Journal de l'Alliance libérale d Ypres et de l'Arrondissement
Étranger.
Dreyfus.
Dimanche, 16 Septembre 1900. 60e année.X° 57.
Affaires de Chine.
Lettre d'an Burgher
au TransvaaI.
L'Anarchie dans
l'Orthogra phe.
l'emu fait la force.
Paraissant le Dimanche
Vires acqcirit elndo
PRIX DE L'ABONNEMENT:
pocr la ville Par an 4 francs.
pr la province Par an 4 fr. 50
On s'abonne au bureau du journal, bue de Dixmude. 51, Ypbes. Les an
nonces, les faits divers et les réclames sont reçus pour l'arrondissement d'Ypres,
les deux Flandres, le restaut de la Belgique et de l'Etranger, au bureau du
journal Le Progrès ON TRAITE A FORFAIT.
ANNONCES
Annonces 15 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne.
Revue p o 1 i t i <i n e.
Pendant qu'on discute en Europe,
avec une certaine lenteur, sur l'oppor
tunité d'une évacuation immédiate de
Pékin,les incidents Pékin même sem
blent marcher un peu plus rapidement.
Le nœud de la question n'a pas varié
le gouvernement chinois ne consent
entrer en négociation avec l'Europe
que si la capitale des Célestes est déga
gée au préalable de l'armée étrangère
qui vient d'en forcer les portes. Une
partie des puissances civilisées ne
répugne pas pareille condition mais
une autre est moins traitable et main
tient jusqu'ici, avec plus ou moins
d'âpreté, une opposition formelle
cette condescendance. Quand la con
troverse sera-t-elle aplanie Y aura-t-
îl rupture ouverte ou compromis entre
les deux cabinets, la Russie et l'Aile
magne, qui se querellent derrière le
rideau Autant de questions sur les
quelles on n'est nullement fixé. En
attendant, le gouvernement chinois
vient de faire, de sa propre initiative,
un pas assez sensible pour montrer
qu'il est disposé traiter sérieusement,
ai e>n lu**, loieeo ea 1 ibert© d'action
Le prince Tcheng serait arrivé
Pékin pour entrer en négociations di
rectes avec les puissances, mais non
sans s'être assuré préalablement qu'il
serait reçu par le corps diplomatique
étranger.
Sans doute, nous sommes encore loin
du but Le prince Tcheng n'a pas en
core mission de saisir les représentants
du monde civilisé des conditions que
l'empire du Milieu est prêt leur
offrir, titre de réparation, il a plutôt
pour mandat de se renseigner de visu
sur les chances de l'évacuation future
de Pékin, et par conséquent sur la pos
sibilité de mettre prochainement
l'épreuve, d'après le scénario connu,
les sentiments pacifiques des deux par
ties.
Ce n'est pas grand'chose, mais c'est
évidemment quelque choso qui a la
valeur d'un commencement.
C était Dimanche l'anniversaire de
la condamnation de Dreyfus par le
Conseil de guerre de Rennes et l'écho
de l'indignation qui s'éleva alors dans
le monde entier contre l'injustice de ce
jugement n'er-t pas encore affaibli.
Depuis Dreyfus a été giacié et après
un long martyre il a pu vivre de nou
veau côté de sa leminn et de ses cu-
lants, jouissant de sa liberté comme
après un affreux cauchemar.
Sa première condamnation, les sug
gestions de Du Paty de Clam, ses souf
frances atroces i'île du Diable, sa
mise aux fers, toutes les tortures qu'il
a subies son retour eu France, les at
taques déchaînées et haineuses de la
presse nationaliste, et le procès de
Rennes, comme autant d'étapes fran
chies par l'infortuné officier et consti
tuant son malheur, reviennent aujour-
d hui avec mille souvenirs flétrissants
pour l'ex-état-major.
Et au-dessus de tout comme la néga
tion de l'immuable justice, l'arrêt de
Rennes
Dans une lettre écrite Dreyfus, le
sénateur français Trarieux déclare
ffu d ne peut préciser quand viendra
heure de la vérité.
Ce que l'on peut affirmer, c'est
T'A elle viendra... le jour où la France
consentira ne plus faire une affaire
politique d'une erreur judiciaire, le
jour où l'armée française comprendre
que la proclamation de l'innocence de
Dreyfus sera absolument son honneur
puisqu'elle aura mis fin la plus dou
loureuse erreur judiciaire, la plus
tragique méprise.
La conscience universelle, en pro
clamant celle-ci, s'est heurtée des
haines sauvages mais elle les a écar
tées, dédaigneuse, et elle a obtenu au
moins la grâce de Dreyfus. Elle con
querra la reconnaissance de son inno
cence également.
Que ce soit demain ou dans dix ans,
peu importe, elle atteindra le but,
l'affaire Dreyfus ayant été la lutte
pour la justice et le droit et elle se
poursuivra travers les générations,
s'il le faut, le triomphe de la vérité
étant nécessaire la marche de l'hu
manité vers le progrès et la -lumière.
Ce n'est plus uu homme, ce sont des
principes qui sont en cause.
Le Journal de Chavleroi a reçu, par l'inter
médiaire de M. le pharmacien Jules Debin,
cette correspondance d'un buigher (Al. P. Co
lin, de Couillel), qui habile le TransvaaI de
puis 26 ans el a participé déjà la guerre An-
glo-Boer de 1880-81
Komatie Poort, 10 Juillet 1900.
Monsieur le Rédacteur.
Voilà 10 mois que les Anglais se battent
avec nous. Nous les avons successivement lais
sé entrer Johannesburg et Prétoria, mais
c'était pour mieux les prendre. Depuis ce
temps, ils n'ont rien fait de bon et cependant,
Itoberts croyait qu'après Johannesburg et Pré
toria ce serait fini.
En réalité, ils se sont lait mettre en cage, et
ne peuvent plus en sortir.
Ils ont tenté une sortie du côté de Ronkers-
piuil, mais nous les avons fait battre en retraite,
et rentrer Prétoria.
Une autre tentative de sortie du côté de
WaterfalI n'a pas été plus heureuse. Ils ont
perdu 200 hommes tués et blessés, quatre
canons avec chevaux et accessoires et le der
nier télégramme reçu aujourd'hui nous dit que
les Anglais ont encore été battus du côté
d'Elandsfontein, sur la route du Natal, par le
général Prinslo qui leur a tué beaucoup
d'hommes, fait des prisonniers et pris de l'ar
tillerie.
Le général Koberts a été trop pressé de
prendre Johannesburg et Prétoria. La cavalerie
de French a été massacrée et on assure que
le général French a été tué, car on n'en en
tend plus parler.
L'armée du général Koberts souffre beau
coup de toutes sortes de privations. Cinquante-
deux wagons de provisions ont été détruits
ainsi que tous les uniformes militaires, sou
liers, etc., pour une valeur de cent mille livres
sterling.
En outre, je vous l'ai dit, ils sont cernés
datas Pretoria où les Koers en partant n'ont
rien laissé.
Les soldats soufflent beaucoup ils sont lit
téralement en baillons. Plus de linge ni de
souliers el cepeudaui ici c'est l'hiver.
De pius les communications sont très diffi
ciles chemins de fer et ponis oui été détruits.
Ali Koberts croyait que c'était fini je
crois, moi, que c'est le contraire et que nous
allons assister un second Ladvsmith.
L'Angleterre aussi croyait que ce serait
chose facile que nous vaincre, mais il faudra
qu'on nous ait exterminé tous avant d'avoir le
TransvaaI nous nous ballrons jusqu'à la fin
et la dernière cartouche.
L'Angleterre ferait bien mieux de faire la
paix, car cela n'est-il pas honteux pour eux
de nous faire depuis 10 mois la guerre avec
200,000 hommes, et de n'ayoïr encore rien pu
faire de bon el encore de se laisser prendre au
piège, comme Prétoria
A ce sujet, j'ai eu l'occasion de parler des
prisonniers anglais, et ils m'ont dit que le gé
néral Koberts avait promis son armé.: qu'a
près Prétoria la guerre serait finie.
Et voilà que maintenant, il faut recommen
cer. Pauvres soldats Je vous assure qu'ils
so.i&jçuv-mèmes dégoûtés de se battre
Ils sont épuisés par les privations et les
marches, et je crois que leurs tentatives n'a
boutiront qu'à des perles.
Parlons maintenant de cette race barbare,
comme nous appellent les Anglais.
Voici 26 ans que j'habite le TransvaaI. Je
l'ai parcouru tout entier. J'ai apprécié les
Boers et je vous déclare que je n'ai jamais ren
contré peuple aussi hospitalier, aussi bon et
aussi courageux.
Et l'Angleterre qui voudrait nous conquérir
en même temps que votre pays, nous trouve
tous les défauts qu'elle s'occupe donc de ses
colonies où l'on crève de faim et qu'elle se
dise bien que quant ses visions ambitieuses
en ce qui concerne le TransvaaI elle ne les
réalisera que quand il n'y aura plus un seul
Boer.
Mais par la volonté du peuple ils ne nous
chasseront pas des mines et de nos maisons
comme ils ont fait Kimberley. Nous main
tiendrons notre indépendance.
Si vous voyiez ces pauvres fermiers, des
hommes de 60 70 ans, aux cheveux blanchis,
se battre comme des jeunes gens de 20 ans, et
côté de petits garçons de 10 12 ans Cela
fait peine voir.
Maintenant que nous sommes en plein hiver,
ils sont vêtus comme ils le peuvent, de mau
vais vêtements et chaussés de souliers qu'heu
reusement ils ont pu faire eux-mêmes.
Toujours leur poste, jamais ils ne murmu
rent, calmes, comme lorsqu'en temps de paix
ils se livrent aux travaux de leur ferme: Voilà
les Boers, braves, des héros
«>j pense, M. le Rédacteur, que vous trou
verez insérer ces quelques lignes et je vous
envoie mes sincères salutations
Un Burgher du TransvaaI.
S
Une révolution dans la grammaire
française On a osé toucher l'arche
sainte, aux préceptes du système or
thographique consacré par l'Université
de Paras en 1810 et placé par elle sur
des bases qu'on croyait inébranlables.
Il a été décrété que désormais on aura
le droit de violer les règles de la gram
maire.
La grammaire qui sait régenter jusqu'aux Rois,
Et les fait la main haute obéir ses lois,
comme dit Martiue, dans les Femmes
Savantes de Molière. On a abattu ces
deux tyrans fameux, Noël et (Jhapsal,
vrai Pisistrates dans la langue françai
se, qu'un réformateur audacieux, bien
que membre de l'Académie, qualifiait
de "malfaiteurs». Un décret publié
dans le Journal Officiel octroie une am
nistie anticipée pour tous les délits de
lèse syntaxe commis par ceux qui vont
l'école ou qui y ont déjà été.
Les lois oe la grammaire française
sont tellement tyranmques que les
anarchistes même les observent. C'est
pourquoi le ministre Georges Leygues
a dû déployer une grande audace et
une grande force de volonté pour les
rendre moins sévères. Donc en suite du
rapport du Conseil supérieur de l'in
struction publique, le ministre a per
mis une certaine tolérance dans l'ap
plication de plusieurs règles assez
compliquées de la syntaxe et de l'or
thographe.
Oe décret eut été hautement approu
vé par Francisque Sarcey qui revendi
quait continuellement le droit l'er
reur d'orthographe Il est de fait que
les règles compliquées de la grammaire
française troublent parfois la tête aux
personnes instruites et les mettent sou
vent dans le doute. Ces règles ne sont
pas toutes abolies, mais en partie sim
plifiées, en permettant ceux qui écri
vent, d'appliquer les anciennes pres
criptions ou une forme nouvelle, pour
vu qu'elles n'altèrent point le sens de
la phrase.
Passons rapidement en revue les cas
grammaticaux visés par le coup d'Etat
du miristre de l'instruction. Cn pourra
dé**mais écrire au choix Je vous
prends tous témoinou témoins. Le
singulier et le pluriel seront tolérés
dans les constructions dans lesquelles
le sens permet de comprendre le sub
stantif de complément. On écrira donc:
des habits de femme ou des habits de fem
mes ils ont ôté leur chapeau ou leurs
chapeaux.
La terrible question des substantifs
qui sont masculins ou féminins suivant
qu'ils sont au singulier ou au pluriel a
été simplement supprimée. On pourra
écrire les grands orgues ou les grandes
orgues les vieilles gens sont soupçonneux
ou soupçonneuses un bel hymne ou
une belle hymne Pâques prochain
ou prochaines
Les noms composés auront les mar
ques du pluriel comme les mots sim
ples. Dans certains cas, on pourra mê
me supprimer le trait-d'union. L'article
sera libre on dira donc de bon pain
ou du bon pain. Nu, demi, feu prendront
l'accord ou non. Une dame aura Vair
doux ou l'air douce indistinctement.
Vingtcentmille seront invariables si
l'on veut. Tout aucunmême, chaque, ne
seront plus des instruments de torture;
ils s'accorderont ou non selon la vo
lonté de celui qui écrit.
Les participes, ces fameux partici
pes, dont un personnage de Labiche
disait On ne sait jamais si ces coquins
s'accordent ou non
S'ils accompagnent l'auxiliaire êtreils
continuent s'accorder comme quali
ficatifs avec l'auxiliaire avoir et
c'est le cas hérissé de difficultés ils
restent invariables. Invariables aussi
les participes passés des verbes réflé
chis Elles se sont tules compliments que
nous nous sommes fait
C'est donc une révolution? Vraiment
non c'est plutôt la suppression de
certaines règles difficiles appliquer,
on mieux encore un peu d'anarchie
dans la grammaire, puisque chacun
écrira suivant ses goûts propres. On
retourne un peu la maxime des vieux
grammairiens qui laissaient l'usage
le soin de fixer les réglas du discours.
Les traités destinés l'enseignement
de la langue seront simplifiés les rè
gles qui souffrent tant d'exceptions se
ront bannies; la syntaxe sera un peu
plus logique parce que l'orthographe
n'aura plus ces complications qui ty-
rinnissaient les cerveaux des jeunes
écoliers.
Figurez-vous qu'uu grammairien
français avait trouvé cette belle règle
Il faut écrire groseille, au singulier
dans 1 expression sirop parce que ré
duites en sirop, les groseilles ont perdu
leur forme mais il faut écrire groseil
les au pluriel, dans l'expression Confi
ture de groseilles de Barparce que dans
cette confiture les groseilles restent en
tières.
De semblables puérilités disparais
sent, l'orthographe cessera d'être une
superstition, la grammaire fera amen
de honorable et se dépouillera de'ces
ornements bizarres et ridicules dont
elle était chargée.
L Académie avait essayé de mettre
un peu d'ordre et de simplicité dans
les prétendues règles d'orthographe.
Mais les Immortels vont pas lents
dans les nouveautés et ils laissent sub
sister dans leur fameux dictionnaire,
toujours en retard, les plus étranges
anomalies, par exemple Millionième
et Millionnaire, l'un s'écrit avec un n,
1 autre avec deux dixième avec un x et
dizaine avec un»; imbécile et imbécillité
siffier et persifler abatage et abatteur.
etc.