Congo. Simple constatation. M. De Lantsheere, visiblement découragé, assiste en critique désintéressé la pièce qui se joue sous ses yeux et proclame, tantôt l'occasion des crédits provisoires, tantôt l'oc casion du chemin de fer du Congo, que le mi nistère se joue du Parlement. Et quant au Gouvernement, quels sont les hommes en qui il s'incarne? Ils n'ont ni expérience, ni autorité person nelle, ni dignité, ni talent. Pas de chefs. Pas davantage de politique. Dans la question économique, dans la ques tion militaire, dans la question coloniale, dans la question ouvrière, quelle est la politique du ministère Nul ne saurait la définir. Sa politique, en réalité, consiste dissimuler qu'il n'en a point, gagner du temps, satis faire des revendications locales ou spéciales, celles des distillateurs, celles des raffineurs, celles des fabricants de tabac, celles des Bru- geois, celles des Anversois. Dans l'affaire des installations maritimes de Bruxelles, dans l'affaire du chemin de fer du Congo, il improvise des solutions, aussitôt abandonnées pour des solutions différentes. 11 signe des conventions, puis les déchire pour en rédiger de nouvelles. La session touche sa fin. D'interminables et mutiles débats l'ont remplie. Les budgets ne sont pas même volés. Le contrôle des Chambres sur les finances publiques, prérogative essentielle du parle ment, est abandonné. M. de Lantsheere l'a dit nous assistons la parodie du régime parlementaire. En vérité, ce régime est, chez nous, détraqué, stérilisé, discrédité. D'un appareil précieux, utile, actif et brillant, on a fait une mécanique qui tourne vide et d où il ne sort qu'un bruit agaçant et une fumée malsaine. NécrologieTriste coïncidence La Métropole d'Anvers, dans son dernier numé ro de Dimanche 17 Mai dernier, nous annonce la On n'y rencontre pas UDe pierre qui ne soit une mort de M. Ludovic Goethals,décédé Nouvelle Anvers (Bangala) le 4 Avril dernier. M. Ludovic Goethals était l'adjoint et l'ami de notre vaillant compatriote M. Valère Bouckenooghe. Il tra vailla ses côtés ot sous son habile direction, jusqu'au jour où M. Bouckenooghe dut quitter l'Afrique. M. Bouckenooghe quitta le Congo pour motif de santé. M. Goethals y est mort. L'article de la Métropole d'Anvers, qui relate ce décès, parle en termes trop élogieux de notre concitoyen, pour que nous ne nous fassions un devoir de le reproduire. Nos lecteurs pourront se faire une idée, de la haute estime dont jouit M. Bouckenooghe chez ceux qui s'occupent de l'œuvre congolaise. Nous ajouterons que cette estime est pleinement jus tifiée, étant donné que Monsieur Bouckenooghe est un garçon actif, intelligent et foncièrement honnête. Ceci fait honneur au professeur. Ce n'est du reste pas la première fois que la Métropole^ parle de notre concitoyen. Voici ce qu'elle écrivait de lui lors de son retour d'Afri que Monsieur Valère Bouckenooghe a, paraît-il, conservé les intentions qu'il manifestait lors de son retour. Il est sur le point de contracter un nouvel engagement avec l'Etat indépendant du Congo, qui lui offre la place de directeur général des nouvelles exploitations agricoles du Bas-Congo. Quelque alléchante que soit cette offre, nous avons tout lieu de croire que la mort de M. Goe thals donnera réfléchir notre ami et conci toyen. Avec les brillantes capacités qu'il pos sède, Monsieur Valère Bouckenooghe ne sera pas gêné de se procurer une position aussi avan tageuse mais plus rassurante que celle qu'on lui avance. Point n'est besoin pour lui d'aller expo ser sa vie sous un climat que nous craignons de voir lui être funeste. Depuis que la Belgique a le bonheur de vivre sous un gouvernement clérical, nous avons vu augmenter même, parait-il, dans toute l'Helliade. C'est le squelette d'un corps autrefois plein de vie et de vigueur. Faut-il conclure que ce sol, fatigué par l'activité humaine, s'est épuisé la longue et que, exténué de chefs-d'œu vre, de génie et d'heroïsme, il est mort avec la civilisa tion dont ses enfants étaient jadis les glorieux propa gateurs Quoiqu'il en soit et quelle qu'en soit la cause, je ne sache pas qu'il y ait au monde une contrée dont les finances soient dans un aussi triste état de délabre ment, que cette Grèce ressuscitée depuis plus d'un demi-siècle. Depuis l'engloutissement de centaines de millions, généreusement offertes par l'Europe, pour la délivrer du joug ottoman, sa dette dépasse actuellement 200 millions ce qui est énorme en regard de l'extrême pauvreté du pays, manquant d'industrie et de terres productives. Et depuis deux ans, l'intérêt a cessé d'en être payé intégralement. La dépréciation du papier monnaie est d'environ 30 p. Le plus clair des revenus consiste dans les produits de la douane. Anssi, aucune frontière, je n'ai ren contré tant d'âpreté de la part des douaniers. J'ai vu, côté de moi, un touriste trop heureux de pouvoir racheter, au prix coûtant, un paquet de cigarettes égyptiennes, qui avait échappé l'art investigateur du gabelou. Et dire que ce gouvernement qui, l'antre jour, a biffé de son budget l'allocation de quelques milliers de francs pour un abonnement aux agences télégraphi ques, s'est offert quatre cuirassés, dont coût, cin quante millions Malgré que tout semble conspirer, cette heure, pour détourner les touristes du berceau de la civilisa tion, son prestige est encore assez grand pour y attirer las admirateurs d'un poétique et glorieux passé. Mort de M. Ludovic Goethals. Avec une réelle consternation, quelques heures avant de mettre sous presse, nous apprenons qu'un télégramme du Congo vient d'apporter la triste nouvelle de la mort d'un de nos jeunes concitoyens, M. Ludovic Goethals, décédé Nouvelle-Anvers (Bangala), le 4 Avril der nier, soit la veille du jour de Pâques. M. Ludovic Goethals était fils de notre excellent et distingué ami, M. Ernest Goethals, et de Mme Ernest Goethals née comtesse Le Grelle. C'est dire que sa mort atteint douloureusement plusieurs familles de la haute société anversoise. Né le 25 Décembre 1873, M. Ludovic Goethals n'avait donc pas accompli sa vingt-troisièmo année. Il était parti pour le continent noir, le 6 Juin 1894, plein de jeunesse et de santé. Après une période de stage sons la précieuse direction de M. Bouckenooghe, l'émi- nent ingénieur agricole, il avait pris la direction d'im portantes plantations de café la Nouvelle-Anvers. Il y dirigeait en même temps la construction de routes et comptait de cinq six cents travailleurs sous ses ordres. Après déjà deux promotions successives, M. Lu dovic Goethals était proposé en ce moment pour le grade de sous-intendant, le plus élevé auquel un civil puisse prétendre. Le nom de M Ludovic Goethals figurera donc avec honneur dans le glorieux et, hélas, déjà si long marty rologe de la grande entreprise atricaine. Car si l'œuvre elle-même peut susciter des contra dictions, tous les fronts certes se découvrent et s'incli nent avec émotion, respect et sympathie au spectacle des vaillantes jeunesses qui meurent là-bas, et des deuils cruels que ces morts foudroyantes viennent se mer dans la mère-patrh. Nous présentons notre ami, M. Ernest Goethals et sa famille, l'expression bien sincère de la part que page arrachée du livre de l'histoire. C'est que là il ne s'agit pas de disserter et de conjec turer sur de simples tas de moellons, mais de contem pler des ruines dont, en imagination, la construction est aisée refaire. Je doute qu'on rencontre, dans le monde, comme l'Acropole, un amoncellement de dé bris, pleins de signification encore, attestant un accord harmonique entre des monuments de destinations di verses. L'ascension de l'Acropole est très fatiguante. Mais comme on est récompensé de sa peine, quand, arrivé au Parthénon, le plus magnifique des temples élevés jadis la déesse de la Sagesse, on examine un un, chaque tas de ruines, dont il n'en est pas un qui n'évo que le souvenir d'un grand événement ou d'un grand homme Pisistrate, Cimon, Periclès, l'orateur Lycur- gue, Hérode Atticus, l'empereur Adrien. J'ai vu les préparatifs"pour la résurrection des Jeux Olympiques. Il me semble qu'il n'est pas plus aisé de faire revivre ces jeux, de si antique mémoire, que de réédifier les monuments tombés en ruine, ou de rendre la fertilité au sol âpre et désolé de l'Attique. C'est cause de cela que je n'ai pu me décider aller visiter la plaine de Marathon. J'ai préféré assis ter une séance du Parlement Hellénique. Quel contraste avec le nôtre Pas nne tête chauve n'émergeait en bas aux yeux des spectateurs des tribunes. On ne voyait que des cheve lures noires, comme si l'on était en pleine Italie et en pleine Espagne. Deux députés portaient des jupes de danseuses d'opéra. Le Président était assis, dans une sorte de boxe avec ses deux secrétaires. De chaque côté du bureau se trouvait un autre boxe pour les sténographes, et près d'eux était assis l'officier de garde. A quel titre Est- nous prenons la grande douleur qui vient de les frap per. Parmi les passagers que nous a ramenés, Samedi, le Steamer Coomassie, se trouvait M. Valère Boecken- ooghe, le savant agronome, attaché au service de l'Etat Indépendant. M. Boeckenooghe a été, peut-on dire, le créateur de la belle station agricole de Nouvelle-Anvers, aux Bangalas (Haut-Congo). Dans l'espace de deux ans peine, il a été exécuté là, sous ses ordres, des travaux remarquables plantations de bananiers, de cacaoyers, d'arbres pain, de manguyers, d'arbres fruitiers en quantités considérables cultures extrêmement réus sies de presque tous les légumes d'Europe enfin, et surtout, plantations de caféiers au nombre d'environ 45,000 pieds, dont quelques-uns portent déjà, et un grand nombre entreront en plein rapport dès l'année prochaine. Ces résultats importants sont dus l'initia tive, au zèle et aux connaissances scientifiques de M. Boeckenooghe, qui a, de l'avis unanime, rendu l'Etat les plus signalés services. Obligé de rentrer en Europe pour motifs de santé, M. Boeckenooghe annonce d'ores et déjà son intention de repartir, sitôt rétabli, pour le continent noir. On comprend, en effet, le regret qu'a dû éprouver le dévoué agent d'abandonner une œuvre en si bonne voie et le désir qu'il éprouve d'aller recueillir de ses mains les fruits de son travail, c'est le cas de le dire. ce pour empêcher des collisions rendre jaloux cer tains députés socialistes de notre connaissance Au surplus, le Président a, la portée de sa main, nne énorme cloche qu'il fait vibrer la moindre inter ruption, ce qui le dispense d'un rappel l'ordre, le bruit retentissant de son instrument empêchant d'en tendre la voix de l'interrupteur. On m'a raconté que, faute de paroles, les députés se contentent, dans les séances animées, de se menacer du poing. Les choses ne se sont pas ainsi passées sous mes yeux D'après certaines citations faites en langue fran çaise, j'ai compris que la discussion roulait sur une question d'intérêt agricole ce qui n'empêchait nulle ment ces gens du midi de défendre leurs idées avec beaucoup de vivacité. Une chose qui m'a encore étonné, c'est la fonle inondant les tribunes, comme, quand chez nous, an Janson est appelé soulever un débat irritant. Un mot, pour terminer, sur l'aspect de la capitale. Quand on en parcourt les grandes artères, on ne se croit nullement aux confius de l'Orient. Les construc tions ne diffèrent guère des nôtres il en est de même pour les costumes, sauf, quo dans la foule, passe par fois, avec un sérieux imperturbable, un personnage, généralement vieux, vêtu en ballérine, aux jupes courtes. Une autre particularité m'a frappé dans une rue d'Athènes: c'est un cortège funèbre,dont le mort ou plutôt la morte qui paraissait être une vieille dame était porté, le visage découvert, l'église. Notre palais de Bruxelles est un monument fas tueux côté de la demeure royalo du Souverain hellé nique. C'est tout simplement un quadrilataire percé d'une quantité innombrable de petits carrés. C'est un produit, ce que j'ai appris, du génie allemand. C. V.

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1896 | | pagina 2