante, l'engueulement continu érigés en système de discussion. L'un fait des calembours aussi grossiers qu'ineptes sur le nom du Roi. Un autre, pour exprimer sa colère, jappe comme un roquet. Un troisième, pour représenter par un signe matériel la conduite qu'il prête aux patrons vis-à-vis de leurs ouvriers, lève la jambe et A BORD DE LA REINE OLGA 17 MARS 1896. lance dans l'espace un coup de pied symboli que. Un autre encore souffle sur la paume de sa main pour dire qu'il s'en soucie aulant que de cela. Nous négligeons les menues insolen ces, les injures banales, les hurlements inarti culés, les coups de poing sur les pupitres, les moqueries au président. Tout cela n'est que l'image atténuée de la lutte des classes quon prépare et qu'on nous annonce. En attendant, nous assistons la ré volte des malappris contre les lois de la bien séance. C'est un prélude. Le mal ne serait pas bien grand si, devant celte minorité qui ne choisit pas ses moyens, on trouvait une majorité solide, des adversai res résolus, une politique ferme. Hélas Il y a dans la Chambre une immense majorité qui n'est pas socialiste. De quoi se compose-t-elle Dabord, de quelques libéraux épars, réduits l'inaction et au silence, sans cohésion et sans chefs. Avec du courage et du talent, ils auraient cependant pu prendre et garder une situation, maintenir au libéralisme un rôle. Ils n'ont point su ou voulu le faire. Et peut-être ne faut-il pas s'en plaindre, car au moins le libéralisme, comme tel, est resté en dehors des vaines disputes qui mettent aux prises les partis extrêmes. Il n'est rien la Chambre il est donc irresponsable et libre, exempt de toute solidarité, dégagé de tous liens, maître de lui-même. Pour son avenir, c'est un avantage. Et cependant, qui pourrait le contester, c'est un mal pour le pays que cet effacement du libé ralisme au sein du Parlement. Notre opinion, vaincue mais toujours vigoureuse, ne trouve pas dans notre double députalion parlemen taire sa représentation strictement propor tionnelle et équitablement adéquate. C'est un malheur et un danger. Nul ne contestera que l'élimination du libé ralisme gouvernemental n'ait été pour le régi me parlementaire une cause de désorganisation et d'affaiblissement. Quant au parti clérical, il a pour lui le nom bre et la puissance, mais il est sans politique et sans chefs. M. Beernaert, cloué au fauteuil présidentiel, a contre lui d'inextinguibles rancunes. Il a été le passif artisan de la revision constitutionnelle, qu'il a imposée la droile après se l'être laissé imposer lui-même. On ne lui pardonnera jamais. M. Woeste, le pape laïc de la droile, comme disait naguère Monsieur De Smel de Nayer, a contre lui la moitié de son parti. A BORD DE LA REINE OLGA 22 MARS 1896. LE PROGRÈS VIRES ACyCIRiT EDNDO. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00 Idem. Pour le restant du pays7-00 tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25. Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Procrès Pour fêbtstant de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRÈS, Ypres, le 20 Mai 1896. FEUILLETON DU PROGRÈS Qqi est-ce qui n'a pas rêvé, dans sa vie, une péré grination vers Athènes, l'ancienne capitale des beaux- arts, la genttrix artium, comme l'appelait Cicéron Pour réaliser ce rêve, je n'ai pas manqué de profiter dfr l'occasion qui m'en était offerte, alors que, après une villégiature passée en Egypte, l'heure vînt où il fallut retourner vers le climat brumeux de la chère Belgique. Quant au prompt accomplissement de mes désirs, j'avais compté sans mon hôte, sans le gouvernement hellénique, s'allarraant outre-mesure du bruit de cho léra répandu dans le monde oriental. Pour des cas anodins, très-clairsemés, constatés Alexandrie, voilà qu'on nous a refoulés du port du Pyrée, vers une île déserte, au milieu du détroit de Salamine. Pendant cinq jours, au nombre de plus de cent pas sages, dont une trentaine en première classe, nous avons été condamnés nous morfondre, n'ayant d'au tre distraction notre portée qu'une promenade dans un îlot ayant peine un kilomètre de surface, avec la pérspective d'être internés pendant 21 jours dans l'île de Delos, la moindre apparition d'un cas de choléra dûment constaté bord "Heureusement, en ce qui me concernait, que, plus ou moins prévenu, je m'étais pourvu, avant le départ, de remèdes efficaces contre l'ennui. Tout la fois, je m'étais muni de quelques travaux traitant de la Grèce contemporaine, et, ce qui était capable d'offrir égale- ment de l'attrait, des historiens des temps glorieux de la Grèce antique Hérodote, Thucyd'de et Xénophon. Coïiicidtnce étrange nous summus prisonniers, bord d'un navire qui a jeté l'ancre dans le détroit de Salamine, île retentissaute mémoire, et je me suis mis parcourir un livre d'après lequel il faut rabattre beaucoup des récits pompeux auxquels la lutte du petit peuple hellénique avec le colosse asiatique a donné lieu. En voici un extrait qui n'a pas raauqué de me frap per Le voyageur moderne, qui mesure de visu les plai- t nés de Marathon ei la partie du golfe de Salamine où se livrèrent les batailles médiques, cherche com- prendre comment l'armée ou la flotte des rois des Perses aurait pu tenir dans des espaces aussi res- treints, sans empiler les combattants sur plusieurs étages et sans demeurer dans la plus complète immo- bilité. La moindre dilatation dans cette masse hu- maine eut fait éclater l'enceinte naturelle du champ de bataille. Il faut donc, sur la foi des plus simples notions de cubage, réduire considérablement le nom- bre des combattants. (1) Je n'ai pas l'intention d'aller Marathon, qui, dé faut de sécurité, n'a pas l'heur d'attirer les touristes. Mais voilà 18 troisième jour que je n'ai contempler que le ravissant détroit de Salamine, bordé de monta gnes bleuâtres. Or, ce détroit ne me paraît pas plus large que le lac des quatre cantons Lucerne. Hé bien je suis obligé de reconnaître qu'il y a réellement disproportion entre la surface qui s'étale sous mes yeux et l'énumération des forces navales, qui, d'après les anciens, y ont été aux prises. La lecture de Xénophon m'a, d'autre part, rappelé (1) Les Grecs toutes les époques (p. 12) par un ancien diplomate. cette ex'damation de Salomon nil novi sub sole rien de nouveau sous le soleil. Le point de départ, y ai-je lu, du gouvernement populaire tel qu'il est conçu Athènes étant admis, il faut inquiéter et persécuter "ans cesse tout homme de mérite, de peur qu'il ne devienne un noyau d'aristocratie. En conséquence, un citoyen borné, ignorant, vues basses, est beaucoup plus digne de la confiance du peuple qu'un citoyen hori- nête, instruit, vues nobles, t (1) C'est ce qui a fait dire Troplong Athènes, par ombrage pour l'autorité du talent, se livra aux mains des fous, des charlatans et des séditieux. La démocratie athénienne aima mieux se déshonorer dans les excès de la démagogie que de se plier un système de concorde. (2) îfc Après la panique causée par la mort subite d'un de nos compagnons d'infortune, ce qui un instant nous a fait craindre d'être déportés Delos, si nous étions été en présence d'un cas réel de choléra nous avons enfin pu prendre le large vers le Pyrée. Abstraciion faite du Vésuve, l'entrée du Pyrée m'a rappelé le golfe de Naples même forêt de "navires, même amphithéâtre formé par de pittoresques monta gnes. Mais pour celui qui vient de la fertile vallée du Nil, qu'elle est triste, dénuée qu'elle est de verdure, la con trée qui sépare le port de la capitale Il en est de (1) Xénophon, République d'Athènes, ch. I. (2) Mémoires de l'Académie des sciences morales et po litiques. Année 1851.

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Le Progrès (1841-1914) | 1896 | | pagina 1