i\° 94. Jeudi,
56e ANNÉE.
26 Novembre 1896.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Le règne des pleutres.
Un procès édifiant.
Un prétendant Bruxelles
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Ypres, le 25 Novembre 1896.
Il est des gouvernements énergiques, riches de
talent et d'expérience, et capables d'imposer
l'opinion publique égarée ou mal éclairée ce que
commande l'intérêt national.
h y a eu de ces gouvernements en Belgique.
Aujourd'hui il n'y en a plus. Les gouvernants
que nous subissons flattent la mollesse, encoura
gent les préjugés, sacrifient tout au désir de con
server leurs portefeuilles.
Quand, il y a trente ans, notre situation mili
taire commandait de fortifier Anvers, on vit se
déchaîner une explosion formidable d'égoïsme,
de griefs locaux, grossis et exploités par l'esprit
de parti.
Le ministère libéral, que dirigeait Frère-
Orban, ne céda pas d'un pouce. Privé d'une ma
jorité suffisante pour gouverner, il fit appel au
pays, résolu se démettre plutôt qu'à se sou
mettre. Le pays lui donna raison et l'enceinte
d'Anvers fut achevée.
Aujourd'hui la raison électorale prime tout
elle énerve ce qui nous reste de sentiment na
tional. Loin de chercher réveiller l'instinct
patriotique, on cherche l'assoupir.
Nous vivons sous le règne des pleutres.
La situation actuelle de l'Karope, pour être
pacifique, n'en est pas moins grosse de périls
latents. Le moindre incident peut déchaîner
une conflagration générale.
La Belgique a été, pendant des siècles, le
champ de bataille où se vidaient les querelles du
continent.
Il faut qu'à sa frontière proclamée neutre elle
puisse désormais arrêter les belligérants.
Il faut que contre la force elle soit en état de
défendre son droit.
Il faut de plus que notre armée soit en situa
tion de protéger, contre l'assaut toujours mena
çant des partis révolutionnaires et anarchiques,
notre sécurité intérieure, la paix de nos foyers,
nos propriétés et nos libertés civiles.
Est-elle la hauteur de ces grands devoirs
Personne n'osera l'affirmer.
L'esprit de l'armée a besoin d'être fortifié.
Yoilà ce que proclament l'unisson, tous ceux
qui ont étudié de près le grave problème de
notre réorganisation militaire.
Rien mieux que le mélange, dans les rangs
d'une même milice nationale, des diverses clas
ses sociales, n'est de nature élever le niveau
moral des uns, assouplir le caractère des au
tres, assurer la patriotique union de tous les
Belges. Le contact des pauvres est souvent salu
taire aux riches. L'obéissance des règles com
munes, l'accomplissement des mêmes devoirs,
la fraternité militaire loyalement observée, dis
siperont tous les préjugés de caste et feront pré
valoir la solidarité et la concorde.
Ces vérités comprises ailleurs, sont méconnues
en Belgique par des hommes de parti, qui n'ont
d'autre péril en vue que le péril des élections,
d'autre crainte que celle de mécontenter leurs
électeurs.
Ainsi s'atrophie et déchoit peu peu une na
tion vaillante et se justifie cette prédiction sé
vère d'un important journal allemand Nous
marchons la banqueroute morale.
Etonnant, extraordinaire en ses révélations
insoupçonnées, le procès qui vient de se dérou
ler devant la Cour d'assises du Brabant.
Jamais feuilleton du journal irréligieux n'a
accumulé choses plus invraisemblables que les
constatations, authentiquement vraies cepen
dant, de ce scandaleux procès. Et les études les
plus savoureusement impies du roman docu
menté ou du théâtre libre sont fades, sommaires
et brusques, au regard du scénario qui s'est joué
la Cour d'assises.
La révélation de ce qui peut se tramer, l'abri
de la robe religieuse, dans ce monde noir et fer
mé des couvents, de ce qu'y peuvent inspirer la
sensualité toujours latente et la soif de l'or tou
jours intense, est vraiment sensationnelle.
Constance Wargé, la sœur noire, la garde ma
lade ecclésiastique, qui se travestit, qui court les
hôtels borgnes et les bals masqués, qui se donne,
aprè3 boire, sur un canapé, côté de la chambre
du moribond confié ses soins, quel retentissant
soufflet donné l'idéal monastique
Et cette même femme, ne songeant qu'à faire
profiter son couvent d'abord, son amant ensuite,
de la fortune des gens qu'elle soigne Cette hys
térique fabricant de toutes pièces, des lettres
apocryphes et des testaments faux, recourant
d'incroyables procédés de chantage et s'accusant
enfin pour se venger, quelle fiction d'écrivassier
en peine de péripéties aurait inventé pareille hé
roïne
Il va donc sans dire que la presse cléricale ne
souffle mot de toutes ces turpitudes, qu'elle au
rait dénoncées tout venant et en les criant par
dessus les toits si ces choses invraisemblables
s'étaient passées dans un pensionnat dirigé par
les laïques.
Aujourd'hui, la consigne est de se taire et
si, parmi les saintes feuilles, une voix s'élève
pour entretenir les lecteurs des faits et gestes de
cette étonnante sœur noire, c'est pour nous ap
prendre que Constance Wargé était assurément
gangrénée par les idées libérales avant d'en
trer au couvent
Quand les libéraux étaient au pouvoir, on a
souvent réclamé une inspection sévère de ce qui
se passe dans les couvents. Nous est avis qu a-
près une aussi scandaleuse affaire cette inspec
tion est devenue plus que jamais nécessaire.
Le duc d'Aumale vient de donner son neveu
une bonne leçon. Il avait pris la résolution de
venir saluer Bruxelles, le duc et la duchesse
d'Orléans, mais en lisant les articles compromet
tants de la presse française, il a renoncé parti
ciper une manifestation nettement dirigée
contre le gouvernement de la République fran
çaise.
On ne saurait être plus maladroit que les amis
du prétendant... Oubliant que la Belgique est un
pays neutre, ils veulent abuser de son hospitalité
pour affirmer leurs espérances d'une façon par
trop indiscrète.
Si le duc d'Orléans, dès la première réception
qu'il présidera l'hôtel de Flandre, n'invite pas
ses partisans modérer leur ardeur, on ne sait
pas ce qu'il adviendra, ceux-ci, suivant le mot
de l'un d'eux, ayant l'intention de casser les
vitres. En d'autres termes, de dire son fait
dame République.
Dans cette éventualité, il est probable que les
fêtes qui doivent avoir lieu chez le Roi et chez
le comte de Flandre seront ajournées, la ^famille
royale n'ayant pas la moindre envie de se brouil
ler avec le gouvernement français.
Ajoutons que l'arrivée du duc et de la du
chesse est annoncée pour Mercredi matin huit
heures la gare du Nord. Le vaste vestibule qui
donne place Rogier, transformé en jardin d'hi
ver, offrira un très joli coup d'oeil décorés avec
goût, les salons adjacents viendront compléter
l'ensemble. Une vaste marquise, placée au-
dessus de la porte d'entrée, apportera une note
de fête la façade. Le prince Albert recevra le
duc et la duchesse d'Orléans, qui se rendront di
rectement place Royale, l'hôtel de Flandre.
Yu l'heure matinale de leur entrée, il est pro
bable qu'il se trouvera peu de curieux sur leur
passage. (Economie).
Un député catholique de Tournai, M. Moyart,
vient d'être victime d'un assez sérieux accident
il s'est fracturé l'épaule en faisant une chute.
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