50. Jeudi, 56e ANNÉE. 25 Juin 1896 JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Le Discours de M. Bara. Où ils en sont. Curieux témoignage. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. On traite forfait. Ypres, le 24 Juin 1896. Lors de la discussion des règlements d'atelier la Chambre, logiques avec eux-mêmes, ad versaires irréductibles de la réglementation outrance, les journaux libéraux ont demandé la suppression des amendes, comme une pre mière conséquence du principe posé. Au Sénat, M. Bara a critiqué, non sans rai son, le projet en particulier mais encore la ten dance générale de la politique ministérielle faisant sa façon du socialisme d'Etat au profit d'un seul parti, ce qui ne veut pas dire une seule classe. Et comme M. JNyssens protestait, M. Bara a ajouté Quoi qu'il en soit, vous avez l'air de ne travailler qu'en faveur du parti ouvrier que vous ne pouvez satisfaire, qui vous renie et vous combat. Votre réglementation enchaîne et ne libère point. Elle ligolte la fois le patron et l'ouvrier. Mais vous voulez mettre le nez partout, et partout vous vous trouverez arrêtés par les considérations locales. Les lois doivent surtout protéger les minori tés. Nous, libéraux, dit—il, dussions-nous dis paraître jusqu'au dernier, nous défendrons la liberté du travail et du travailleur et nous vous défions de répondre en quoi que ce soit aux exagérations socialistes que, scindé en deux, votre parti combat ou admet, selon les besoins du moment. Que restera-t-il des fameux règlements pro posés par le gouvernement et dont tous les ar ticles sont sujets interprétations cl modifi cations La journée de huit heures pourra être allon gée volonté. Le patron est libre d augmenter son gré, ou d'après les exigences de son in dustrie, les journées de travail. La besogne supplémentaire forcée subsistera quand même et toujours. De quel droit, d'ailleurs, impose rait-on un industriel peu achalandé de four nir huit heures de travail, alors que les com mandes lui font défaut pour six Dans toutes ces questions ouvrières, toute réglementation stricte est dérisoire et, ayant force de loi, équivaut l'arbitraire le plus ab solu. Cela dit, M. Bara en est arrivé aux amendes et il a défendu la thèse que nous n'avons cessé de soutenir. Comment, a ajouté l'éminent orateur, pou- vez-vous autoriser des particuliers prononcer des peines? Quand un ouvrier viole la discipline de l'atelier, il doit au patron des dommages et intérêts, mais pas d'amendes. Le particulier ne peut proposer d'amende. N'est-ce pas insensé ae donner au patron le droit d'infliger des amendes dans une loi pré tendument favorable aux ouvriers C'est lui accorder le droit de punir, ce qui est contre la loi et contre l'humanité. Cette éloquente argumentation de M. Bara contre les amendes prouvera aux ouvriers que les libéraux ne sont pas ce qu'on leur dit ils leur sont plus réellement attachés que les cléri caux et les socialistes et le jour où les calom nies actuelles seront dissipées, le peuple et la bourgeoisie libérale fraterniseront pour le plus grand bien du pays. M. Anseele est devenu l'ange gardien des ra dicaux bruxellois. 11 les accompagne dans tous les meetings il préside leurs exercices électo raux il étend sur eux la protection de sa main puissante. Mais s'il tient tant les garder et les proté ger, c'est parce que, de jour en jour, de meeting en meeting, de harangue en harangue, il les compromet davantage. On dirait que le tribun gantois éprouve un âpre plaisir les montrer dans leur rôle de vassaux.Pour un peu il s'écrie rait Vous voyez bien que j'avais raison en vous prédisant que vous m'emboiteriez le pas pour suivre le drapeau rouge Et les radicaux dévorent leur honte en pen sant aux suffrages que leur capitulation leur vaudra. Omnia serviliter pro electione. L'autre soir, Laeken, M. Anseele a insulté pendant plus d'une heure le Sénat et les séna teurs. Voici, d'après le compte-rendu du Peuple,com ment s'est exprimé le tribun gantois. C'est bien clair M. Anseele, de plus en plus pacifique, et qui prêche de plus en plus la con corde entre les citoyens, annonce aux sénateurs, a ces faineants parmi les faineants, a ces laches parmi les laches, qu'ils périront. M. Anseele a même choisi le genre de Bupplice les sénateurs périront par... l'eau. Les ouvriers iront pisser sur le Sénat, et il n'y en aura plus, n Quant la sale bourgeoisie, comme disait M. Anseele la Chambre, elle aura sans doute le même sort. Des déclamations de M. Anseele et des fanfa res de M. Furnémont, il résulte que messieurs les socialistes ajoutent in extremis un nouvel ar ticle la plate-forme qu'ils ont imposée aux ra dicaux la suppression de la Chambre haute. Ils préparent les élections en vociférant A bas le Sénat Ainsi se vérifie une fois de plus la loi qui fait des radicaux et des socialistes belges les imitateurs simiesques des révolutionnaires fran çais Ce que ces messieurs veulent, c'est le système conventionnel et terroriste de la Chambre uni que. M. Janson, sénateur provincial, approuve les diatribes de l'énergumène gantois. M. Janson aurait dû assister au meeting où M. Anseele a décrété la mort du Sénat il s'est fait exenser par M. Mettewie, qui a trouvé fort naturel et fort honnête la sortie de M. Anseele, puisque, loin de protester contre les incroyables violen ces du grand chef, il a déclaré le moment était bien choisi, on en conviendra que le malentendu entre le parti radical et le parti so cialiste a disparu. Et maintenant, les sales bourgeois sont invi tés voter pour les protégés de M. Anseele Sinon, ils auront le sort du Sénat ils seront... mouillés Un radical lorandiste, dont les yeux se sont dessillés, M. Wilmotte, commence dans la Revue de Belgique une édifiante étude intitulée Une alliance impossible. Le commencement de cette étude a le ton d'une confession. Le morceau est instructif et vaut la peine d'être cité. Le voici LE t t t TIRES ACyCIRIT EONDO. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-06 Idem. Pour le restant du pays7-00 tout ee qui concerner ïe journaî doit être adressé l'éditeur, me au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25. insertions judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour Sferestsnt de la Belgique et deTEtranger, également aux boréaux du joornaiLE PROGRÈS, Quand je vois que le Sénat va continuer son rôle néfaste, fatal et mauvais, quand je vois ce Sénat re pousser les lois ouvrières, quand j'ai vu le Sénat reje ter l'abolition de l'article 1781 du Code civil, je vois que cette bourgeoisie veut continuer un rôle criminel. Ils sont là au Sénat une soixantaine de millionnai res, d. s gens qui ne connaissent pas l'étendue de leur fortune, de gens dont l'argent est frappé dans la chair ouvrière (acclamation) ces gens sans cœur et sans entrailles ont osé déclarer la guerre la démocratie ouvrière ils nous ont jeté le gant. Nous le relevons. Advienne que voudra, ils périront. (Longs applaudis sements.) Nous voulons vivre par notre travail nous voulons une bonne instruction et une admirable éducation pro fessionnelle pour nos enfants nous voulons de bons règlements d'atelier nous voulons que notre vie soit garantie par les lois que nous faisons avec les bour geois nous voulons des institutions que nous créerons et défendrons nous voulons arriver cet idéal de la vie, auquel la société, riche millions, donne droit. Après uno déclaration si pacifique, si ces messieurs, les fainéants parmi les fainéants, les lâches parmi les lâches, nous disent que notre vie sera jetée sur les vagues de la concurrence capitaliste s'ils nous disent que nous devons être traités comme des marchandises, alors que nous sommes des belges comme eux, nous dirons Jamais 1 Si nous devons aller la logique de nos tendances, ils l'auront voulu s'ils veulent, dans un monde où des milliers de faits groupent dans une étreinte forte tous ceux qui vivent de leur travail, résister la classe ouvrière, ils seront brisés ne leur faisons pas trop d'honneur un jour les ouvriers iront pisser sur le Sénat, et il n'y en aura plus. Notre apparente volte-face ne peut surprendre que ceux qui ont suivi d'un œil peu attentif les événements de ces deux années. En 1894, le parti ouvrier avait les sympathies d'une grande partie de la classe bourgeoise. En province surtout, il avait su, par son calme exté rieur et sa discipline intérieure, par l'organisation de ses coopératives et de ses syndicats, par le désintéresse ment de ses conducteurs et surtout par les mille tracas series patronales auxquelles ses adhérents avaient été en butte, faire naître une atmosphère de bienveillance, dont il ne faudrait pas analyser avec trop de rigueur les éléments composants, mais qui formait autour de lui une couche très dense. Bien des libéraux (et j'étaia du nombre) rêvaient sincèrement une entente durable entre ce parti ouvrier et leur propre classe si celle-ci était divisée sur l'opportunité de cette entente, ils se chargeaient volontiers de la tirer de ses doutes ils étaient convaincus que les actes politiques des futurs alliés seraient cohérents avec leurs actes économiques, qu'ils rassureraient les plus timides et qu'en dépit de quelques déclamations isolées, ils concourraient au rétablissement de la paix sociale.

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Le Progrès (1841-1914) | 1896 | | pagina 1