N° 98.Jeudi,
56e ANNÉE
10 Décembre 1896
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
jet V i S.
Triste constatation.
L'opinion de M. Bara.
Les cléricaux et l'agriculture.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
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1^—
Ypres, le 9 Décembre 1896.
On croit peut-être que, dans cette lamentable
discussion de la question militaire qui vient
de se dérouler au Parlement, c'est la bonne
organisation de l'armée et de la défense natio
nale qui a fixé les préoccupations de ces Mes
sieurs de la droite
Nullement, un seul orateur excepté, M. Vi-
sart, qui a eu le courage de dire au Gouverne
ment ses vérités.
Ce dont on se préoccupe droite, c'est du
recrutement du clergé.
Du clergé, tant régulier que séculier, et même
irrégulier.
Telle est la ferveur de M. Woeste pour les
exemptions ecclésiastiques que, s'il combat le
service personnel, ce n'est pas tant qu'il attache
au remplacement une grande importance élec
torale, c'est essentiellement parce qu'il entre
voit la difficulté de concilier le devoir militaire
imposé tous avec les exemptions ecclésiasti
ques.
Et ces exemptions, M. Woeste les veut larges
et démesurées, puisqu'il en revendique le privi
lège non pas seulement pour les prêtres propre
ment dits, mais pour tous les religieux générale
ment quelconques, moines ou frères-lais, por
tiers, commissionnaires ou balayeurs du cou
vent.
M. Helleputte, qui a trouvé convenable de
renchérir encore sur M. Woeste, appelle cela le
respect de la liberté des vocations.
A preuve que le fanatisme religieux produit
l'aberration de l'intelligence.
Si respectable que soit la liberté des voca
tions, les valets des évêques l'interprètent avec
une telle ampleur qu'il n'est pas une loi au
monde dont cette liberté ainsi comprise n'im
plique l'abrogation.
Du moment que la vocation religieuse vous
appelle, vous n'avez pas le droit de vous y refu
ser. C'est le souffle de Dieu, qui doit être obéi.
Elle impose un devoir supérieur toute loi. Donc
le législateur n'a pas le pouvoir de retarder d'un
jour ou d'une heure l'obéissance cette pieuse
vocation.
Voilà les sentencieuses calembredaines,
pardon du mot, qu'en l'an de grâce 1896, les
délégués du clergé ne craignent pas de débiter
en pleine Chambre.
L'audace ultramontaine ne s'affirma jamais
aussi insolemment.
Nous avons fait du chemin depuis le jour où,
au Congrès national, le catholique M. Nothomb,
le père de la loi de 1842, s'écriait qu'il n'y a
pas plus de rapport entre l'Etat et l'Eglise qu'en
tre l'Etat et la géométrie.
La liberté des vocations Quells tarte la
crème
Et nous sera-t-il permis de demander aux
pointus de la droite pourquoi, s'ils foqt respec
ter la vocation du capucin, on ne devrait pas
respecter au même titre la vocation du labou
reur et celle de l'artisan Le capucin prie, mais
le laboureur et l'artisan travaillent, et nous
croyons que la prospérité et la moralité publi
ques s'enrichissent davantage du travail de
ceux-ci que des prières de celui-là.
Quoi qu'il en soit, voilà qui est établi. Ceux-
là mêmes qui, droite, s'intéressent encore la
défense nationale en subordonnent les nécessités
les mieux établies aux nécessités primordiales
du recrutement sacerdotal et monastique tous
les degrés.
C'est un spectacle édifiant et un grand exem
ple de patriotisme.
L'éminent homme d'Etat que le suflrage uni
versel, en une heure de désespérante ingratitu
de, a banni avec tant d'autres de cette Chambre
des représentants dont il était un des plus rayon
nantes illustrations, a conservé dans l'avenir de
son parti une foi indestructible, que n'ont dé
couragée ni les déceptions ni les défaites.
Le relèvement du libéralisme lui apparaît,
dans un avenir qu'il n'ose dire prochain mais
qu'il proclame inévitable, comme le nécessaire
et consolant aboutissement du gâchis où nous
vivons.
Voici comment il s'exprimait dans un inter
view sollicité par un des rédacteurs de Y Étoile
Belge
L'abandon du service personnel achèvera
certes de discréditer le cabinet clérical parmi la
partie éclairée de la population. Mais avant de
rallier les éléments conservateurs que la marée
montante du socialisme a rejeté du côté des
cléricaux, les libéraux doivent reconquérir sur
les collectivistes les positions que ceux-ci ont
réussi leur enlever. Ce ne peut-être qu6 l'œu
vre du temps.
La confiance des masses ouvrières dans le
parti socialiste, bien que déjà sérieusement
ébranlée, est encore trop grande pour que nous
puissions sérieusement reprendre avec succès
l'oflensive.
Lorsque les travailleurs se seront rendu
compte de la vanité des promesses qui leur ont
été faites par la bande d'intrigants sans scrupu
les qu'on a vu forcer les portes de la Chambre,
alors seulement les libéraux pourront réussir
reconquérir sur les révolutionnaires le ter
rain que ceux-ci leur ont fait perdre.
Il y a deux ans peine que les socialistes
ont remporté leurs premiers succès électoraux
sérieux, et voyez où ils en sont c'est la gan
grène qui les ronge. Les révélations dont le
Vooruit est l'objet depuis quelques semaines
sont vraiment édifiantes. Chaque jour amène
la découverte d'un nouveau scandale. Aucune
tyrannie capitaliste n'est comparable celle
du citoyen Anseele effectuant des retenues de
40 p. c. sur le salaire des couturières et ex
cluant de son parti les hommes assez auda
cieux pour dénoncer cet abus et dire la véri
té la justice lorsqu'elle les interroge.
Voilà de bonnes, saines et réconfortantes
paroles, que nous enregistrons avec plaisir.
On peut voir par la discussion de l'interpella
tion Maenhout quelle situation déplorable
pour les intérêts de nos agriculteurs aboutit le
système de M. De Bruyn consistant ouvrir et
fermer arbitrairement nos frontières au bétail
étranger.
Aux observations, non dépourvues d'une juste
sévérité, qui lui ont été présentées par des dé
putés appartenant son propre parti, le minis
tre a répondu par des plaisanteries destinées
faire dévier le débat.
La question cependant est de nature intéres
ser non seulement les cultivateurs qui s'occu
pent de l'élève du bétail, mais la généralité des
citoyens, car, ainsi que l'affirmait hier M. Car-
tuyvels, la stomatie aphteuse est contagieuse et
transmissible l'homme, spécialement aux en
fants beaucoup de ceux-ci souffrent en ce mo
ment.
Quant au bétail atteint, il dépérit, et il suffit
qu'un animal contaminé soit amené sur le mar
ché ou dans une étable pour que la maladie
s'étende bientôt comme une traînée de poudre,
semant partout ses ravages.
Avant le premier Octobre dernier la maladie
n'existait pas en Belgique, par contre en Hollan
de on signalait 1,159 cas et 112 foyers d'infec
tion. Dès cette époque les spécialistes et les in
specteurs vétérinaires réclamaient la fermeture
des frontières rappelant au ministre que chaque
fois qu'on lui avait signalé le danger il avait
répondu qu'il s'engageait fermer les frontières
dès que la nécessité lui en serait démontrée.
M. De Bruyn n'a néanmoins pris aucune me
sure de nature protéger notre cheptel national
de la contagion.
Il a été dit la Chambre, et les explications
du gouvernement ont été insuffisantes pour dé"
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