Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement
LA LÉGENDE DE ST-YVES
Dimanche, 16 Juin 1901.
61e année.X° -i.
i* a t'ai suant le Dimanche,
Vires acqcirit eundo.
Notre situation financière
Patron des A vocals et des
Huissiers.
Emploi des Deniers de l'Etat
pour l'Enseignement soi-disant agricole
primaire et secondaire.
L UNIOS FAIT LA FORCE.
PRIX DE'L'ABONNEMENT
pour la ville Par an 4 francs.
pr la province Par an 4 fr. 50
Sous ce titre, la Gazette de Louvain
chante les louanges du ministère cléri
cal et vante l'incomparable génie finan
cier qui préside la gestion de notre
Trésor.
Depuis cinq ans, nous nageons dans
une enviable opulence, qu'accusent,
chaque budget, de fastueux bonis
Oyez, lecteurs L'exposé général de
la situation du Trésor vient de paraî
tre Et ce bilan est un panégyrique
A chaque page ruissellent des millions!
C'est, pour 1898, un boni de fr. lî, 100,949-55
pour 1899. un boni de fr f,573,267-77
pour 1900, un boni probable de 12,021,571-94
Total pour trois années fr. 41,695,788-26
Quarante et un millions et demi
Quelle admirable et magnifique situa
tion
Malheureusement pour nous, la Ga
zette de Louvain n'a lu que le recto de la
page.
Et son empressement exalter le
gouvernement cher son cœur l'a em
pêché de compléter ses renseigne
ments.
Ce qui est vrai, c'est que, grâce des
accroissements de recettes procurés par
le développement de la richesse publi
que et par la majoration des impôts in
directs (rien que vingt millions sur
l'alcool seul, s'il vous plaît), nos bud
gets ordinaires présentent de notables
excédents.
Mais comme ils sont absorbés, ces
suppléments de ressources, par le défi
cit sans cesse grandissant des budgets
extraordinaires
Voilà ce que la Gazette de Louvain n'a
pas vu ou n'a pas voulu voir.
En 1X98, l'excédent des dépenses
est de' fr. 25,739,916-76
En 1899, il est de fr. 104,771,735-47
En 1900, il sera probablement de 46,427,663-21
Tolal 176,939,315-44
Et le boni sur l'ordinaire étant
de fr. 41,695,788-26
Nous voilà devant un déficit
véritable de fr. 138,243,527-18
Cent trente-cinq millions de dettes,
en trois ans, rien que cela
Feuilleton du Progrès d'Ypres
du 16 Juin 1901.
D'où peut bien venir que Saint-Yves
ait été choisi pour patron même si
platonique par ces deux corpora
tions? L'explication est difficile trou
ver, car le bon saint n'était point
gratte-papier que je sache, et, de son
temps, heureux temps, les huis
siers n'existaient pas encore.
Je crois bien qu'ici les chercheurs y
perdraient leur latin aussi ne m'es-
soufflerai-je pas chercher des hypo
thèses plus ou moins plausibles. Je ré
péterai simplement que je l'ignore et
j'ajouterai, qu'en bonne logique, les
huissiers, honms de tous, dans ce mon
de et dans l'autre, ne devraient pas
avoir de patron, pour la bonne raison
qu'ils n'ont pas besoin d'être représen
tés et défendus devant Dieu, puisque le
paradis leur est fermé, que pas un
d'entre eux n'y entrera jamais.
Voici, en effet, la jolie légende qui
m'a été contée. Vous n'ignorez pas que,
de tous temps, les avocats ont été con
signés la porte du ciel. Est-ce pour
an-
On s'abonne au bureau du journai, rue de Dixmude, 53, Ypres. Les
nonces, les faits divers et les réclames sont reçus pour l'arrondissement d'Ypres,
les deux Flandres, le restant de la Belgique et de l'Etranger, au bureau du
journal Le Progrès ON TRAITE A FORFAIT
Voilà ce que la Gazette de Louvain eût
bien fait de lire et de dire
Ce qu'elle eût bien fait de dire aussi,
c'est l'accroissement inconsidéré, effré
né, inquiétant, de notre dette publi
que.
Rien qu'en 1890, notre dette consoli
dée s'est augmentée, par de successi
ves émissions de titres trois pour cent,
de plus de cinquante millions de francs
(50,031,100 fr.)
Et elle est aujourd'hui de deux mil
liards six cent cinquante millions de francs,
côté d'une dette flottante de cinquan
te-sept millions.
Total deux milliards 708 millions
Soit un intérêt annuel de 81 millions!
81 millions de prélèvements annuels,
sur une recette normale de quatre cent
quatre-vingt millions, soit le cinquiè
me de nos ressources absorbé par le
service de notre dette
Voilà la situation vraie
La conséquence est que nos bonis
annuels du service ordinaire ne suffi
sent plus payer l'accroissement des
intérêts de nos dettes et que c'est la
banqueroute que nous marchons.
Ce n'est pas nous qui le disons, c'est
M. Woeste, le chef de la droite, en une
heure de sincérité et de dépit.
C'était, il y a quelques jours, la
Chambre des représentants le pape
laïc du parti clérical, s'élevant contre
les nouvelles dépenses projetées pour
la construction du métropolitain, s'ex
primait en ces termes significatifs
Nous risquons de voir notre situation
financière ébranlée la fin de Vexercice
courant. N'augmentons pas notre dette,
déjà si colossale. (Compte-rendu
analytique, page 449.)
Qu'en pense la Gazette de Louvain et
ne lui conviendrait-il pas de mettre
une sourdine ses enthousiastes clai-
ronnements
En regard de ses appréciations di
thyrambiques, plaçons ces lignes, com
bien plus vraies et plus tristement con
formes notre situation réelle, du
Journal de Liège
La situation des finances de l'Etat
devient de plus en plus mauvaise et le
gouffre du déficit se creuse rapidement.
Les importations diminuent dans
leur faire expier les incessants menson
ges de leurs plaidoiries ou parce que
cés insatiables bavards troubleraient le
recueillement et la paix des élus Peu
importe ce qui intéresse seulement,
c'est que, devant eux, l'huis demeure
clos.
Mais Saint Pierre n'est plus jeune et,
son âge, la vue s'affaiblit. Il arriva
qu'un beau matin un robin se présenta
lui avec le livret militaire d'un brave
homme, un journaliste évidemment
et comme sur cette pièce d'identité
tous les signalements sont aussi précis
que semblables: «...yeux moyens,
nez moyen, bouche moyenue... il y
eut bel et bien erreur sur la person
ne et notre homme fut admis.
Vous croyez peut-être que ce cher
maître, une fois dans la place, eut la
prudence de se tenir coi, atiu de se
faire oublier C'est que vous CO' nais
sez mal ces messieurs du barreau. Il
était resté muet devant Saint-Pierre
pendant quelques minutes peine
c'était trop, et la langue lui déman
geait si fort, qu'il commença, sitôt en
tré, plaider tort et travers.
A ce tapage inaccoutumé, les pas-
sauts s'attroupèrent et bientôt l'avocat
fut reconnu par des innocents qu'il
avait, force de talent, fait condamner
et par une veuve qu'il avait ruinée eu
plaidant la cause d'un fripon. Du coup,
les mêmes proportions que les expor
tations, les recettes douanières ne ces-
ocut de s avilir. Et d'après les évalua
tions des moins pessimistes, la fin de
l'année, elles seront de six sept mil
lions moins élevées que l'an dernier.
Les recettes des chemins de fer di
minuent également, les transports in
dustriels ayant perdu la meilleure par
tie de leur extension ces derniers mois.
Il manquera donc un joli lot de
millions en Décembre prochain pour
équilibrer dépenses et recettes.
Oui, il manquera des millions pour
parfaire l'équilibre budgétaire de 1901.
Cela n'est un secret pour personne, et
le ministre des finances lui-même a dû
en faire l'aveu.
Tant va la cruche l'eau qu'à la fin
elle se casse
Extrait du discours prononcé par
M. Crombez eu séance de la Chambre
du 30 Mai dernier
Article 21 du budget. Frais des conférences
agricoles et horticoles, etc., 341,000 francs.
Pour me rendre compte comment sont em
ployés ces crédits et étant donnée la façon dont
ces budgets sont établis, de manière que les
membres de la législature ne puissent s'y re
connaître, je me suis rendu la cour des
comptes et voici ce que j'ai trouvé Pour les
subsides l'enseignement agricole primaire
et secondaire: en 1900, une somme de 95,550
francs et en 1901, une somme de 96,300
francs. Du reste, je vais vous donner la liste
progressive des subsides que j'ai pris dans les
livres de h cour des comptes
Année 1891, 30.000 francs environ.
1892, 52,000
1893, 53,300 -
1894, 57,000
1895, 67,050
1896, 73,050
1897, 67,200
1898, 75.550
1899, 91,050
1900, 95,550 par arrêté royal
du 20 Février 1900.
Année 1901, 96,300 francs par arrêté royal.
Je vous ferai remarquer en outre que des
subsides complémentaires de l'impoi t de 1,980
francs ont été accordés en 1900.
Je vais maintenant vous donner lecture de
l'arrêté royal du 20 Février 1900 accordant
des subsides
le scandale fut énorme. Ce ne furent
que clameurs et protestations indi
gnées. Ou courut chercher Saint-Pierre
et l'homme, démasqué, l'erreur recon
nue, on somma l'intrus de quitter sur-
le-champ un séjour absolument inter
dit aux avocats. Mais c'était bien, cette
fois, l'occasion de chicaner et il se fut
bien gardé d'y manquer.
Messieurs, s'écria-t-il avec un
beau geste, s'il est un endroit où la loi
doit être respectée, c'est évidemment
dans le sanctuaire de la justice or,
d'après la loi, un propriétaire ne peut
expulser un locataire sans lui envoyer
une sommation par huissier. J'attends
donc ma sommation tout en faisant des
réserves.
Soit qu'il fut ébranlé par ce raison
nement ou qu'il voulut éviter une dis
cussion avec un personnage aussi lo
quace, Saint-Pierre commanda d'aller
chercher l'huissiercommandé afin qu'il
fit la sommation. Mais les envoyés re
vinrent bredouilles, après de longues
investigations.
Eh bien dit Saiut-Pierre. et cet
huissier
Impossible d'en trouver un, bon
Saint-Pierre. Il n'y en a pas au paradis.
C'est, ma foi vrai je n'y pen
sais plus, répliqua le saint portier. Il
n'en est jamais entré un seul ici com
ment faire pour ne pas violer la loi
ANNONCES
Annonces 15 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne.
Ministère
(le
l'agriculture.
Agriculture LÉOPOLO H, Roi des Belges,
n° 5000. A tous présentsetà venir, Salut,
Vu la loi sur l'enseignement agricole
Sur la proposition de Notre ministre de
l'agriculture,
Nous avons arrêté et arrêtons
Art. fr. Les subsides ci-après, imputables
sur l'article 21 du budget du département de
l'agriculture, pour l'exercice courant, sont al
loués aux directeurs ou directrices des établis
sements d'enseignement désignés ci-dessous,
titre de part d'intervention de l'Etat, dans les
dépenses de 1900, pour des sections agricoles
ou horticoles y annexées
MM. Jadoul, directeur du collège Saint-Louis
Waremme fr. 2,750
Serrans, directeur de l'institut Notre-
Dame de Deinsbeke Sottegliem 2,000
Demolder, directeur de l'école d'agricul
ture de Nieuport 2,000
Vous pourriez croire qu'il s'agit d'un institut
agricole, pas du tout c'est une école de prê
tres et le cours est donné par le révérend M.
Iserbit du collège épiscopal de Bruges...
M. van uer Bkuggen, ministre de l'agricul
ture. Et ingénieur agricole.
M. Crombez. Toutes les faveurs sont poul
ies Louvanistes.
M. Tournay. Il n'y a que les ingénieurs
qui sortent des écoles catholiques qui sont,
paraît-il, capables de remplir ces fonctions
il n'y a plus rien pour les libéraux tout est
pour les catholiques
M. De Bruyn. Faites des écoles libérales,
mais agricoles, et l'on vous subsidiera
mais, vous n'avez garde d'en proposer aucuneî
M. Crombez. Ce qu'il y a de plus joli,
c'est que dans le subside de 2,000 francs, le
Révérend Père louche 600 francs; je demande
M. ie ministre où-vont les quatorze autres
cents francs
M. Tournay. La caisse du ban combat.
M. Crombez. M. Lootens, directeur de
l'institut agricole de Avelghem fr. 2,000
M. Tack. Il rend beaucoup de seivices
M. Crombez Je continue:
MM De Beert, directeur de l'école agricole de
Thielt fr. 2,000
Spitaels, directeur de l'école moyenne
d'agriculture de Orammont 2,000
Gravis, directeur de l'école d'agriculture
de Cliimay 3,000
Lindeman, directeur de l'institut Linde-
man, Opwyek 1,000
Nicolas, directeur du collège Notre-Dame
de Belle-Vue, Dînant 3,100
Jacques, président du comité de l'école
professionnelle agricole de Floren-
ville soO
Et il s'en alla en réfléchissant, pen
dant que l'avocat s'écriait, victorieux
J attendrai longtemps ma somma
tion. L'huissier qui doit me l'apporter
n'est pas encore de ce monde.
Cependant l'indignation des assis
tants ne s était point calmée les inno
cents et la veuve protestaient encore et
quelques saints, choqués de ce vacar
me et désolés de la mine confuse de
Saint-Pierre, lui conseillèrent d'en fi
nir eu faisant entrer au ciel un huissier
qui expulserait l'avocat.
J y avais déjà pensé, répondit le
brave homme, mais, voyez-vou3, le re
mède serait pire que le mal, car il n'est
pas certain que 1 un nous débarrasse
rait de 1 autre. oos ne connaissez pas
les avocats le nôtre trouverait le
moyen de discuter sur la validité de la
sommation il nous abrutirait de dis
cours filandreux et obscurs, nous éga
rerait dans le maquis de la procédure
et,finalement, ne partirait pas du tout.
De sorte que je me trouverais avec un
avocat et. un huissier sur les bras. C'est
déjà trop du premier, mais,tout comp-
te lait, j aime encore mieux celui-ci
que cet autre.
Et voilà comment il y a un avocat et
pas d huissier au pava ils, où pourront
donc se risquer les gens qui ne paient
pas leurs dettes.
Georges ROCHER.