N° 60. Jeudi, 56e ANNÉE. 30 Juillet 1896. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. L'œuvre politique du libéralisme Le Bilan Noir. La journée de Dimanche. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. vires acocirit ecndo. On traite forfait. Ypres, le 29 Juillet 1896. Ce parti qu'on dit mort, et que, de droite comme de gauche, d'aucuns s'acharnent piéti ner, a derrière lui tout un glorieux passé de services rendus la cause de la civilisation. Souvent déjà nous avons signalé son œuvre sociale, et les innombrables innovations qu'il a décrétées dans l'intérét des masses. Son œuvre politique est moins connue, et l'on se souvient moins, aujourd'hui que l'apai sement s'est fait sur tant de points hier encore âprement contestés, des luttes qu'il lui a fallu soutenir pour introduire dans notre droit public la tolérance et la sécularisation. 11 y a vingt ans, le cléricalisme menait contre nous une guerre sans merci, dont la liberté de conscience formait l'enjeu. C'était la révolte or ganisée contre la loi et le pouvoir civil, la néga tion publique et avouée des principes constitu tionnels et de la souveraineté de l'Etat. Nous défendons, s'écriait Frère-Orban, sur un petit coin de terre, une cause qui est grande comme le monde. Nous défendons l'indépendance de la raison humaine et les droits de la conscience contre les entreprises de la théocratie C'est cette noble et courageuse defense. qu'a vec un superbe dédain des prophètes nouveaux, qui devaient changer en un tour de main la face de l'univers, appelèrent plus tard la balançoire clérico-libérale. Elle ne fut pas inféconde, cependant,, et le pays, le libéralisme, la cause de la liberté en ont recueilli quelques fruits. N'avons-nous pas le droit de constater aujour d'hui, non sans orgueil, et bien que le parti ca tholique occupe le pouvoir depuis douze ans, que, dans bien des questions, la réaction cléri cale a été vaincue, que le libéralisme a forcé le cléricalisme céder, et, enfin, que si les cléri caux disposent d'une formidable majorité par lementaire, les idées cléricales ont cependant reculé? Les revendications de l'Eglise, en matière de biens ecclésiastiques, sont condamnées par une jurisprudence constante et définitive. La question des cimetières est close. Elle a été, en désespoir de cause, enterrée par l'archevêque de Malines lui-même, dont le mandement de 1894 admet la solution libérale de la bénédic tion par fosse La question du mariage civil, du mariage re ligieux et du divorce n'est plus un sujet de dé bats politiques. La délicate question des fondations d'ensei gnement et des bourses d études a reçu une so lution définitive. On n'oserait pas demander l'abrogation de la loi de 1864. Sur tous ces points, le cléricalisme a cédé. Certes, on voit encore, parfois, du foyer assoupi renaître quelques flammes. Il y a quelques mois, au parlement allemand, la droite cléricale demandait la suppression du divorce. Mais ce sont là d'impuissantes et fugitives démonstra tions. Connaît-on encore aujourd'hui, comme en 1860, les excommunications majeures qui frap paient les bals, les théâtres et les journaux Et si elles se renouvelaient, quelle obéissance ren contreraient-elles Connaît-on les scandales organisés autrefois autour des funérailles civiles Quelle émotion soulèvent-elles encore, au sein même des popu lations catholiques? iYavons-nous pas vu le clérical président de la chambre prononcer un discours sur le cercueil d'un libre penseur Voit-on encore, comme on le vit autrefois, un journal catholique dénoncer un professeur de philosophie, pour n'avoir pas apprécié le jeûne de façon orthodoxe Voit-on encore, comme cela se vit en 1878, un curé refusant l absolutionà un procureur du roi, qui, dans un procès, avait conclu dans un sens contraire aux intérêts de l Eglise Voit-on encore, comme cela se vit en 1873, un évéque frappant d'interdit des athénées et des écoles moyennes, dans lesquels les ministres de tous les cultes étaient indistinctement admis, sous prétexte qu'on voulait y associer le Christ et Belial Quel journal clérical oserait encore, de nos jours, traiter la Constitution de charretée d ordures On assiste, au contraire, au spectacle le plus opposé. Les catholiques proclament partout quil n'est pas de plus fermes défenseurs qu'eux des libertés constitutionnelles, et peut-être y a-l-il dans celle affirmation une part de sincé rité, car ces libertés qu'ils maudissaient autre fois, ils en ont aujourd hui besoin autant que nous. Si, peut-être, au fond de leurs cœurs, ils ont conserve ensevelis leurs préjugés d'autrefois, ils Poseraient les en sortir et les avouer publique ment, de peur de crouler sous le ridicule et la réprobation universelle Ils savent enfin que, si les prétentions théo- cratiques du passé devaient surgir de nouveau, ils retrouveraient dressé devant eux, selon le mot de Frère-Orban, le libéralisme debout et armé pour les combattre. En réalité donc, sur bien des points, le clé ricalisme a dû définitivement reculer. Le libé ralisme a eu bataille gagnée il couche sur les positions conquises. Le Bilan Noir est tiré des textes mômes des lois votées par les catholiques. Il est donc authentique et hélas obligatoire pour tous les Belges. Dans la question militaire, le gouvernement catholique a refusé d'abolir le remplacement. La majorité a enterré la question en un tour de main. La droite a voté 87 millions pour les forts de la Meuse, et 100 millions pour les fortifica tions d'Anvers. Elle a porté la durée du service militaire de 10 13 ans Le budget de la guerre atteindra en 1897 plus de soixante millions Les cléricaux ont voté la loi scolaire de 1895 qui viole la liberté de conscience et la Con stitution. Ils ont refusé l'instruction obligatoire, la création d'écoles ménagères et l'insfitulion de la soupe scolaire. En matière d'impôts, les cléricaux ont refusé d'établir l'impôt sur le revenu par contre, ils ont établi, maintenu et augmenté, les impôts de consommation ils ont établi des droits d'entrée sur la farine, sur la margarine, sur le beurre. Ils ont frappé de 20 millions d'impôts nou veaux, le petit verre du pauvre, sans dégre ver en rien le vin et la bière. En matière électorale, les cléricaux ont mu tilé la représentation proportionnelle, et ils pré parent le découpage des arrondissements. Au poinl de vue de la législation du travail, ils ont fait voler la loi sur les règlements d'ate lier, mais ils n'ont su organiser ni l assurance ouvrière contre les accidents, la maladie et la vieillesse, ni le minimum de salaire, ni les syn dicats professionnels. Tous ces actes, tous ces faits sont indéniables puisqu'ils sont pris dans les annales parlemen taires. Voici une appréciation concluante de la journée de Dimanche par La Gazette A Bruxelles, la liste libérale passe tout entière avec une majorité d'environ 5,200 voix sur la liste socialiste, alors qu'en 1894 cette majorité s'élevait 7,300 voix. Celte différence est d'autant plus sensible que le nombre des votants a été plus considérable l'élection d'hier qu'il y a deux ans environ 2,500 en plus. Serait-ce, par hasard, que les cléricaux au raient volé pour les socialistes A notre place, la presse radico-socialiste ne manquerait pas de le prétendre. Quoi qu'il en soit, les chiffres de l'élection font une éclatante justice de celte calomnie radicale qui affirmait audacieusement l'exis tence d'un pacte occulte entre les libéraux et les cléricaux bruxellois,ceux-ci s'élanl engagés, osait-on dire, voter pour la liste libérale en LE PROGRÈS ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00 Idem. Pour le restant du pays. t7-00 tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25. Insertions Judiciaires la ligne, un franc. 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