67. Dimanche,
57e ANNÉE.
22 Août 1897
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Pris sur nature.
In Vlaanderen Vlaamsch
Pour la paix.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
On traite forfait.
Dans une polémique avec le Bien public
l'abbé Victor Charbonnel, grossièrement atta
qué, dépeint, en guise de réponse, le clérica
lisme sous les traits suivants
A vrai dire, il y a une étrange tristesse dans
cette nécessité où j'en viens toujours de
m'avouer que, de tous les milieux, c'est un cer
tain milieu catholique qui a le plus d'insoucian
ce, d'incapacité dédaigneuse, d'horreur et peut-
être de haine pour l'Idée. Aucune noble discus
sion n'est possible avec des adversaires dont le
catholicisme s'est exaspéré en cléricalisme. L'ac
coutumance des solutions toutes faites, des credo
forcés, les a rendus comme hostiles l'intellec-
tualité libre qui sans cesse se renouvelle. Ils ont
le Pape, l'infaillibilité, la hiérarchie épiscopale,
la communion avec Pierre, chef visible de
l'Eglise pour se faire une opinion. En dehors
de ça, les idées leur seraient plutôt gênantes.
Demandez-leur ce qu'ils pensent en politique, en
sociologie et même dans les questions scientifi
ques ils ne chercheront pas, ne réfléchiront pas,
mais s'en remettront des chefs. Et dès que
ceux-ci auront parlé, il n'y aura qu'à passive
ment les croire, sur parole. La mort intellec
tuelle dans la servilité
Et ce sont ces gens, sûrs de tout sans rien sa
voir, soumis l'autorité sans nul égard pour la
pensée, qui finissent invariablement par opposer
leurs contradicteurs, non pas des raisons, mais
des auathèmes et la vilaine monnaie des ana-
thèmes: gros mots, menaces, réclamation de me
sures disciplinaires invectives violentes ou ridi
cules. Depuis que j'ai eu cette outrecuidance de
rappeler dans l'Eglise qu'il y a un libéralisme
religieux et même, dis-je, un catholicisme
libéral ou social, je n'ai jamais, jamais lu deux
lignes où l'on eût intellectuellement combattu
mes audaces et réfuté mes hérésies. On n'avait
rien dire donc on s'est fâché. On m'a renvoyé
des évêques, de ci ou de là, qui, les malheu
reux, ont été bien embarrassés de découvrir par
quelle hérésie me prendre.
Le morceau est piquant, mais l'abbé nous
paraît être fort peu de son temps.
Revendiquer pour le prêtre la liberté de
penser, en dehors des questions religieuses,
c'est bel et bien une hérésie selon les préten
dus disciples de celui qui a dit rendez César
ce qui est César et Dieu ce qui est Dieu.
Faire du socialisme catholique, c'est permis,
mais être catholique libéral, quel crime abo
minable.
Nous serons très étonné si quelque jour on
ne parvient pas le faire bien voir l'abbé.
Les idées défendues par l'abbé Charbonnel
sont adoptées ouvertement en France par un
certain nombre d'ecclésiastiques qui devient
de plus en plus grand.
Il y a plusieurs prêtres qui combattent le
dogme, l'infaillibilité du pape.
On en a excommunié un, l'abbé Philipdot,
on a laissé les autres tranquilles, il aurait fallu
trop de bulles d'excommunication.
L'abbé Charbonnel, qui parle avec celte in
dépendance, est toujours dans l'Eglise catho
lique.
Ce sont plus que des cas isolés ces protesta
tions de prêtres catholiques contre l'étroitesse
de la religion catholique.
Il y a un sérieux mouvement dans une par
tie du clergé français pour le néocatholicisme
religieux, mouvement qui s'accentuera de plus
en plus comme s'est accentué celui du néo-
catholicisme politique ou social.
On sait que nos honorables ont introduit
dans la loi sur la garde civique un article di
sant que la milice citoyenne serait instruite et
commandée en flamand dans les communes
flamandes. Le Journal de Gand s'est demande
quelles conséquences pratiques cela allait avoir
quand il faudrait passer l'application. Partant
de cette idée que les documents qui serviraient
de modèle sont les règlements militaires en
vigueur chez nos voisins les Hollandais, il s'est
procuré une Ecole de peloton publiée
Breda, chez van Broese et C°, pour le compte
de l'Académie militaire royale. L'édition est un
peu ancienne elle date de 1867 mais
comme c'est la langue seule qui nous intéresse,
peu importe ce détail.
Nous allons, dit notre confrère, parcourir
ensemble cet opuscule officiel.
Le titre seul est déjà significatif. Il porte:
Règlement op de exercitiën der infanterie.
Pelotonsschool
Inutile de traduire, n'est-ce pas?
Mais continuons. Passons en revue les entê
tes des chapitres et les commandements, tant
davertissement que d'exécution.
Voici au complet, les litres et sous-titres du
dernier article concernant l'école des tirail
leurs. Oyez
Het pra/ctisch tirailleren.
Het formeren van kompagnies/colonne uit de
orde van bataille.
Het carré formeren.
Deploijeren eewr kompagnieskolonne.
Très limpide, incontestablement 1
Allons toujours.
Un pur Wallon, condition bien entendu
d'avoir déjà reçu Instruction militaire en fran
çais, n'aura guere de peine comprendre les
commandements néerlandais que voici
Charger I
Peloton hait I
Formeert peloton marsch
Markeert den pas
Pas-de-route (sic) marsch I
Voilà pour les simples soldats. Quant aux
officiers, ils devineront sur lheure ce que
signifie
De frontmarsch in bataille.
Met sectien in kolonne.
De contremarsch.
De marsch uit de flank, etc. etc.
Eh bien, qu'en dites-vous?
Notez que nous ne critiquons en aucune ma
nière la barbarie linguistique de ces vocables.
Au contraire, nous donnons cent mille fois
raison aux Hollandais de ne pas s être acharnés
vainement fabriquer de toutes pièces des
termes néerlandais équivalents. Les Alle
mands ont d'ailleurs suivi la même sage ligne
de conduite.
Mais quoi bon, chez nous, les traduc
tions dont on a vu ci-dessus les baroques
spécimens
D'utilité pratique, il n'y en a aucune.
D'autre part, qui donc soutiendra, sans rire,
que nos gardes civiques des Flandres se senti
ront flattés dans leur orgueil de race lorsque,
au lieu de leur commander une marche de
flanc on leur commandera een marsch uit
de flank »1
Nous est avis que, de ce méli-melo français-
flamand, ils se borneront conclure en
belge qu'on a voulu tenir le fou avec
eux
On sait qu'il existe une conférence interpar
lementaire de paix et d'arbitrage. Comme son
nom l'indique, cette conférence se compose de
membres pris dans tous les Parlements euro
péens, et, pour marquer les progrès faits par
celte idée de soumettre, dans l avenir, les diffé
rends qui peuvent surgir entre lesEtats, un
tribunal d'arbitrage, nous constaterons que le
nombre des parlementaires adhérents dé
passe aujourd'hui trois cents.
En dehors de la conférence interparlemen
taire, chaque année se lient, dans une de nos
grandes villes d'Europe, un congrès universel
de la paix auquel sont représentées les nom
breuses associations qui existent dans les divers
Etats européens ainsi qu'aux Etals-Unis. Ce
congrès vient d'avoir lieu Bruxelles.
En somme, l'idée d'arriver un jour éviter,
par larbitrage, les conflits entre nations, a fait
depuis quelques années des progrès indénia
bles.
Grâce aux travaux juridiques et l'active
propagande des sociétés de la paix, si nom
breuses dans les deux mondes, grâce aux con
férences interparlementaires siégeant alterna
tivement, chaque année, depuis 1889, dans les
capitales des divers Etats européens grâce, il
faut bien le dire aussi, au succès de tous les
essais darbitrage déjà tentés avant et depuis
l'affaire de 1 Alabama, cette idée de résoudre
partout les conflits internationaux par voie
d'arbitrage s'est emparée de l'esprit des peuples
et des Parlements.
Il y a là un acheminement lent, peut-être,
mais sûr, vers la paix universelle.
A mesure que les peuples prennent davan-
LE PROGRÈS
vihes acycirit eundo.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00
Idem. Pour le restant du pays7-00
tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 51.
INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25
Insertions Judiciaires la ligne, un franc.
Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour
le restant de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRES.
Ypres, le 21 Août 1897.