46. Jeudi, 56e année. 11 Juin 1896.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Ils regrettent les Libéraux
De l'Indifférence en matière
politique.
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PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. vises acjcirit eunpo.
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Ypres, le 10 Juin 1896.
M. Beernaert, dans son discours au banquet
Visart, a proféré quelques aveux caracteristi-
aues, qui feront réfléchir et grimacer beaucoup
e cléricaux.
Voici comment s'est exprimé M. Beernaert
il n'y a rien de commun entre les luttes
d'aujourd'hui et celles d'autrefois, lorsque se
trouvaient en présence deux partis également
monarchiques et d'accord au point de vue
social sur la plupart des choses essentielles.
Le vieux parti doctrinaire, contre lequel
nous avons eu livrer de si rudes combats,
est aujourd'hui bien affaibli, et, mon grand
regret, le régime actuel ne lui fait pas même
la part laquelle ses forces lui permettraient
de prétendre.
C'est une vérité de fait, reconnue môme par
le Bien public, que la majorité parlementaire
actuelle est factice,- et que le parti irbéraf gou
vernemental, qui reste vivace dans le pays, n'a
plus do représentants au Palais de la Nation.
Mais s'il en est ainsi, et si M. Beernaert re
grette l'ostracisme qui a frappé les Frère, les
Bara, les Graux et tant d'autres hommes de ta
lent, cest donc aussi que M Beernaert regrette
d avoir lâché pied devant M. Woesle lors de la
revision, et de n'avoir pas fait inscrire dans la
Constitution le principe de la représentation
proportionnelle?
Si M. Beernaert l'avait voulu, c'eût cte chose
faite lé 18 Avril, et il n en serait pas réduit se
frapper la poitrine, et faire en public son
meaculpa.
Donnons acte M. Beernaert de son repentir
tardif, et de son regret de n'avoir plus les libé
raux comme adversaires.
M. Beernaert regrette que le régime actuel
ne fasse pas au vieux parti doctrinaire» la
part laquelle ses forces lui permettraient de
prétendre.
Ceci est parfaitement vrai. Tout le monde
sait, en effet, que le parti libéral, avec ses
500,000 suffrages, n'a fait entrer que 20 dépu
tes la Chambre, tandis que les socialistes en
ont 30 avec 280,000 voix.
Cest le résultat du joli système électoral que
nous devons MM. les cléricaux mais que
ceux-ci y prennent garde I Le jour où ces
280,000 voix se réuniront aux 500,000 voix li
bérales, il ne restera plus vingt cléricaux la
Chambre. Les cléricaux ne vivent donc que
grâce ces divisions comme le constatait M.
Woesle, cette situation n'est pas de nature
leur inspirer une bien grande confiance dans
lavenir.
Après un nouvel appel l'union des cléricaux,
M. Beernaert dit
Une autre leçon qui se dégage de la situation
présente, c'est que nous devons savoir nous pla
cer au dessus des considérations exclusives et parfois
mesquines de Vesprit de parti. Plus il importe que
nos rangs s'élargissent, plus il faut que tous les
hommes de bon vouloir y trouvent aisément
place.
N'oublions pas qu'il ne s'agit plus d'une ma
jorité ni d'un gouvernement de droite, mais de
la seule majorité, du seul gouvernement qui
soient actuellement possibles.
Nous approuvons M. Beernaert quand il con
seille au gouvernement de se placer au-dessus
des considérations exclusives et parfois mesqui
nes de 1 esprit de parti mais nous n'en regret
tons que plus vivement de voir ces conseils si
peu suivis par le ministère actuel.
Jamais ministère clérical ne s'est montré plus
intolérant et plus exclusif dans la collation des
emplois publics. Il suffit d'être libéral pour être
exclu systématiquement de tout emploi admi
nistratif ou judiciaire. Voilà comment ces gens-
là se montrent tolérants 1 A ce point de vue,
les nominations qui paraissent journellement
au Moniteur constituent de véritables scandales
et provoquent juste titre l'indignation de tous
les hommes modérés.
Pour que les ministres cléricaux agissent
ainsi, maigre les conseils de M. Beernaert, il
faut qu'ils croient, avec M. Woesle, que leur
situation est bien compromise On dirait qu'ils
veulent profiter de leurs derniers moments pour
caser toutes leurs créatures.
Le steeplo-chase des coureurs de places clé
ricaux n'a jamais eu tant de recrues qu'à l'heure
actuelle.
Chaque fois que nous sommes au début d'une
période électorale, nous entendons parler du
travail incessant et obstiné des cléricaux
aidés dans leur besogne par la puissante orga
nisation de l'Eglise nous voyons les socia
listes se livrer la propagande de leurs idées
avec une ardeur et une pertinacilé réellement
admirables j quant la bourgeoisie libérale,
on n'a généralement pas assez d'objurgations
pour lui reprocher son inertie et son indifféren
ce. Tandis que les cléricaux s'occupent inces
samment consolider leur influence, que les
socialistes profilent de toutes les occasions et
emploient tous les moyens pour essayer de faire
des prosélytes, les bourgeois libéraux ne font
pas de politique militante ils se contentent
d'avoir des convictions, qu'ils manifestent
modérément dans les grandes occasions ils
fréquentent peine les associations dont ils font
partie et croient avoir accompli tout leur de
voir quand, au jour du scrutin, ils ont donné
leur voix aux candidats de leur parti. Si, ce
moment, ils sont quelque part en villégiaturé,
et qu'ils font un voyage pour exercer leur droit
électoral, ils considèrent qu'ils ont accompli une
sorte de sacrifice, méritant presque une récom
pense.
Cette différence existant dans l'énergie que
les différents partis mettent lutter pour attein
dre le but qu'ils se proposent, s'explique aisé
ment et se comprend de soi-même.
Les cléricaux ont conserver, défendre et
accroître sans cesse un patrimoine de pouvoir
qu'ils ont mis des siècles conquérir. Car ici en
Belgique, c'est une particularité historique
dont il faut toujours tenir compte, le parti
catholique est le parti de l'Eglise c'est l'Eglise
qui le dirige et c'est l'Eglise qui fait sa force,
parce que travaillant pour lui, elle travaille
dans son propre intérêt là est tout le secret de
sa puissance. Pour se convaincre de la vérité de
celle proposition, il n'y a qu'à examiner ce qui
se passe dans les autres pays où cette confusion
entre la politique conservatrice et la religion
n'existe pas en France, par exemple, les partis
réactionnaires paraissent vaincus pour toujours,
et il n'y a au Parlement que des Républicains
c'est un tel point que les libéraux modérés en
sont venus regretter (opposition d'autrefois
qui suffisait occuper toute leur activité politi
que, et permettait de reculer toujours la solu
tion des grandes questions sociales aujourd'hui
inévitables.
Les socialistes, eux, ont tout conquérir ils
entrent dans l'arène en parti neuf, plein de l'ar
deur de la jeunesse, grisé de chimériques espé
rances, encouragé par des succès surprenants
pour lui-même. Représentants d'une classe,
c'est pour elle qu'ils besognent, c'est pour aug
menter son bien-être, c'est pour rassasier sa
soif de jouissances, c'est pour posséder leur
tour ce que d'autres ont possède jusque main
tenant.
C'est ainsi que catholiques et socialistes sont
mus par de puissants ressorts et que les buts
qu'ils se proposent d'atteindre sont de nature
susciter des dévoûments et faire nattre les sa
crifices.
A côté de cela la bourgeoisie libérale a un
programme et un idéal auxquels on peut entiè
rement appliquer les mots du poète Sic vos
non vobis...
Elle veut la liberté la plus complète pour tous,
maiselle-méme en jouit largement elle veut
le service personnel obligatoire, c'est-à-dire
qu'elle demande se dépouiller d'un privilège
dont elle est la première tirer profit eue
veut le suffrage universel pur et simple,
c'est-à-dire qu elle prétend renoncer aux suffra
ges supplémentaires qu'on lui a octroyés elle
veut l'impôt sur les revenus, c'est-à-dire
qu'elle lutte pour que ceux de ses biens, qui
échappent actuellement toute taxe, soient
frappés par le fisc elle veut l'instruction obli
gatoire, pour que les plus pauvres des
citoyens profitent de ses écoles elle elle veut
la réglementation du travail, c'est-à-dire
qu'elle désire voir diminuer au profit des ou
vriers les prérogatives dont elle a été nantie
jusque maintenant. En un mot, toutes les réfor
mes indistinctement qui figurent son pro-
LE PROGRÈS