S0 38. Jeudi, 57e ANNÉE. 13 Mai 1897 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. L'encapucinement du pays. Une scandaleuse nomination. Les locaux d'écoles. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. On traite forfait. Ypres, le 12 Mai 1897. Nous allons bien, et si le cléricalisme doit détenir le pouvoir pendant dix ans encore, nous serons devenus la Béolie de l'Europe. Voici, sur ce désolant sujet, des chilfres em preints d'une triste éloquence. En 1885, sur cent normalisles diplômés, les écoles de l'Etat fournissaient 70 instituteurs, les écoles de lepiseopat 30. En 1894, l'Etat n'en fournil plus que 29, et les pépinières con- gréganistes 71 Pour les institutrices, la proportion de nor malisles sortant des écoles conventuelles est de 77 En 1885, il y avait dans les écoles normales de l'Etat une population de 2022 élèves. 11 n'y en a plus aujourd'hui que 575, mais, par con tre, les écoles agréées en comptent 2118, alors qu'elles n'en avaient que 695 en 1879. Voilà donc la proportion renversée I Nous assistons la déchéance voulue, prémé ditée, laborieusement et triomphalement pour suivie, de l'enseignement public. D'ici quelques années, c'est chez les petits frères, seuls en possession d'un enseignement normal, que nous devrons aller prendre nos instituteurs. Jamais pays n'a donné l'exemple de pareil recul. Oui, l'enseignement de I Etat s'achemine vers zéro, tandis que l'enseignement congréganiste, encouragé et subsidié par l'Etat, prend un dé veloppement inouï. Toutes les protestations que pourrait soule ver cette affirmation se brisent contre l'évidence des faits. Alors que les élèves des écoles normales de l'Etat n'ont recueilli, de 1891 1893, qu'un total de bourses d'études s'élevanl 333 mille francs, ceux des écoles agréées ont reçu 450 mille francs Quatre cent cinquante mille francs employés par le Gouvernement faire la concurrence ses propres écoles N'est-ce pas vraiment stupéfiant et mon strueux Et vit-on jamais en aucun pays, pareille conspiration contre le progrès Des journaux catholiques eux-mêmes, et notamment Le Soiren sont arrivés devoir constater que l'état de l'instruction en Belgique est lamentable. Comment en serait-il autrement? Depuis 1884, on a supprimé dans notre pays neuf cents écoles primaires et huit cents écoles d'adultes La situation est grave, a pu dire Hector Denis la Chambre. Nous assistons au triom phe d'une épouvantable et dissolvante réaction. Sans le vouloir peut-être, les cléricaux nous conduisent la désorganisation sociale. Le Moniteur du 4 Mai nous apportait l'in croyable nouvelle de la nomination aux fonc tions de Conseiller la Cour d'Appel de Bruxelles de M. Havoil dit de Termicourt, juge d'instruction Anvers. Notre garde des sceaux nous avait habitués aux passe-droit et aux dénis dejustice, et il y a beau jour que ses nominations dans l'ordre judiciaire ont cessé de nous etonner. Niais la promotion de M. ilayoït trahit de si scanda leuse façon l'exclusivisme gouvernemental et le népotisme ministériel que nous ne saurions nous empêcher d'en parler. Elle est I indice d'un parti-pris, cyniquement avoué, d'écarter impitoyablement les candida tures libérales et de faire litière absolue, pour caser les protégés de nos maîtres, des services rendus et des recommandations obtenues par nos amis politiques. M. Hayoit a 37 aos il compte peine onze années de magistrature. Premier candidat du Conseil provincial d'Anvers, où dominent ex clusivement les influences politiques, il n'avait obtenu de la Cour d'Appel de Bruxelles, appe lée juger ses mérites professionnels, ni une candidature quelconque ni même une respecta ble minorité de suffrages. Ses compétiteurs étaient Monsieur le juge Cluydts et M. le substitut De Munter. M. Cluydts, le premier candidat de la Cour d'Appel, par deux fois hoBoréde pareil eboix, est juge Malines depuis dix-huit ans. C'est un magistrat de valeur, déjà injustement écarté de la présidence du Tribunal dont il est le plus ancien membre. L'occasion s'offrait M. Begercm de réparer cette injustice il lui a plu de (aggraver. M. Albert De Munter, pour la seconde fois second candidat de la Cour d'Appel, est l'un des plus anciens substituts du pays et compte dix- sept années de magistrature." Il n'est pas une voix, parmi ceux qui fréquentent l'important Tribunal d'Anvers, qui ne rende hommage sa science juridique, ses habitudes laborieu ses, la haute indépendance et la dignité de son caractère. Voilà les hommes méritants, honorés du suf frage de leurs pairs, riches en services rendus la justice, blanchis sous le harnais de leurs difficiles et délicates fonctions, que M. Begerem vient de sacrifier aux preferences d'une coterie en faveur d'un magistrat qui était encore sur les bancs de l'école lorsque déjà ils portaient la robe. Il est vrai que ce sont des libéraux. Et des libéraux, n'est-ce pas, il n'en faut plus. Ce sont des parias, que repousse de par tout la caste dominante. Il nous semblait cependant que la Royauté Belge, au nom de qui se font ces nominations stupéfiantes, avait annoncé un jour qu'elle ne ferait pas de distinction entre les citoyens Nous avons vu que M. Woeste s'était plaint la Chambre d'une circulaire de M. Schol- laert engageant les communes ne pas accor der l'usage de leurs locaux d'école pour une durée de plus d'une annee aux écoles adoptées et admettre également un dédit d'une année, de manière que les occupants pussent avoir le temps de se pourvoir d'un autre immeuble. Selon M Woeste, les communes pouvaient donner les locaux pour toute la durée de l'adoption. M. Sc'iollaert s'est expliqué sur sa circulaire dans une des dernières séances de la Chambre Ces constructions, a-t-il dit, sont élevées non pas seulement avec les ressources des communes, mais au moyen de subsides des provinces et de l'Etat. Or qu'arrivera-t-il si, au cours des dix années pendant lesquelles les locaux sont aliénés, la commune veut ouvrir line école communale La province et l'Etat, auxquels on deman dera de nouveaux subsides, répondront Nous vous avons pourvu d'un local d'école, il vous a convenu de l'aliéner, c'est vous de construire I école nouvelle Personne ne pourrait se plain dre d'une semblable réponse. M. Schollaert aurait dû invoquer qu'en dix ans, durée pour laquelle une école peut être adoptée, il y a deux renouvellements par moitié du conseil communal. Le conseil communal qui aurait conclu l'adoption peut être renversé un an, deux ans, trois ans après l'adoption, et la commune serait ainsi privée pendant neuf ans, huit ans, sept ans, de l'usage de ses locaux, alors qu'elle voudrait le ravoir. Le droit pour un conseil communal d'accor der l'usage de locaux d école pour dix ans un établissement privé est contraire l'autonomie communale. Car il faut entendre commune, non pas dans le sens du parti qui la gouverne et qui aurait le droit d'engager politiquement l'avenir, mais dans le sens de la généralité des habitants qui peut vouloir autre chose aujourd' hui que ce qu'elle voulait hier. Voilà la raison que M. Schollaert aurait dû invoquer. Mais il ne l'a pas fait, il a capitulé devant M. Woeste. Après avoir dit qu'il avait invité les provin ces engager les communes ne pas faire de contrats de trop longue durée afin d'éviter de se mettre plus tard dans l'embarras, il a ajouté que certaines provinces n'ont pas cru devoir se ranger cet avis et ont approuvé de tels con trais. Et qu'a t-i! fait alors? Il n'a pas fait prendre de recours par le gouverneur, car le seul motif sur lequel i! aurait pu se baser, dit- il, c'est l'intérêt général, et il n'a pas cru l inté- rêl général suffisamment engagé pour casser ces décisions. Cette façon de M. Schollaert d'envisager la question est une invite aux communes ne pas se gêner. Ce sera même tout profit pour le LE PROGRÈS vires 4cquimt eundo. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00 Idem. Pour le restant du pays. 7-00 tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixraude, 51. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Phocrès Pour leïestunl de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRES.

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Le Progrès (1841-1914) | 1897 | | pagina 1