N° 22. Jeudi,
57e ANNÉE
18 Mars 1897
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
La crise
du parlementarisme.
Les ouvriers libéraux.
A M o n s.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
On traite forfait.
Ypres, le 17 Mars 1897.
11 y eut un temps, pas bien éloigné de nous,
où le régime parlementaire apparaissait comme
la meilleure forme de gouvernement qu'aient
connue les sociétés.
Les nations qui ne l'avaient point ont fait
des révolutions pour le conquérir.
La Belgique, pendant soixante années, l'a
pratique loyalement avec honneur et succès.
Et voici que, après cette expérience demi-sé-
culatre, les critiques surgissent.
M. Emile Vandervelde, le leader du parti so
cialiste la Chambre, estime que la machine
parlementaire est un détestable instrument
de réformes sociales elle fonctionne lente-
ment, péniblement son effet utile se réduit
au minimum mesure que les problèmes
se multiplient et-que les solutions deviennent
de plus en plus nécessaires, les choses vont
de mal en pis, et le discrédit deà institutions
parlementaires augmente.
Cette appréciation, tranchante autant qu'a
cerbe, ne nous surprend pas.
Les socialistes ont fait croire aux ouvriers,
l'époque du régime censitaire, que la plu
part des maux dont ils se plaignaient venaient
de ce qu'ils n'étaient pas représentés au Parle
ment par des hommes de leur classe.
Le jour où celte représentation leur serait
acquise, tout devait changer.
Or, depuis deux ans, l'éloquence socialiste
retentit la tribune parlementaire et elle a cou
lé bruyamment, sans rien apporter ni empor
ter avec elle.
Aujourd'hui, les chefs du parti ouvrier sont
obliges de se justifier devant leurs électeurs de
leur impuissance et de la stérilité de leurs ma
nifestations oratoires.
Et ils s'en prennentau régime dont ils avaient
fait tout espérer et dont ils n'ont rien su tirer.
Quoi de plus naturel.
Mais on se demande, après cela, par quoi
M. Vandervelde voudrait remplacer ce régime.
C'est ce qu'il a oublié de nous dire.
Apparemment, par la dictature de quelque
comité de salut public.
Eh bien oui, le régime parlementaire subit
en Belgique une crise, et une crise aiguë et
pleine de périls.
Et pourquoi
Parce que ce régime n'est possible que si,
entre la majorité et l'opposition, il y a un fond
d'idées communes, un accord tacite pour le
maintien des institutions nationales et des ba
ses essentielles de la société.
Une des conditions fondamentales du parle
mentarisme, c'est la présence d'une opposition
puissante, s'inspirant du respect de la Constitu
tion, qui nourrit 1 espoir de devenir tôt ou tard
le gouvernement son tour, et est en mesure,
dès que les circonstances l'exigent, dexercer le
pouvoir.
Ces conditions ont existé en Belgique on ne
les y rencontre plus.
La Chambre ne compte plus que deux grou
pes une majorité de droite, énorme et écra
sante, et une opposition dont le programme est
de détruire la forme el l'essence même du gou
vernement du pays, une majorité réactionnaire
el une opposition révolutionnaire.
Celte situation est dangereuse.
Le régime parlementaire est faussé et stéri
lisé, par l'élimination presque absolue du seul
parti gouvernemental d'opposition qu'il y ait
en Belgique, le parti libéral.
Le parlementarisme n'est possible qu'à la
condition queson personnel soit parlementaire.
Est-il besoin de dire que les socialistes ne le
sont pas
Qu'on passe en revue leurs députés. A part
ce vague et doux théoricien qui s appelle Denis
et sans méconnaître la haute intelligence de
Vandervelde, on peut dire qu'ils sont incompé
tents en matière administrative, inaptes dis
cuter et faire des lois, ignorants souvent,
présomptueux el insolents toujours, n'ayant
pour programme de gouvernement qu'un pro
gramme antigouvernemental, rêvant la con
quête de l'Etat non pour 1 administrer, l'a-
meliorer, mais pour le détruire d abord.
Avec de pareilles gens, 1 invective a pris la
place de la discussion. Et les séances de la
Chambre se passent en provocations récipro
ques et en récriminations tapageuses. Et rien
d'utile ne se fait.
A qui la faute A l mconscience du corps
électoral.
Les dirigeants du parti socialiste persistent
croire que la question cléricale est de celles
dont il ne convient plus de s'occuper.
Au dernier congrès d'Anvers, tous les orateurs
du parti ouvrier ont été d'accord pour procla
mer que la controverse cléricale avait fait son
temps, et qu'il fallait résumer en un seul arti
cle tout le programme et tous les efforts de la
secte la guerre au capitalisme.
Allons dans les campagnes, a dit Ansee-
le, montrons aux pauvres paysans les riches-
ses de ceux qui possèdent la terre et exploi-
jj lent le travail de l'agriculture laissons de
côté curés, moines et cléricaux la lutte éco-
nomiqueest au premier plan.
Pendant que se débitaient Anvers ces cho
ses connues, les démocrates chrétiens et les
ouvriers catholiques se réunissaient Liège,
chacun de leur côté, mais la thèse defendue
par les deux principaux orateurs, l'abbé Pol-
tier et M. Francotte, était identique Il faut
absolument ramener l'Église les indifférents
et ceux que le socialisme effraie jamais
l'instant n'a été plus propice.
Qu'en pensent les hommes du drapeau rouge
et qu'en pense M. Picard, qui se vantait de
pouvoir nous débarrasser du cléricalisme en
un tour de main
Le fait est que les tribuns exaltés qui diri
gent le parti ouvrier font admirablement les
affaires de la sacristie. Avec leur incomparable
souplesse, les membres du clergé qui ont pris
la tête du mouvement démocratico-chrétien
ont profité pour leur propagande de toutes les
fautes commises par les chefs socialistes.
Us ont démontré et cela n'était pas diffi
cile que le collectivisme ne s'arrêterait pas
dans l'expropriation du capital, et qu'après les
richesses des oisifs, il absorberait l'épargné des
laborieux.
A cette perspective peu rassurante, ils ont
opposé le tableau de leur société chrétienne, de
leurs ghildes moyenâgeuses, de leurs corpora
tions de métiers, et les voilà déployant déner-
giques efforts pour ressusciter tout ce passé
d'oppression et d'intolérance.
Eh bien, il est des ouvriers qui ont vu clair
dans la lactique cléricale, tout en réprouvant
les chimères du collectivisme.
Sans doute, ils ne sont pas encore légion,
mais leur nombre croit d heure en heure, et de
toutes parts se multiplient les manifestations de
leur vitalité.
Et c'est un phénomène significatif el conso
lant, devoir des travailleurs conserver assez
de foi dans le libéralisme pour comprendre
que l'avenir appartient ceux qui sauront ac
complir son union avec la démocratie.
Saluons les ouvriers libéraux ils sont les
artisans d'une grande œuvre. C'est grâce
leurs efforts que le cléricalisme, déguisé en
parti démocratique, n'attirera pas dans ses
rangs tous ceux qu'effraie ou dégoûte le collec
tivisme.
Élection Sénatoriale.
Samedi, 4 heures, expirait le délai de pré
sentation de candidatures sénatoriales en rem
placement de feu M. Achille Legrand.
La candidature de M. Houzeau de Lehaie,
l'ancien représentant, ayant été seule présentée,
M. Léon Dolez, président du bureau principal,
l'a proclamé élu.
L'arrondissement aura vraisemblablement se
féliciter de cette nouvelle recrue la Chambre
haute, d'autant plus que, comme Bruxelles,
l'union s'est faite dans toutes les nuances du
parti libéral sur ce nom les cléricaux, même
unis aux socialistes pour la circonstance, au
raient piteusement échoué.
LE PROGRÈS
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M.Houzeau élu sénateur sans lutte.