René.
Maurice.
Etrennes Royales.
Les Imprécations n de Maurice.
Colaert. Passe eucore pour le rou
ge de colère, petite pointe que Jules
me lanceparoe que je suis aussi nerveux
que lui, depuis que la question du gaz
est l'ordre du jour mais au moins
Jules aurait du avoir le tact de ne pas
lier le mot salade l'Intercommunale
De Broutcer. - Mais, mou cher
Bourgmestre, ce n'est pas si mal trou
vé, avouez que votre Conseil a lait de
mes projets d'Intercommunale une
fameuse salade
Colaert. Soit, mon cher, nous sa
vons bien cela et noua pouvons eu rire
entre nou8,mais qui vous dit qu'uu ma
ladroit Florimond on Lemalneu, tiers
d'avoir assistés àun Banquetpchutteux,
ne vont pas circuler de cabaret en ca
baret avec leur menu et répéter nos
commentaires Jugez de l'effet sur le
public Jules, je le répète, la érité,
c'est comme la jolie femme, cela doit
être voilé
Mais, pif, paf, pan, les bouchons
sautent, voilà le Champagne gazeux
qui mousse et trépiI le
On fait circuler la superbe pièce
montée représentant un immense gazo
mètre surmontée d'une Pucelle dé
ployant sur une large banderole
Bruges éclairant le mon
de
M. Colaert se lève et d'une voix vi
brante et émue, prononce le magistral
discours que voici
Messieurs, je bois la famille De
Broutcer de Bruges (Applaudissements
frénétiques et prolongésVive Bru
ges Vive Bruges A bas les Yprois
Euthou8ia«me indescriptible, Vandé-'
voorde danse debout sur sa chaise)
Je bois M le Doyen
A M. De Brouwer, le Roi des gaziers 1
A Maurice, notre futur concitoyen
(Nouveaux applaudissements, tout le
monde va trinquer avec les héros).
J'ai tenu réunir pour cette fête
de l'apothéose du Gaz de Bruges et
en présence des bénéficiaires, tous ces
Messiears les membres de la Commis
sion de l'éclairage, Messieurs les Con
seillers communaux, tous ceux enfin
qui, directement ou indirectement, ont
apporté une pierre au superbe édifice
de l'éclairage que nous avons édifié la
borieusement et dignement A vous
surtout, Messieurs, les membres et
rapporteur de la Commission, qui avez
mis vos connaissances et votre génie
notre disposition je vous dirai fran
chement que vous vous êtes surpassés,
non, je n'en attendais pas autant de
vous, et comme j'ai eu le plaisir de
vous le dire en Commission, vous avez
édifié un monument la science Grâce
au zèle et l'habileté de notre rappor
teur, votre oeuvre survivra elle sera
mise l'impression et livrée, quand
nous aurons le temps, la publicité.
A vous, Messieurs, les membres du
Conseil, merci de m'avoir suivi dans
les chemins tortueux que j'ai dû par
courir pour atteiudre le but de mes
désirs. Jo ne pouvais rien moi seul,
merci de m'avoir secondé (Applau
dissements).
Maintenant, Messieurs, que l'avenir
est assuré, que nous avons définitive
ment, écarté M. Valcke et que nous
possédons ad titam alerngm l'émiuent
gazier De Brouwer, nous pouvons res
pirer l'aise et fêter notre triomphe,
car avouons que la tâche a été rude
nous avons eu des rencontres impré
vues et il a fallu toute notre énergie
pour en triompher.
Nous savions bien que M. Valcke
n'allait pas se laisser étrangler sans
crier, mais un cri libéral et surtout
venant d'un homme aussi paisible et
aussi modeste que lui, n'était pas pour
nous effrayer. Nous comptions fermer
les oreilles et la victime fatiguée, allait
finir par 8e taire
Mais voilà, oh malheur, que s'est
levé, non plus un homme, mais une
pleïade d'hommes notables et considé
rés, qui se sont constitués en Société
sous le nom de Groupe Yprois
Q iniques individualitésdu Groupe se
sont mises en avant pour les études et
les démarches faire, d'autres, le
grand nombre, se sont contentées d'ap
porter la Société leur appui mo'al et
leurs capitaux. Le fait est, que le Grou
pe était composé de l'élite des négo
ciants, industriel*, membres du Bar
reau, etc etc, de notre ville, choisis en
dehors do tout esprit de parti, et ayant
le but unique d'entreprendre une bon
ne affaire industrielle Ces Messieurs
s'étaient assurés le concours d'un Ingé
nieur, une des personnalités les plus
distinguées du monde gazier de Belgi
que, ce que par malice j'ai feint d igno
rer. Ceci vous dit assez, Messieurs, que
nous avions faire forte partie
Le Groupe Yprois fit donc vers fin
Novembre, des propositions magnifi
ques qui faisaient crouler pitoyable-
ment toutes celles de nos amis de
Bruges Quelle situation épouvanta
ble
Ces Messieurs voyant que nous re
poussions Valcke, faisaient des sacriti
ces pour conserver aux Yprois une
industrie qui était et avait toujours été
Y proise.
Leur geste était beau, je dois le re*
connaître, niais décidé ne pas laisser
m'échapper les amis De Brouwer, que
faire pour éconduire poliment ces in
trus Vous savez qu'en fait de malices
et de trucs, j'ai toujours les poches
pleines Eh bien, je leur ai dit, avec
un mieilleux sourire Ali11<- re
gret*» Messieurs, ali vrai
ment ipiel iloiiiiuaire, vous arri
vez trop tard, un peu trop tard
Maisces gaillards, peu naïfs et tena
ces ne m'ont pas cru et sont revenus
vingt fois la charge J'ai du me fâ
cher et finir par les traiter de ra
seurs». «paravents», flotteurs
malhonnêtes et autres fleurs de rhé
torique dont abonde mon éloquence.
J'ai fini, geste suprême, par les en
voyer au diable
Aux grands maux, les grands remè
des
Allons voyons, Messieurs, pouvais-
je lâcher mes amis De Brouwer, aux
quels j'avais passé ma parole Non,
non, tout le monde pleure.)
Le Groupe s'agite encore, il est vrai,
mais c'est en vain, j'ai bien pris mes
précautions, pour l'empêcher de me
nuire et après, gare, gare aux repré
sailles
Mais pourquoi, direz-vous cette té
nacité vous accrocher aux De Brou
wer Je pourrais vous répondre,
Messieurs, qu'en politique on ne doit
pas tout dire. Je veux bien pourtant
vous faire entrevoir quelques argu
ments décisifs.
Notre puissance électorale Ypres
est quasi assurée nous savons, par
expérience, que c'est ici une question
d'argent.
Quant l'arrondissement c'est antre
chose; j'avoue, puisque vous le savez
tous d'ailleurs, que mou étoile baisse
bigrement je dois donc absolument
soigner mon mandat législatif Or,
donner du gaz aux communes impor
tantes de mon arrondissement, c'est
assurément leur faire une faveur dont
je retirerai certes du bénéfice Que
m'importe que ce soit au détriment des
contribuables Yprois, puisqn'ici je n'ai
rien craindre L'élection de Février
dernier l'a prouvé.
Encore une raison, Messieurs, c'est
que nous supprimons la fois l'influen
ce électorale d'un Industriel libéral et
la remplaçons par l'influence d'un puis
sant Industriel de notre parti, non
seulement Y près, mais dans les diver
ses localités où il y aura des dépôts et
partant du personnel choisir évidem
ment parmi nos amis et connaissances.
Alors, mes amis, n'avez-vous pas lu,
avtc délices, la jolie série d'adminis
trateurs, commissaires, comptables
tous avec jolis honoraires Messieurs
DeBronwer trouveront facilement, j'en
suis sûr pafmi nos amis et connaissan
ces toujours, les titulaires ces lucra
tifs emplois
Charles Baus. Bravo Bravo
Bravo Bravo
Colaert. Oui je frémis encore l'i
dée que tout cela aurait pu nous échap
per. Oh quelle lutte homérique nous
avons eu soutenir Que d'obstacles
Tous les événements nous ont été dé
favorables
Eneff'et, moi qui voulais faire accroi
re au public qu'une question d'Eclaira
ge, cela devait se traiter dans l'ombre
et le myntère Et voilà qu'à nos por
tes, Roubaix, le fameux maire et dé
puté conservateur. M. Motte, fait offi
ciellement des visites l'édilité libérale
de Bruxelles, pour y étudier au grand
jour la question de l'Eclairage tous
les journaux relatent avec force détails
l'intéressante visite qu'il fait l'usine
modèle de notre capitale et, fatale
c< incidence, le député français y est
chaperonné dans sa visite par t'emi-
nent Ingénieur-Conseil du Groupe
Yprois
Quelle tuile pour moi qui voulais
vous faire accroire que le Groupe
Yprois n'avait pas de technicien
Nouvelle coïncidence malencontreu
se je vous avais certifié vous tous,
Messieurs, ainsi qu'au public, que i ad
judication n'était pas possible en matiè
re deconeessioudu gaz.quela solidarité
existante entre gaziers les empêche do
marcher sur les brisées de camarades
ayant des droits acquis Mais voilà
que mes adversaires ont déniché le
Rapport de la commission d'éclairage
de Louvain outre qu on y lit que c est
encore l'éminent Ingénieur-Conseil du
Groupe Yprois qui a fait les hon
neurs de l'usine de Bruxelles lors de la
visite officielle des édiles de Louvain,
mes adversaire* y ont trouvé aussi et
ont publié le résultat de l'adjudication
publique qui a eu lieu on cette ville et
qui a amené 14 concurrents
J'étais de nouveau le bec dans l'eau.
De ce train-là on allait finir par ne
plus me croire du tout, et vous savez
qu'on se permet parfois de douter de
ce que j'avance.
Mais vous savez, Messieurs, que tous
les moyens sont bons quand le but est
honnête et vous ne doutez nullement
que je ne travaille toujours que pour
le plus grand bien de notre Mère la
Sainte Église et rien que pour Elle!
Je serai donc absous.
J'avais vous faire, Messieurs, ce
petit aperçu rétrospectif de la ques
tion. mais j'ai hâte de revenir aux hé
ros de la fête
A votre santé, mes chers amis, et
votre famille, soyez les bien venus
Ypres, nobles étrangers, venez sup
planter ici des Yprois de naissance qui
ont l'air de me narguer, moi, tout
comme vous, parce que nous sommes
étrangers Je leur apprendrai tous
ces beaux Messieurs ce qu'il y a dans
la tête d'un Poperinghois qui a dit Je
le veux
Gare qui ose toucher un cheveu de
ma tête Mon œuvre n'est pas finie,
je persévérerai dans la voie dans la
quelle je suis résolument entré dé
truire tout ce qui est Yprois, démolir
tout ce qui ne courbe pas l'échine de
vaut moi (Applaudissements prolon
gés, tous les convives vont trinquer
avec le Père de la' Cité).
Il est établi, chacun le sait, que le
Groupe Yprois a fait la ville des
propositions d'Eclairage comme suit
Pour les particuliers 15 c. le m. c.
Pour l'éclairage public et les bâti
ments communaux 10 c. le m. c.
avec ristourne annuelle de lâ.OOO
francs.
Le contrat enlevé par De Brouwer
est
ilDe Brou/cer Messieurs, je bois
au Bourgmestre Merci, Messieurs, de
l'accueil chaleureux fait mon nom,
vos applaudissements ne tombent pas
dans les oreilles d'un sourd. Je suis fier
d'avoir un fils qui se fera citoyen
Yprois. Puisse-t il y vivre lougtem: s,
y prospérer, y créer une famille.
Le Doyen. Crescite et multiplica
mini
M. De Broutcer. De cette façon
dans 30 ou 40 ou 50 ans, je ne saurais
préciser au juste, quand la concession
que je viens d'enlever triomphale
ment sera échue, an moins alors, Mes
sieurs, les envieux ne pourront plus
venir, au renouvellement, nous jeter
la face l'éternel argument étran
gers, étrangers Cet argument-là
tombant, la concession nous restera
jusqu'à la fin des siècles des siècles,
Ainsi soit-ii.
(Applaudissements prolongés).
Bouquet. Qu'il me soit permis,
Messieurs, de clôturer cette brillante
série de toasts, en venant, au nom de
tous les Yprois, présenter nos plus
chaleureuses félicitations notre ad
mirable Bourgmestre qui a mené toute
la campagne du gaz avec une énergie,
une clairvoyance et une abnégation
qui a fait mon admiration.
Je propose maintenant, Messieurs,
d'entamer la partie musicale. Notre
ami Jean voudra bien nous donner au
Piano, avec le talent et la chaleur
qu'on lui connaît, la Marche funèbre
d'Alfred suivie de 1' Entrée triom
phale des Brugeois
(Applaudissements enthousiastes.
Leve ODzen Jan
Jean s'exécute avec son entrain en
diablé et sa fugue habituelle, même
1' Entrée triomphale on a de sérieu
ses craintes pour l'instrument.
Puis, Ernest Fraeys s'avance, musi
que en mains, et d'une céleste voix de
ténor, entonne pour terminer la char
mante fête, la chanson de circonstance
Le Gaz de la Cousine que toute l'as
semblée répète en chœur en se disper
sant.
Pour les particuliers 15 c. le m. c.
Pour l'éclairage public et les bâti
ments communaux 10 c. le m. c.
avec ristourne annuelle de O.ooO
francs.
Soit par an 3ooo francs de per"
te pour la ville.
A l'intérêt commercial et indus
triel de 5 voici la perte subie par
la ville pour la durée de la conces
sion
Maurice De Brouwer se voyant déjà Directeur de l'Intercommunale,
avec plantureux traitement, et 15 sur actions de Jouissance, encensé en
outre par toute la gente flatteuse et rampante de céans, apprend de la
bouche du maire René Colaert que la fière jxipulation Yproise se révolte
et repousse l'idée de voir ce tout jeune homme, venir narguer nos Indus
triels, et grossir la clique aristocrate des Fraeys et autres étrangers Re
né cherche en vain calmer Maurice, qui s'est mis dans une rage furibon
de.
Voici le dialogue intéressant transcrit textuellement du grand repor
ter Corneille
Oh Ciel, qui vit jamais une pareille rage
Crois-tu donc que je sois insensible l'outrage
Et que je souffre moins du mortel déshonneur
Cher Maurice, pardonne aux Yprois leur erreur,
Et courons vers Popringhe exposer nos alarmes,
Félix trouvera bien de quoi tarir nos larmes
Ypres, l'unique objet de mes ressentiments
Ypres, osant repousser mes produits éclairants
Quoique tu y sois maire et que ton cœur l'adore,
Ypres, René, me hait quand partout on m'honore
Que les centres voisins, par moi bien éclairés,
L'éblouissent un jour de leurs vives clartés
Puisse-elle de remords déchirer ses entrailles,
Voir ses Industriels ruinés sans sous ni mailles
Que le courroux du Ciel, allumé par mes vœux,
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux
Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir ses maisons en cendre et tes lauriers en poudre,
air le dernier Yprois son dernier soupir,
Moi seul en être cause et mourir de plaisir