Conférence politique
WERVICQ.
Journal de 1 Alliance libérale d'Ypres et de F Arrondissement.
DIMANCHE 18 MARS,
Dimanche, 18 Mars 1906.
l'union fait la force
i*arai»»anl te iMimaitcite.
Vires acqiirit eundo.
PKIX DE L'ABONNEMENT
pour la ville Par an 4 francs.
p' la province Par an 4 fr. 50
Pour les annonces on traite forfait.
Le Journal d Y'près
el les inventaires.
5 1/2 heures.
en la graude salle
du CEItCLE MUSICAL
Orateurs
>11 jambcrty,
avocat,
Conseiller provincial Garni.
m. >oii;
avocat, députésortant.
>X. Jiil. Vandeiibulcke,
cauiitdat suppléant.
Le Journal d'Ypres faisant allu
sion aux émeutes qui se produisent en
France l'occasion de l'application
de la loi sur la séparation de l'Eglise
et de l'Etat, se demande ce que peut
bien en penser M. Nolf.
Nous retournons la question, car il
serait bien plus intéressant de savoir
ce qu'en pensent MM. Colaert et Van
Merris, que le Journal d'Ypres nous
a toujours représentés comme des
hommes d'ordre.
Qu'on se souvienne, en effet, de ce
qu'écrivait le Journal, en 1902, lors
des émeutes qui se produisirent en
Belgique, lorsque le parti ouvrier,
recourant aux manifestations de la
rue, revendiquait la revision de la
Constitution et l'instauration du suf
frage universel.
Notre confrère n'eut alors que des
accents d'indignation pour les émeu-
tiers et des éloges pour la fermeté du
gouvernement, qui mit fin la révolte
en faisant procéder des fusillades,
qui ensanglantèrent les rues de Lou-
vain,où une dizaine d'ouvriers furent
tués pour avoir revendiqué l'égalité
politique qui leur tenait tant cœur.
On se souvient, qu'à ce moment,
-M. Nolf, mis en cause exprimait, dans
une lettre publiée dans le Journal
d'Ypres, sa réprobation pour les
moyens violents, ajoutant que c'est
par les voies légales seules qu'un
parti doit faire triompher ses idées.
MM. Colaert et Van Merris auront-
ils le même courage Oseront-ils
désavouer, eux qui se piquent d'être
des hommes d'ordre, ceux qui s'in
surgent contre les lois de leur pays,
en s'attaquant des fonctionnaires
qui ont pour devoir et pour instruc
tions de les faire respecter, en orga
nisant l'émeute, en dressant des
barricades, en plaçant des bombes de
dynamite, en s'armant de fusils, etc.,
etc.
Allons, Journal d'Ypres, interro
gez vos amis et quand vous l'aurez
fait, on vous répondra.
En attendant, nous appelons l'at
tention de nos lecteurs sur le discours
Prononcé la Chambre française par
'abbé Lemire, discours que nous
reproduisons in-extenso.
"L- Lemire. Comme député de Boeschê-
P-> ai le très douloureux devoir de ques-
Doaner le Gouvernement sur le meurtre
qui a été commis hier, dix heures treés
On s'abonne au bureau du journal, rue de Dixmude, 53, Ypres. Les annonces, les faits
divers el les réclames sont reçus pour l'arrondissement d'Ypr*>s el les deux Flandres au bureau
du Progrès. Pour la publicité en dehors des deux Flandres, s'adresser exclusivement au
Comptoir de Publicité 0. Vau Gtodtsonhoven et Thibesard, 14, Place de Brouckère, Bruxelles,
téléphoné 5230.
ANNONCES
Annonces 15 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne.
quarts du matin dans l'église de cette com
mune.
11 11e s'agit donc pas d'une question de
droit il s'agit d'une question de fait. Où
sont les responsabilités de cet épouvantable
malheur
Il s'agit ensuite, après que nous aurons
eu la réponse du Gouvernement sur ce fait
précis, d'une question de politique géné
rale Quelle est la conduite que demain le
Gouvernement va tenir dans des circons
tances analogues celle-là
Boeschêpe est une commune de 2,200 ha
bitants située en bordure de la frontière
belge sur une série de petites collines. La
population se compose de cultivateurs de
houblon, de tisserands la main qui font
une toile d'emballage et qui, pour la plupart,
gagnent de 1 fr. 1 fr. 25 par jour, et de
quelques commerçants groupés autour de
l'église.
Ces braves gens ont des convictions reli
gieuses très traditionnelles et très fortes.
Ils avaient entendu jusqu'à maintenant
parler vaguement de la séparation dçs
Eglises et de l'Etat. On leur avait dit que
cette mesure consistait uniquement dans la
suppression du budget des cultes.
On leur avait dit que dorénavant l'Etat ne
donnerait plus rien aux curés ils n'avaient
pas beaucoup murmuré. Ils s'étaient con
tentés de dire qu'ils étaient surpris que
l'Etat ne payât plus ses dettes et qu'ils fus
sent chargés, eux, de les payer sa place.
Mais on leur avait répondu qn'il y a en
France un Parlement et dans ce Parlement
une majorité pour changer l'état de choses
actuel, que dorénavant ceux qui voudraient
un curé devraient le payer eux-mêmes,
qu'au reste la liberté du culte serait garan
tie tous, et que les catholiques auraient la
jouissance paisible et complète de leurs
églises.
Agauche. Certainement
M. Lemire. Sur ces divers points, Mes
sieurs, je dois le reconnaître, ils n'avaient
pas élevé d'objection irréductible; ils étaient
convaincus qu'ils restaient libres d'observer
leur religion, qu'on ne leur enlevait point
les biens de leur église et qu'ils pouvaient
continuer entrer dans leurs temples, la
tête haute, comme ils l'avaient fait toujours.
Ils étaient, en conséquence, disposés faire
un sacrifice, d'autant mieux qu'on leur
disait que ce sacrifice serait compensé par un
avantage auquel nos populations flamandes
tiennent pardessus tout Habitués une
vie communale intense, n'ayant pas de mes
quines préoccupations politiques, ces braves
gens ne demandent que la liberté ils sont
assez énergiques pour la payer d'un sacri
fice Ils se disaient Pourvu qu'on nous
envoie des curés librement nommés par
l'évêque, et pourvu que les évêques soient
librement nommés par le pape, pourvu que
l'Eglise catholique, au lieu d'entrer dans un
fonctionnarisme bureaucratique, où elle est
usée et humiliée... Applaudissements
gauche et l'extrême gauche).
M. de Gailhard-Bancel. Il ne faut pas
commencer par la dépouiller.
M. Lemire. Monsieur de Gailhard-Bancel,
je vous en prie, j'ai une mission difficile
remplir, laissez-moi aller jusqu'au bout.
Au moment, disais-je, où l'église catholi
que, secouant un joug dont on s'est plaint,
se dresse dans notre vieux pays de Flandre,
pays d'autonomie et de liberté, avec les mê
mes droits que tous les citoyens libres, mes
compatriotes disaient Cela nous suffit.
Surviennent les inventaires.
Les inventaires, M. Briand l'a répété ici,
la majorité de cette chambre, qui est avec
lui, l'a dit, bon nombre de députés appar
tenant la minorité, et moi comme eux,
nous l'avons cru loyalement, les inventaires
n'étaient qu'une mesure de conservation.
Vifs applaudissements l'extrême gauche
et gauche).
M. Paul Delombre. Ce n'est pas autre
chose.
M. Georges Berry. Vous étiez aveugle,
voilà tout.
M. Lemire. J'ai cru que l'inventaire était
un moyen régulier d'assurer la transmis
sion légale des biens des fabriques aux as
sociations cultuelles.(Nouveaux applaudis
sements sur les mêmes bancs.)
A droite. Voyez qui vous applaudit
M. Lemire. Je ne demande d'applaudis-
semeots personne je revendique devant
mes collègues de la droite comme'devant
ceux de la gauche, le droit d'avoir la fran
chise des idées et le courage de la modéra
tion Applaudissements gauche et sur di
vers bancs.)
M. Couyba. C'est le langage d'un hon
nête homme.
M. Lemire. J'en prends toute la respon
sabilité. Vouveaux applaudissements.)
Il me semblait que du moment où, dans
ces inventaires, il était permis de faire tou
tes les réserves sur l'origine des biens et sur
leur valeur, du moment où même nous pou
vions, comme catholiques, ajouter cette
protestation juridique sur l'origine et la va
leur des biens une revendication plus haute
que notre conscience de croyants nous impo
sait, savoir que ce qui se faisait notre
égard n'était que provisoire, que nous subor
donnions notre décision finaleàl'acceptation,
par nos supérieurs hiérarchiques, des asso
ciations cultuelles, nous pouvions laisser
passer l'inventaire. J'avais, pour mon com
pte, l'espoir que les associations cultuelles
seraient assez larges, assez libérales pour
que le catholicisme pût s'y mouvoir aussi fa
cilement que les autres cultes. Applaudis
sements gauche et l'extrême gauche.)
Agauche Nous ne demandons pas autre
chose.
M. le comte de La BourdonnayeOn va
demander l'affichage de votre discours, mon
sieur l'abbé
M. Lemire. Ah monsieur de La Bour-
donnaye, si j'avais jamais dit un mot dans
un discours quelconque, ou écrit dans n'im
porte quel journal une ligne qui ne fût pas
d'accord avec ce que je viens de dire, je ne
serais pas cette tribune.
J'ai entendu le reproche de M. Briand jl
ne m'atteint point.
Si j'avais poussé la violence, je serais en
prison avec ceux que mes arguments y au
raient fait entrer. Vif s applaudissements
gauche et l'extrême gauche).
M. Caseneuve. Nous applaudissons en
vous la loyauté et la vérité
M. Lemire. D'où vient donc, messieurs,
que même dans des circonscriptions où l'on
a observé les règles de la sagesse et de la
prudence, des faits aussi tristes et aussi
douloureux aient pu se produire
C'est qu'à l'heure actuelle l'inventaire ne
se présente plus avec un aspect juridique
en ce moment, il se présente nos popula
tions je n'ai pas besoin de dire pourquoi,
je constate un fait, il se présente à- nos
populations, si droites et si pleines de bon
sens, non plus comme une mesure de con
servation en faveur des catholiques, mais
comme une atteinte leurs droits, comme
une usurpation de leurs biens.
Ils nous disent....
M. Louis Mill. On leur dit (très bien,
très bien gauche.)
M. Lemire. Ils nous disent, Monsieur
Mill, et ils vous disent aussi dans votre cir
conscription Tout de même, on n'a pas
voté la loi de séparation en faveur des ca
tholiques. On met en branle la gendarmerie
et l'armée, on s'en vient avec des croche-
teurs et tout un attirail, on brise nos portes
d'église et nos coffres-forts, sous pretexte
de nous faire un cadeau et l'on fait tout cela
avec une violence et une brutalité que rien
n'arrête. Et vous allez prétendre, Messieurs
les députés, que c'est pour notre avantage,
quec'est pournotrebon plaisir! Comment
tout coup, le Gouvernement a un tel
souci de nous être agréable qu'il va mobili
ser la police et l'armée pour garantir des
biens aux cures, aux conseils de fabrique
et auxassociationscultuelles? Allonsdonc
Et avec leur jugement simple et logique,
nos paysans, nos ouvriers disent
On rôde autour de nous, on nous épie,
on brise nos portes...
AI. Emile Cire. On ne les brise que lors
qu'il y a des barricades.
M. Lemire. Pourquoi tant se déranger
Qu'on nous laisse tranquilles.
Alors, qu'est-ce que ce simulacre d'in
ventaire peut bien avoir de commun avec la
justice
Voilà une opération....
M. Auge. Elleest prévue par la loi.
M. Lemirequi est dépouillée de toute
formalité juridique, de toute régularité ad
ministrative. Pour l'exécuter, on nous
amène des soldats avec, dans leurs cais
sons, des instruments de crochetage. D'a
vance la gendarmerie erre sur nos collines
elle plane a.utour de nous comme un oiseau
de proie, pour savoir où elle tombera pour
saisir quelque chose.
Et alors nos campagnards inquiets s'é
crient De ces inventaires-là, nous ne
voulons pas. (Interruptions gauche).
Vous avez beau dire, Messieurs, qu'ils se
trompent, que ce qu'ils imaginent n'est pas
vrai. Vous avez beau dire c'est la loi, et
c'est une loi de garantie Vous avez beau
argumenter avec MM. de Castelnau et
Briand, tout cela ne touche pas le paysan ni
l'ouvrier. Ils ne sont pas juristes, eux Ils
ne se mettent pas en face d'un texte.
D'ailleurs, ils ne croient guère aux tex
tes on leur fait dire tant de choses
Us croient ce qui est extérieur, palpable,
visible ils assistent un déploiement de
forces ils voient passer des policiers, et
puis des crocheteurs, gens parfois bien mal
choisis et qui ne sont pas ceux qu'on prend
pour une besogne honnête et propre, et ils
se disent On inventorie, c'est pour spo
lier
Alors, qu'est-il arrivé Comme une traî
née de poudre, la répulsion contre l'inven
taire a passé dans notre pays et on s'est
redressé en disant Non, cela ne se fera pas,
on ne nous enlèvera pas nos églises
Ce n'est pas seulement le fait de voler
qui est mauvais devant l'opinion publique
je ne vous en accuse pas c'est celui
de paraître voler. Voilà la chose grave.
(Exclamations droite. Très bien
Très bien sur divers bancs).
M. Justin Auqè. Paraître voler
Ah
MLemire. Je lais ces remarques, Mon
sieur Auge, parce qu'il faut expliquer
comment, ilans nos communes, ou est
a-rivé a dresser des barricades, opposer
de la résistance, et par quel concours de
circonstances ce paisible village de Boeschê
pe a été hier ensanglanté
L'honorable M Guieyss 0 a apporté cette
tribune des allégations qui n'ont rien de
otnnrnn avec la situation de cette com
mune, qu'il me permette de le dire
Donc, c'était vers dix heures et demie,
hier. L'inventaire se faisa t, comme ailleurs,
avec effraction des portes, protestation du
i 111 colère sourde des fidèles. L'agent des
domaines était M Coillet, percepteur de la
commune de Boeschêpe, en ré-idenceà Ha-
z bronck.
Il était assisté de M. Benoît, commissaire
de police de Bailleul, celui-ci protégé au de
hors de l'ég'ise par des cavaliers et des fan
tassins, ot au-dedans escortés par des gen
darmes.
L'inventaire venait de finir je don
ne ces détaiis, parce que je les tiens de l'ho
norable maire de la commune de Boeschêpe,
conseiller d'arrondissement, homme grave,
serieux, et qui jouit dans tout le pays de
l'estûne universelle... l'inventaire venait
de finir, et les agents se diiigeaient vers la
s-ortie qui est un peu plus haute que la nef et
qui ist dominée par 'a tour, quand la foule
qui avait envahi l'egiise, se mit hner vio
lemment ceux qui s'en allaient. Elle en vou
lait surtout aux subalternes qui avaient
fracturé les portes.
Quelques-uns des manifestants brandis
saient des chaises comme pour les jeter dans
la direction des crocheteurs. Interruptions
sur divers bancs droite.)
Le curé était dans l'église avecles fidèles.
On l'avertit, il se précipite vers la foule et
la supplie, en langue flamande, de rester
calme. Il se met entre elle et les agents
mais malgré tout les chaises sont lancées et
atteignent au hasard les crochetenrs, le per
cepteur, le commissaire, les gendarmes et
le prêtre lui-même. Tous contusionnés et
sanglants, reculent vers le portail
Arrivé l'extrémité de l'église, le com
missaire de police, hors de lui, se retourne
il saisit son revolver, et en fait usage Un