Discours de M. Fulpce Masson
Les administrations communales libérales,aidées
par l'initiative privée, ont créé l'oeuvre de la can
tine et du vestiaire scolaires il n'y a là rien de
politique. Eh bien, alors que ces œuvres sont en
couragées par le parlement anglais, le parlement
belge cherche les détruire (Interruptions.)
Vous ne pouvez protester que par des cris.
Vous n'avez fait qu'essayer, droite, de détruire
l'enseignement populaire sans rien mettre la place
vous avez agi comme des sectaires. Mais vous
n'avez pas réussi et des hommes avisés ont fait
classer dans les cartons le projet de M. Woeste,
amendé par M. le ministre de l'intérieur. Vous
n'oseriez pas le faire voter avant les élections! (In
terruptions.) Vous voudriez faire soutenir vos
œuvres par notre argent cela ne sera pas!
Vous voudriez donner aux cantines scolaires le
caractère d'oeuvres charitables; le pays ne vous
suivra pas et il choisira entre vous et nous, entre
l'esprit de fanatisme et l'esprit de liberté.
Nous représentons l'esprit nouveau et vous
représentez l'esprit du passé. S'il le veut, et il le
voudra, le pays, d'un mot, d'un geste, s'affran
chira le 27 mai (Très bien 1 vifs applaudissements
gauche. L'orateur reçoit les félicitations de ses
amis.)
M. Masson. Mon discours envisagera la
situation financière du pays et je prendrai pour
base, sous bénéfice d'inventaire ultérieur natu
rellement, les chiffres et les libellés mêmes des
documents officiels. C'est ainsi que, pour le budget
extraordinaire de cette année, j'admettrai comme
dépenses vraiment exceptionnelles et extraordi
naires, les 30 ou 40 millions demandés par les
chemins de fer.
L'accroissement des recettes et des dépenses est
extraordioairement rapide surtout depuis dix ans.
De 1900 1906 les ressources du gouvernement
ont monté de 494,100,000 558,863,000. En
1880, ce chiffre était de 291,921,000 francs. Le
gouvernement actuel dispose d'une somme double
de celle qu'avait le gouvernement libéral. On ne
peut donc reprocher celui-ci d'avoir fait moins
de travaux publics que M. de Smet de Naeyer.
Notez que régulièrement toutes les prévisions de
recettes sont dépassées. Mais ce ne sont pas des
bonis, car le gouvernement dispose en grande
partie des augmentations de recettes.
Les impôts directs (foncier, personnel, patente,
redevance des mines) donneront, en 1906,
62,614,000 francs; ils ont produit, en 1896,
52,978,000 francs et 49,358,000 francs en I 886.
Les droits d'enregistrement ont donné, en 1906,
66,113,000 francs. Ils ont produit, en 1896,
51,628,000 francs et 52,736,000 francs en 1886.
Ces impôts réunis ont donné en 1906, 128 millions
727,000 francs; en 1896, 104,606,000 francs et
108,094,000 francs en 1886.
Nous passons aux impôts indirects. D'abord,
les douanes. En 1906, la recette sera de 46 mil
lions 620,000 francs; elle a été en 1896 de
46,663,000 francs et en 1886 de 27 millions
850,000 francs.
La situation est donc stationnaire depuis dix
ans pour la recette des douanes.
La majoration des impôts directs a été due
uniquement une plus-value pour les impôts
indirects; il faut tenir compte de la loi protec
tionniste du 12 juillet 1895 qui a élevé les droits
de douane. Après la loi du 12 juillet 1895, la
recette des douanes, qui ne s'élevait qu'à 34 mil
lions 818,000 francs en 1894, s'est élevée, en
1895, 38,215,000 francs et, en 1896, 46 mil
lions 663,000 francs.
Je me borne constater un fait si les douanes
ont donné un meilleur résultat financier, c'est
parce qu'on a voté une loi protectionniste peu
importe, d'ailleurs, au point de vue de mon rai
sonnement.
Les accises ont donné, en 1906, 81,000,000 de
francs, en 1896, 50,300,000 francs et en 1886,
39>750,000 francs.
D'où de nombreux millions d'augmentation et
cela est dû surtout la loi du 17 juin 1896 qui a
eu pour effet qu'en 1894, on obtenait en recettes
43,632,000 francs et 68,717,000 francs en 1897.
Mle ministre des finances se glorifie des résul
tats fiscaux et moraux de sa législation sur l'alcool.
A l'en croire, il aurait atteint profondément la
consommation alcoolique qui serait tombée un
pourcentage beaucoup inférieur par tête d'ha
bitant.
Or, pour 1905, la recette s'élèvera 56 mil
lions, alors qu'en 1904, elle n'était que de
37 millions. M. le ministre encaissera donc 19 mil
lions de plus on peut en déduire que l'on boit
autant qu'auparavant.
J'en viens aux régies. Pour les chemins de fer,
postes, télégraphes, téléphones et marine, la
recette a été, en 1886, de 45,516,000 francs; en
1896, de 57,520,000 francs et, en 1906, de
90,380,000 francs. La recette a donc doublé en
vingt ans. Ce sont des profits énormes et nous les
opposerons quand on viendra encore nous rap
peler ce que M. Sainctelette n'a pas fait
En présence de ces résultats financiers, on com
prend donc les protestations du peisonnel des
chemins de fer qui réclame des améliorations de
salaire et le rapport du budget reconnaît le bien-
fondé de la plupart de ces réclamations. Nos che
mins de fer devraient se débarrasser des principes
routiniers qui guident son administration et la
question est de savoir s'il ne faudrait pas appliquer
d'autres principes au mode de payement des
agents. Dans l'industrie la hausse des salaires suit
l'augmentation des profits.
Depuis 1896, les ressources de l'Etat se sont
donc accrues, àconcurrence de 84,200,000francs,
savoir contributions directes, 24 millions de
francs; douanes et accises, 27,400,000 francs;
régies, 32,800,000 francs.
Malgré cette progression de recettes, le gouver
nement n'a pas fait le moindre dégrèvement
d'impôts.
M. G. Terivangne. Et les sucres
M. Masson. Le dégrèvement des sucres a
rapporté gros au gouvernement.
Le gouvernement n'a fait que suivre, en cette
matière, ce qu'ont fait les gouvernements étran
gers. Quant avoir dégrevé le cacao, c'est là le
déjeuner des enfants des riches et pour le thé,
c'est la boisson des Anglais qui passent par la
Belgique.
Tandis que le gouvernement profite de ces ma
jorations, la plupart des grandes communes
doivent battre monnaie pour parer aux besoins
nouveaux routes, travaux hygiéniques, ensei
gnement, police, etc. Du fait de diverses lois
récentes, les dépenses communales ont notable
ment augmenté. D'où la nécessité pour les com
munes d'établir des impôts d'où aussi obligation
pour le gouvernement d'établir une autre répar
tition du fonds communal.
Partout les évaluations des budgets sont dépas
sées en recettes. Quant au déficit français, n'ou
bliez pas que la République n'a pas de budget
extraordinaire tout y est payé l'ordinaire. Au
surplus, jamais la Belgique ne s'est autant endettée
que depuis quelques années.
L'état de la dette publique était, en 1860, de
634 millions; en 1880, de 1,422 millions; en
1900, de 2,708 millions et, en 1905, de 3,220 mil
lions. L'augmentation a donc été, de 1860
1880, de 800 millions ou 40 millions par an. Et
c'est pendint cette période que l'Etat a fait de
très grands travaux, notamment de chemins
de fer.
M. I.iebaertministre des chemins de fer, postes
et télégraphes. C'est alors qu'on a surtout
concédé des chemins de fer et nous avons dû les
racheter coups de millions.
M. Masson. La concession comportait sur
tout l'exploitation.
M. Liebaert. Non, il n'y avait pas de con
ditions. A partir de 1897 on a renoncé con
struire.
M. Masson. Peu importe le procédé, mai®
pendant ces années de nombreux millions sont
sortis des caisses de l'Etat pour les chemins de:
fer de 1880 1900, la dette s'est élevée
2 milliards 700 millions ou 65 millions par an
et enfin, de 1900 1905, elle atteint 3 milliards
200 millions, soit plus de 100 millions par an.
Ainsi, de la période la plus prospère, la dette
s'augmente dans des proportions inouïes. C'est ce
qui a ému M. de Lantsheere et lui a fait expri
mer ses craintes au Sénat.
Mais, pour M. de Smet de Naeyer, la dette',,
c'est la gloire Seulement, tous ses chiffres 11e me
convainquent absolument pas.
Comme industriel, vous auriez dû nous faire
connaître en détail le tableau des travaux exécutés
par vos emprunts pour nous faire toucher du doigt
les bénéfices réels des travaux extraordinaires pré-
tendûment productifs.
M. de Smet de Naeyer. Je vous fournirai
volontiers cet inventaire pour les chemins de fer.
M. Masson. Pourquoi ne nous l'avez-vous
pas fourni plus tôt, alors que M. Helleputte l'a
réclamé dans plusieurs rapports sur le budget
extraordinaire Je suis bien certain, du reste, que
vous ne nous le fournirez pas, car il démentirait
vos dires.
M. de Smet de Naeyer. Allons donc! Notre
situation est encore plus brillante qu'elle n'ap
paraît, car il y a des travaux en cours dont la
productivité est encore venir.
M. Masson. Nous voudrions bien savoir
aussi quand vous aurez achevé tous vos travaux
Tel le canal duCentre, commencé depuis vingt ans..
M. de Smet de Naeyer. Je m'expliquerai
sur ce point dans la discussion du budget extraor
dinaire.
M. Masson. Soit! mais mon observât!»,n a
une portée générale elle s'applique tour es vos
régies où vous amorcez des travaux sans ]es
achever. Vous percevez depuis quelqu-e temps le
maximum de profits des recettes, p arce que ;e
trafic est arrivé son point culmina nt pQur notre
outillage. Ce que nous critique ng' ce sont vos
tuand leur emploi
emprunts successifs sans savoir r
deviendra productif.
En Angleterre, si la defte augmente parfois,
elle diminue aussi en cjrtaines années_ Voilà
1 amortissement
L'honorable ministre dit qu>il amortit annue,_
lement de 10 million-S; mais j] emprunte en mème
emps 110 millions n serajt plus sjmp]e de ne as
amortir et de n ernprunter que I0Q mjujons> En
réalité, vous n a mortissez rien du tout,
L amortissement ne sera réel et sérieux que
quand vous aurez ralenti vos emprunts.
Nous no us élevons contre cette frénésie d'entre
prises ae travaux publics qu'on n'achève pas le
p us soi .vent on ne peut tout faire et tout entre
prendre. Allez-vous persévérer dans ces procédés
sans méthode et sans suite
J'en reviens l'exemple du canal du Centre,
qui est topique. Voilà un canal dont la voie d'eau