M0 56. Jeudi, 57e ANNÉE. 6 Mai 1897 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Leçon de choses. Les ouvriers libéraux. L'armée cléricalisée. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. VIRES ACQOIRIT EUS DO. On traite forfait. Ypres, le 5 Mai 1897. Le gouvernement clérical dispose actuelle ment de quatre-vingts millions de revenus en plus qu'il y a treize ans. Quatre-vingts millions, c'est un joli denier. Notez que nous n'exagérons pas d'un centime. Ce chiffre est officiel il est renseigné par le ministre des finances lui-môme, dans un de ses récents discours au Sénat. Doù proviennent ces millions De trois sources. La première est lauginen- tation normale des recettes des chemins de fer. C'est un indice de prospérité. La seconde est la conversion de la dette pu blique, qui a diminué de treize millions et demi les revenus annuellement payés aux por teurs de la rente Belge. C'est, en réalite, un im pôt frappé sur les rentiers petits et grands, dur aux petits. Enfin, le gouvernement a multiplié les im pôts de toute nature, lout en s'exonérant de diverses charges. Dès leur avènement au pou - voir, les cléricaux rejetaient sur les communes six millions de subsides pour l'enseignement primaire, et, depuis la nouvelle loi sur l'assis tance publique, l entretien des indigents hos pitalisés absorbe une part considérable des budgets provinciaux et communaux. Où vont tous ces millions prélevés sur l'épar gne publique, rognés sur les services que l'Etat devrait amplement défrayer, puisés toutes les sources de 1 impôt Se traduisent-ils pour le pays en réformes heureuses, en initiatives fécondes, en progrès bienfaisants A-t-on supprime des abus, aidé au fonctionnement d'une bonne justice, augmenté notre sécurité nationale et notre patrimoine intellectuel Nullement. Une partie des millions est allée la rému nération des familles des miliciens. Jadis cette rémunération était de dix francs par mois la voilà portée trente francs. Pour certaines fa milles, c'est une magnifique aubaine. Trente francs par mois, c'est plus que ne leur eût ja mais rapporté le milicien qu'on leur enlève. Ce n'est plus une rémunération, c'est de la corrup tion législativement pratiquée en vue de rallier la petite bourgeoisie et les classes ouvrières l'odieux systèuie du remplacement. Le ministère est hostile au service person nel. Son idéal serait la constitution d'une ar mée de mercenaires bien pensants, sur laquelle le clergé aurait une action prépondérante. Il ne veut pas d'une armée nationale, recrutée dans toutes les classes de la société. Et c'est empêcher la noble et patriotique idée de l'éga lité des charges militaires de faire son chemin qu'il consacre huit millions par an. C'est une honte, ni plus ni moins. sk Les autres millions sont allés l'enseigne ment libre. Ce sont les ecoles congréganistes qui en ont recueilli la plus large part. En 1857, un ministère clérical a été renversé parce qu'il voulait favoriser la multiplication des couvents. Nous avons fait du chemin depuis lors; aujourd'hui les couvents émargent au budget de l'Etat. C'est le trésor public qui, en Belgique, ali mente les écoles congreganistes. Cela ne se voit que chez nous. Les ecoles libres sont, chez nous, assimilées aux ecoles publiques, l'école du couvent l'école de la nation, avec cette différence que le gouvernement combat sour noisement celle-ci et ne cherche qua favoriser celle-là. Et les cléricaux ne sont pas encore satisfaits! Les voilà qui demandent de nouveaux millions pour leurs ecoles. Il nous faudrait encore six millions, a dit M. Woeste. Et il les aura. Le gouvernement ne demande qu'à être poussé. 11 donnera les sjx millions. Pour les trouver, il créera 1 impôt sur le blé. Cela ne se fera peut-être pas encore demain, mais ce ne sera plus long. Protectionnisme et cléricalisme se donneront la main. On cherche encore calmer leurs impatiences, mais la résistance est molle et présagé une prochaine soumission. Pour désarmer momentanément les fougueu ses convoitises des gens déglise, les diplomates de la droite ont montré le chemin parcouru depuis 1884. Le tableau est navrant. Que reste-t-il en effet de l'édifice si pénible ment eleve en 1879? Qu'est devenu 1 en seignement primaire officiel Que sont deve nues nos écoles normales destinées former des instituteurs capables, des éducateurs dignes de collaborer 1 oeuvre de la civilisation Hélas 11 n'en sort plus guère que des crétins. El qu'est devenu l'enseignement moyen? Chaque acte gouvernemental tend l'affaiblir, le dénaturer. Et l'enseignement supérieur Il n'existera bientôt plus que pour servir de doublure l'enseignement que nos maîtres les évèques ont organisé en leur université de Louvain. L'œuvre de réaction accomplie depuis treize ans est considérable. Et elle se poursuivra jus- qua l'encapucinement complet. Grâce 1 appui que le suffrage universel a donné au parti noir, nos maîtres ne connaissent plus d'obstacles. Et voilà où vont nos millions Les ouvriers libéraux viennent d'essayer leurs forces dans diverses élections au Conseil des prud hommes. Leurs candidats ont succom bé mais, s'il est un cas où I on peut parler, sans faire rire, de succès moral, c'est bien as surément dans l'occurrence. Partout, les ouvriers libéraux ont réuni un nombre inespéré de voix Tournai, ils ser rent les socialistes de si près, que Ton peut dire que les forces des deux partis se balancent. Succès moral, succès inespéré, disons-nous. Quand se sont formées nos ligues libérales ouvrières, elles avaient contre elles une for midable coalition d'intérêts, de défiances, de préventions. Elles ont lutter contre le vaste bataillon ouvrier qu'ont réussi recruter, en exploitant les croyances religieuses, les réactionnaires cléricaux. Elles ont lutter contre les socialistes qui, pleins de ménagements pour les démocrates chrétiens, ces socialistes du drapeau jaune, n'ont pas assez de railleries ni d insultes pour l'ouvrier qui, courageusement, se déclare libé ral. Et puis, il faut bien le dire: le libéralisme est actuellement vaincu seuls, les hommes de cœur viennent lui; les autres adorent le soleil levant le cléricalisme, tout puissant, promet ses créatures toutes sortes de satisfac tions matérielles. Et quant au collectivisme, il fait luire aux yeux des déshérités les promes ses delà révolution rédemptrice. Combien d'ouvriers sont assez sages pour repousser la fois la corruption gouvernemen tale et les illusions collectivistes Eh bien, ces ouvriers qui tendent la main la bourgeoisie laborieuse, ces braves gens qui ne veulent ni de la toute puissance du prêtre ni du triomphe de la révolution sociale, ces honnêtes travailleurs qui croient encore la liberté et la patrie, sont aujourd'hui légion. Voilà ce que nous constatons avec bonheur. La situation des ouvriers libéraux est excel lente peine leur début, leurs sociétés ont pris une importance que les ligues socialistes n'auraient pas atteinte après plusieurs années de propagande acharnée. Quand on songe aux difficultés de toute na ture que les travailleurs libéraux ont rencon trées, aux ennuis nombreux auxquels les expose l'affirmation de leur foi politique, on doit avoir dans la solidité de leurs cohortes une inébran lable confiance. Les ouvriers libéraux grossiront leurs rangs de tous ceux de leurs frères qui seront désabu sés des rêveries collectivistes et des hypocrisies cléricales. Et grâce eux, le parti libéral démocrati que ne tardera pas se relever de sa chute. L'armée sera cléricale ou elle ne le sera pas. Telle doit être la devise du Révérend Père Boom, car en ce moment il n'est plus accordé de promotions, de décorations, d'emplois, de récompenses enfin, qu'aux militaires sur le compte desquels il ne peut être élevé de doute quant aux idées religieuses professées. LE PROGRES ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00 Idem. Pour le restant du pays7-00 tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, SI. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour le p stant de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRES.

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Le Progrès (1841-1914) | 1897 | | pagina 1