Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement Dimanche, 25 Juin 1901. 61e année. iN° 25. m L'instruction obligatoire. L'Instruction en Europe. Où va l'argent. découverl Le pot aux roses Les Ordres religieux eu Belgique. Leurs petites affaires. l union fait la force. Paraissant ie MHmanche. Vires acqurit eindo. PRIX DE L'ABONNEMENT: pour la ville Par an 4 francs. pr la province Par an 4 fr. 50 En Belgique, il y a officiellement 175 mille enfanta qui n'ont jamais fréquen té une école. Mais combien y en a-t-il encore dont l'instruction scolaire n'est qu'un leurre? On peut estimer plus de 200 mille les enfants qui ne fréquen tent pas l'école où ils sont inscrits ou qui la fréquentent si irrégulièrement qu'ils ne peuvent rien y apprendre. Que vaut le citoyen qui sait signer son nom et épeier "une affiche Il ne passe pas pour illettré et cependant il ne vaut guère mieux. Parmi les plus rebelles l'interven tionnisme, beaucoup admettent l'in struction obligatoire; il s'agit, en effet, do protéger les enfants contre l'incurie coupa ble de leurs pareuts. En vain dira-t-on que les parents qui refusent d'envoyer leurs enfants l'école sont des majeurs et que s'ils veulent que leurs enfants restent igno rants, c'est leur droit. Oe serait dépla cer la question. Nul ne critique les nombreuses dis positions du code civil qui ont pour objet de sauvegarder les droits des mi neurs. Il est juste, il est nécessaire que la loi protège ceux qu'elle déclare elle- même incapables d'agir. Or,il est incontestable que l'enfant a droit l'instruction, qu'il a droit ce que l'on a très justement appelé le pain de l'âme. Tout père qui n'envoie pas ses enfants l'école, alors que, s'il est pauvre, on n'exige de lui aucun sacrifice pécuniaire pour remplir son devoir, ce père-là est indigne de l'au torité qu'il exerce et l'on, ne petit lui permettre <le ±ïiir*e <le ses enfants des victimes. L'obligation ne saurait jamais pas ser pour abusive du moment que le libre choix de l'école est laissé aux parents qu'il faut contraindre se souvenir de leur mission Ou peut dire que les enfants qui ne vont pas l'école sont des enfants mo ralement abandonnés, et nous n'en sommes plus au droit romain qui fai sait du père de famille, fût-il borné et cruel, une sorte d'imperator du foyer, ayant le droit de vie et de mort sur sa progéniture. Il est évident que l'enfant abandonné lui-même au point qu'on néglige de l'envoyer l'école risque de devenir un mauvais sujet, peut-être un criminel car il est impossible que des parents, qui n'apprécient même les bienfaits de l'instruction,puissent inculquer leurs enfants des notions de morale. Dans ces conditions, que peut-on at tendre des 175 mille enfants qui, 1 heure qu'il est, ne fréquentent aucune espèce d'école en Belgique Qui a le droit de punir, disait Ma- caulay, a le droit d'instruire». On ne saurait définir plus exactement les obligations de la société en cette ma tière. Lorsqu'un criminel illettré com paraît devant ses tribunaux, quand il est établi que l'accusé, victime de la barbarie paternelle, n'a jamais fré quenté l'école, la société devrait se frapper la poitrine et convenir que le crime qu'on lui demande de venger est en grande partie son œuvre. Nous trouvons dans le Journal des In stituteurs un long et fort intéressant ar ticle au sujet de l'instruction dan3 les différents pays d'Europe. Nous en fai sons un petit résumé pour nos lecteurs afin qu'ils voient par eux-mêmes com nonces les journal Le Progrès ON TRAITE A FORFAIT. ANNONCES Annonces 15 centimes la ligne. Réclames 25 Annonces judiciaires 1 fr. la ligne. bien la noble cause de l'instruction est négligée chez nous. ^Angleterre. Par des lois votées eu 1870 et en 1876 l'instruction y est ren due obligatoire de 5 14 ans l'enfant y fréquente donc pendant 9 ans l'ecole. Autriche. L'instruction y est obliga toire depuis 1869 pour tous les entants de 6 14 ans. Bavière. L'instruction y est obliga toire de 6 13 ans après cet âge, les enfants doivent suivre des cours du soir jusque 10 ans tous les dimauches et jours de fête et trois fois par semai ne en hiver. Danemark Par des lois votées en 1855 et en 1856, l'instruction y est obli gatoire de 7 15 ans si l'enfant e>t j ugé suffisamment instruit partir de 13 ans, il peut quitter l'école mais pas avant. Ecosse. Un décret de 1872 y rend l'in struction obligatoire de 5 13 ans. Espagne. Le gouvernement libéral de 1821 y décréta l'instruction obligatoi re cette loi ne fut jamais appliquée, mais une nouvelle loi votée en 1857 y rend l'instruction obligatoire de 6 9 ans France. L'instruction y est gratuite et obligatoire depuis 1882 pour tous les eufants de 6 13 ans. HongrieL'instruction obligatoire y existe depuis Joseph 11 par une loi votée en 1868, tous les enfants doivent y fréquenter l'ecole du jour de 6 13 ans et l'école du soir de 13 15 ans. Italie. L'instruction y est obligatoire depuis 1877 pour tous les enfants de 6 9 ans ceux qui 9 ans ne possèdent pas une instruction suffisante doivent continuer j nsque 10, 11 ou 12 aus. Norrcège. Tous les enfants doivent al ler l'école de 8 15 ans l'instruction y est gratuite. Hollande. Depuis le lr Janvier 1901 l'instruction y est obligatoire pour tous les enfants de 6 13 ans. Prusse. L'instruction y est obliga toire de par la Constitution pour tous les enfants de 6 14 ans. Roumanie. L'instruction y est libre, gratuite dans toutes les écolesdel Etat; tous les enfants doivent depuis 1893 fréquenter l'école de 7 14 ans.. Russie Un projet d'instruction gra tuite et obligatoire y est déposé depuis quelques mois. Saxe. Instruction obligatoire jusque 14 ans après cela trois années ci école du soir et du dimanche. Suède. Instruction obligatoire et gra tuite pour tous les enfants de 7 14 ans. Suisse Instruction obligatoire dans tous les cantons dans certains cantons l'instruction y est même obligatoire pour les adultes. Wurtemberg. Depuis 164!) 1 instruc tion y est obligatoire de 7 14 ans si 14 ans l'enfant est jugé trop peu in struit on le retient encore l'école pendant une, deux ou trois années. La Belgique est donc le dernier pays d'Europe, peut-on dire, où l'instruc tion n'est pas obligatoire et où les des tinées de la patrie sont remises en des mains d'incapables car 25 pour cent des électeurs sont illettrés. Le gouvernement clérical que nous subissons, non seulement s'oppose de toutes ses forces l'introduction dans nos lois de l'instruction obligatoire, mai3 il travaille avec ardeur la des truction des écoles encore existantes. a Nous savons aujourd hui, par de suggestives révélations, où s en vont les sommes énormes dont, sous pré texte de favoriser l'agriculture, notre clérical Gouvernement a augmenté ses budgets. M. Crombez s'est donné la peine de rechercher la cour des comptes l'em ploi fait par le ministère des subsides destinés favoriser l'enseignement agricole. Et ses investigations ont abouti cette découverte que nonante-cinq mille francs ont été distribués des couvents, des institutions cotigréga- nistes, des œuvres d'enseignement clérical qui n'ont avec l'agriculture que de problématiques rapports. Ce qui est plus fort, c'est que les ar rêtés royaux portant collation de ces subsides n'ont pas été publiés dans le Moniteur Belgequ'on les a soigneuse ment celés pour ne pas éveiller les cri tiques de l'opinion, que le Gouverne ment a eu honte de faire connaître aux Chambres et au public les prodigalités que lui arrachait le clergé. Ce n'est plti3 seulement du gaspilla ge, c'est de l'illégalité, c'est la viola tion de toutes les règles du régime par lementaire. Dans la longue nomenclature dres sée par M. Crombez, il y a des choses vraiment abracadabrantes. Nous y ap prenons, notamment, que le Collège de Belle Vue de Dînant et le Collège des Joséphites de Louvain, que tout le monde considérait comme des établis sements d'enseignement moyeu, émar gent au budget de l'Agriculture, en compaguie de nombre de petits sémi naires et de collèges épiscopaux. Voici la partie la plus intéressante de la liste Collège S1 Louis, Waremme fr. 2,730-00 Institut Notre Dame, de Sotteghem 2,000-00 Ecole sacerdotale de Nieuport 2.000-00 Collège de Belle Vue, Dînant 3,000-00 Institut Sl-.loseph, La Louvière 3,000-00 Institut S'-Joseph, V'irton 7,000-00 Collège de la Trinité, Louvain 2,000-00 Institut S'-Josepli, Dolhain 730-00 Collège Notre Dame, a Tongres 750-0 0 Institut S'-Martin, Alosl 730-00 Collège S1 Vincent, Soignies 1,000-00 lnst.de l'abbé Temmerman, Héverlé 4,000-00 Voilà doue où vont les fonds votés par les Chambres dans un grand inté rêt public Us servent alimenter les caisses congréganistes et diocésaines ils défrayent le budget électoral du parti catholique Le parti libéral et le pays tout en tier se sont soulevés, en 1857, contre 1 idée d accorder la personnification ci vile aux couvents. Nous avons fait du chemin depuis lors non seulement les couvents vivent et se multiplient, mais c'est l'or de l'Etat, l'argent, des contribuables qui les fait vivre Quand donc ce nouveau scandale, qui vient se greffer sur tant d'autres, prendra-t-il fin Les événements qui se passent dans les pays voisins appellent l'attention sur les communautés religieuses de notre pays. Avant la révolution de 1830, elles ne jouissaient point de la liberté absolue que leur octroya la Constitution de 1831. Les communau tés contemplatives étaient tolérées seulement jusqu'à leur extinction. Quant aux communautés hospitalières et enseignantes, elles devaient se pour voir de l'autorisation royale. Aussi est-il curieux de voir comme les communautés se sont développées depuis qu'on leur a accordé la liberté complète et comme elles en ont abusé en notre pays de cocagne et de clérica lisme. En 1827, il y avait 101 communautés hospitalières de femmes, 96 enseignan tes et 35 coutt-iiiSlatives. Aujourd'hui, il existe en Belgique, 1,516 communautés de femmes, dont 240 exclusivement hospitalières, 780 exclusivement enseignantes, 81 exclu sivement vouées la vie contemplati ve, 222 hospitalières et enseignantes, 42 hospitalières et vouées la vie con templative, soit un ensemble de 25,323 religieuses. A la même époque, notre pays no comptait que 9 communautés hospita lières d'hommes, 8 enseignantes et 16 contemplatives Aujourd'hui, le total s'élève 414, avec un ensemble de 4,775 religieux 22 exclusivement hospitalières, 81 ex clusivement enseignantes, 73 vouées la vie contemplative ou au saint minis tère, 15 hospitalières et enseignantes, 6 hospitalières et vouées la vie con templative ou au saint ministère, enfin 6 hospitalières enseignantes et vouées la vie contemplative ou au saint minis tère. Le total des religieux et religieuses atteint le chiffre de 30,008, dont 5,513 étrangers. Oe nombre de 5.513 étrangers qui aident les Belges drainer l'argent de notre pays est déjà très joli qu'on juge de combien il va s'accroître, dès que nos heureuses frontières se seront peuplées des hôtes de tous les couvents qui s'exilent de France Dans l'enquête officielle sur la for tune des congrégations, que publie (en France) le Ministère des Fiuances, on trouve un relevé bien curieux des pa tentes auxquelles sont soumis les bons Pères et les bonnes Sœurs. Ou compte 600 congrégations qui fabriquent ou vendent des articles de lingerie, cou ture, confection 503 qui tiennent des hôtels garnis, des pensions, des maisons de retraite', des chambres et appartements meu blés, des auberges 300 qui tiennent des pharmacies, herboristeries, drogueries 40 qui exploitent des blanchisseries 54 qui exploitent des moulins vent 12 en moyenne qui ont des impri meries des entreprises de bains pu blics des fabriques de pains ca cheter et chanter des boutiques de chasubles 10 enfin qui ont des fabriques et une vente d'alcool ou de liqueurs al cooliques (Chartreuse, Trappistine...). D autres font le commerce sous des vocables commerciaux bizarres B Marchands forains u Bazar d'articles de ménage et de bimbeloterie Marchands de cochons Fabricants et marchands de fro mages Marchands de balais en gros Souliers sur commande Fabricants de verre de montre et de lunettes Marchands de lorgnettes», enfin, inévitablement. En tout, 5,660 maisons congréganis tes soumises la patente Auxquelles il faut ajouter 3,850 con grégations enseignantes qui tiennent des collèges et des écoles diverses. 9,510 maisons d affaires Et voilà comme le royaume de Dieu n est pas de ce monde.

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Le Progrès (1841-1914) | 1901 | | pagina 1