Chronique locale.
56e ANNÉE.
28 Mai 1898
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Un portrait.
Après 12 ans
de gouvernement clérical.
Le timbre talon.
lV> 42. Jeudi,
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PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
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On traite forfait.
Dans une fort intéressante brochure intitu
lée Le parti libéral et lunion ouvrière
M. Minnaert consacre Paul Janson cette page
qui ne manque certes pas de mordant
II j a de» popularités qui s'usent et. si bien
disposée que soit l'opinion publique pour un
homme, il y a des fautes qu'elle ne lui pardonne
pas.
Nous craignons que ce ne soit le cas pour M.
Jauson.
On ne cessera pas d'admirer son talent qui est
très réel et son caractère loyal mais en politi
que il faut plus que des qualités personnelles, il
faut de la consistance, il faut savoir où l'on va
et ce que l'on veut, sous peine de se voir aban
donner comme un capitaine de navire toujours
incertain de quel côté du vent il va tourner sa
voile.
Les progressistes, dont il fut un des chefs glo
rieux, mais dont il ne fut jamais le directeur
autorisé, précisément parce qu'il manque d'es-
firit de suite et qu'ils ont toujours admiré en
ui l'homme brillant plutôt que l'homme de
fond solide, les progressistes, dis-je, ne suivront
pas M. Janson dans l'audacieuse et maladroite
volte-face qu'il vient d'opérer. Ils diront, et avec
raison, qu'ils sont anti-cléricaux et veulent des
réformes démocratiques, mais qu'étant libéraux
avant tout, ils n'entendent pas se fondre avec le
parti socialiste, qui personnifie la négation de
toute liberté.
Quant aux socialistes, qui n'ont fait aux avan
ces de M. Janson qu'un accueil circonspect, il
est clair que ce n'est pas sans appréhension qu'ils
voient venir eux ce dangereux néophite qui,
nécessairement, voudra jouer un rôle, être con
stamment en scène et imposer ses idées chan
geantes un parti qui n'a d'autre ancre de salut
que son intransigeance.
Nous ne savons de quelle humeur M. Janson
envisage leur attitude peu enthousiaste. Il doit
lui sembler dur, cependant, que de jeunes éphè-
bes du barreau radical qui, pour la plupart, fu
rent ses protégés, lui fassent des conditions hu
miliantes et le reçoivent comme une espèce de
géronte dont ils j ugent le concours plus encom-
rant qu'utile.
Dans le parti libéral il était quelqu'un, parce
que le parti libérai sait honorer le talent. Dans
le parti socialiste, il ne sera rien, parce que le
talent y compte pour peu de chose. Il faut, pour
plaire ses dirigeants et sa clientèle, nne édu
cation spéciale et une éloquence enragée la
quelle M. Janson, trop correctement et trop lit
térairement élevé, ne pourra pas condescendre.
Il est destiné devenir le Père Hyacinthe du
libéralisme vox damans in deserto officiant
dans une chapelle de fidèles, étonnés de leur
petit nombre et voyant fuir derrière lui ceux
qui l'avaient encouragé et soutenu.
Mais aussi, qu'allait-il faire dans cette galère?
Sans aller jusqu'à nous féliciter de la déser
tion de Paul Janson, et sans prétendre que
celui-ci soit désormais condamné l'infériorité
et l'isolement, avouons qu'il y a du vrai, et
beaucoup, dans les appréciations de M. Min
naert, et que ses prévisions paraissent sensées
et vraisemblables.
Tous les services publics sont en souffrance.
Le pays est agité, inquiet. La dette publique a
augmenté dans des proportions effrayantes et
les capitaux belges s'en vont l'étranger.
Voici maintenant la magistrature publique
ment mise en suspicion.
D'abord, c'est Liège, dans une réunion
d'avocats, où l'on se plaint du recrutement de
la magistrature.
Ensuite, c'est Bruxelles, au palais du Roi,
le premier président de la Cour d'appel de
Bruxelles, qui appelle l'attention du chef de
l'Etat sur la nécessité de bien choisir les ma
gistrats.
Hier, c'était Gand, un avocat de talent,
catholique d'opinion, qui signalait dans un
journal judiciaire l insuflisance de la magistra
ture, son influence et son autorité allant en
diminuant, et son action pacificatrice disparais
sant.
Personne ne proteste, tant ces constatations
sont conformes au sentiment général.
Le Roi s'absorbe dans l'administration du
Congo.
Le gouvernement clérical lui fournit, aux
dépens du trésor public, les ressources néces
saires cet effet.
Le ministère clérical case ses candidats et
récompense les services électoraux, sans se
soucier des nécessités primordiales de la bonne
administration de la justice.
Et l'on s'étonne que le respect de l'autorité
s'en va, que la confiance dans la justice dimi
nue et qu'on entende parfois parler de mesures
énergiques, radicales, révolutionnaires même,
comme d'une nécessité de conservation sociale!
Les pires révolutionnaires sont les cléricaux
du gouvernement, uniquement préoccupés de
la curée.
Les évèques sont peut-être satisfaits. Mais la
Belgique est mecontente et inquiète.
Comment tout cela finira-t-il
A l'ordre du jour de la Chambre, nos hono-
bles ont fixé la discussion du budget de la
guerre immédiatement après l'examen du
budget des finances. Or, il parait que pour
éviter, la veille des élections, des questions
indiscrètes, le gouvernement va s'efforcer d'in
tervertir l'ordre prescrit. C'est ainsi qu'il récla
mera la discussion de la loi provinciale après
les finances et peut-être celle du budget extra
ordinaire qui n'est pas encore déposé... De
cette façon, non-seulement il ne devra pas
fournir d explications sur la fameuse réforme
militaire, mais encore il escamotera le projet
relatif la rémunération des miliciens qui
pourrait écorner les finances de l'Etat.
On sait que plusieurs députés demandent
?[ue la rémunération soit portée de 10 30
rancs le ministre de la guerre n'accepte
qu'une augmentation de 5 francs, soit 15 francs
au lieu de 10. Le gouvernement trouve encore
cette générosité excessive et ne l'accueille
qu'avec l'espoir de l'ajourner.
Telles sont du moins, les intentions que l'on
prête au cabinet la session devant finir la
mi-Juin, nous ne tarderons pas connaître la
vérité.
A propos de M. Vandenpeereboom, c'est
l'entêtement, un entêtement qui ne tient compte
ni du raisonnement, ni des protestations de
tous, ni de la logique, ni du bon sens. Cet en
têtement niais soyons poli l se manifeste
une fois de plus dans la question du timbre
talon. Le jour où cette belle invention fut trou
vée, M. Vandenpeereboom poussa un cri de
triomphe II allait démontrer par ce moyen
que les Belges étaient prêts se passer du
service postal le Dimanche or, l'expérience
eut lieu et elle fut désastreuse. Presque toutes
les lettres déposées le Samedi soir portaient le
timbre sans talon et la bandelette dominicale
n'était maintenue que par des gens distraits,
pressés ou des étrangers.
Tout autre ministre, après cette avanture,
se serait empressé, en constatant sa défaite, de
donner satisfaction au public et de supprimer
l'agaçant talon, cause de tant d'accès décoléré,
etc.
Le R. P., lui, est décidé le garder, ne fût-
ce que pour avoir le plaisir de vexer ses com
patriotes. Il faut avouer que ce Monsieur a un
bien joli caractère....
->x(o)r(-
Le Journal
et les travaux Ypres.
Le Journal d'Ypres nous avait engagé lire le
discours prononcé par notre maïeur au Sénat en
faveur des travaux demandés dans la pétition
adressée au Sénat et la Chambre des représen
tants par les négociants et d'autres personnes
également soucieuses de l'avenir de la ville.
S'étant aventuré trop loin en affirmant un fait
peu vraisemblable, il avoue dans son dernier
numéro et cela très piteusement, qu'il s'est
trompé.
En effet, le Père de la Cité a borné son élo
quence demander l'achèvement du canal il s®
réserve pour la construction du chemin de fer
pour le moment où le ministre compétent
se trouvera son banc.
VIRES ACQCIRIT EONDO.
Ypres, le 27 Mai 1896.