Discours île M. Paul Janson C'est votre programme et la campagne électo rale sera l'insurrection communale contre les em piétements du gouvernement, contre son refus des subventions nécessaires pour l'enseignement public. C'est l'insurrection communale au nom de la liberté, et il faut avoir l'audace de M. Woeste pour dire que seul son parti est celui qui sauve garde la liberté communale Cette liberté, au contraire, a toujours été défendue par nous (excla mations droite), et il continuera en être ainsi. L'ordre et la liberté, tel est notre programme et nous l'assurerons (Très bien Vifs applaudis sements gauche. L'orateur reçoit les félicita tions de ses amis politiques.) M. Janson. Notre interpellation avait sur tout pour but de connaître le programme du gouvernement. Notre attente a été déçue. M. Car ton de Wiart s'est borné interpréter l'oracle de Delphes et a déclaré que son parti remporterait la victoire par ce qu'il était le plus digne. De son côté, M. Woeste s'est livré des vaticinations et nous a prêté les plus noirs dessins. Enfin, l'hono rable ministre des finances s'est aussi livré aux plus sombres prédictions. Puis est arrivée l'apothéose traditionnelle de la question financière du gouvernement. Il a dit et répété cette chose étonnante qu'il est l'auteur de la prospérité industrielle et commerciale du pays et que la dette, bien qu'ayant augmenté dans d'énormes proportions, pèse moins lourd que jamais sur le pays. Voyons ce qu'il faut en croire en 1884, la dette était de 1,170 millions, soit 30 fr. 50 par tête d'habitant; en 1905, elle était de 3,117 mil lions, soit 44 francs par tête d'habitant. M. le ministre des finances dit que cette dette est en grande partie représentée par des travaux qui rapportent leur intérêt. Reste examiner si ces travaux sont utiles. On ne comprendrait pas qu'une société anonyme agisse comme vous le faites. Vos calculs sont absolument inadmissibles, et permettez-moi de vous le dire, que votre pré sence ministérielle a surtout consisté créer quelques mots sonores. Vous ressemblez cet hôtelier habile mais peu scupuleux qui qualifie de Médoc la première année le vin qu'il a mis en bouteille, et l'appelle successivement Saint-Julien la deuxième année et Château-Larose la troisième. (Rires). L'étiquette était différente mais le vin restait le même vous n'agissez pas autrement Vous jouez tour tour des dépenses ordinaires et des dépenses extraordinaires d'après les besoins de votre comptabilité. Pour nos chemins de fer, vous avez porté l'extraordinaire 310 millions du chef de traction et du matériel. Que diriez-vous cependant d'une société qui agirait ainsi? M. de Smet de Naeyer. Nieriez-vous que nous avons augmenté de 100 p. c. la force de nos locomotives? M. Janson. Ce n'était pas là une dépense porter l'extraordinaire. Quand la Société des tramways a modifié sa traction, a-t-elle emprunté pour améliorer celle-ci? Non! Une société qui agirait de la sorte verrait ses administrateurs tra duits en police correctionnelle. M. Hanrez vous a démontré que nombre de vos dépenses payées par l'emprunt devraient être inscrites l'ordinaire. Vous dressez un bilan de pure fantaisie Si un autre gouvernement arrive au pouvoir, son premier devoir sera d'accepter votre succes sion sous bénéfice d'inventaire, notamment en ce qui concerne la réfection du matériel des chemins de fer. Il paraît qu'actuellement le gouvernement a adopté un nouveau système. Cela prouve que depuis 1885 vous n'avez pas porté au budget du chemin de fer la somme nécessaire pour la réfec tion du matériel. En effet, avant 189 s;, il n'y avait rien au budget pour cet objet depuis cette année, il y a 2,500,000 francs et ce n'est que maintenant que l'on y voit figurer 5 millions Voilà comment vous avez pu réaliser des bonis Très bien! gauche). De plus, votre conversion de la dette vous a rapporté 11,700,000 francs. Cette conversion s'est faite au détriment surtout des petites économies et puisque la Caisse d'épargne seule a pour 500 mil lions de rentes... La question n'est pas de savoir si la conversion devait être faite, ni si côté de la conversion vous n'avez pas fait d'amortissement fictif, comme l'a démontré M. Masson, puisque malgré l'amor tissement prétendu, le capital de la dette croît dans des proportions énormes. Voici le point essentiel. Voilà un gouvernement qui par l'effet de la conversion a réalisé le bénéfice que j'indique et qui est certainement un bénéfice minimum. Par qui a été fourni ce bénéfice? Par la masse de ceux qui sont détenteurs de fonds publics. Nous allons voir maintenant si après avoir réalisé ce bénéfice considérable, vous vous en êtes tenu là, et si cette économie a eu ou non pour résultat de diminuer le chiffre des impôts. Eh bien, messieurs, voici encore des chiffres officiels En 1885, les douanes rap portaient fr. 24,481,410 En 1906, elles rapportent 46,620,385 Différence en plus. fr. 22,138,975 En 1885, l'impôt sur les eaux- de-vie indigènes rapportait fr. 23,142,671 En 1906, il rapporte 47,969,000 Différence en plus. fr. 24,826,329 En 1885, l'impôt sur les sucres rapportait 2,828,136 francs et d'après les prévisions du bud get de 1906, prévisions qui sont évidemment inférieures la réalité, il rapportera 8,441,864 fr. Et l'honorable M. Gielen, dans un excellent discours, nous a montré le préjudice que subissent les agriculteurs auxquels vous vous intéressez tant. Ces braves cultivateurs, pour lesquels vous avez tant de paroles de sympathie, avaient espérer que la réforme internationale sucrière allait amener un abaissement considérable du prix du sucre, que cette diminution de prix permettrait une consom mation énorme et établirait au profit des campa gnards cultivateurs une compensation; tels étaient aussi l'espérance des fabricants de sucre et le vœu des consommateurs. Vous les avez tous leurrés. En définitive, si je résume les majorations de recettes ci-dessus indiquées, je trouve ceci Douanesfr. 22,138,975 Alcools24,826,329 Sucres8^441,864 Total. fr. 55,407,168 Ce qui, tenant compte de l'accroissement de la population, représente environ 8 francs par habi tant, soit 32 francs pour un ménage de huit personnes. La charge de la rente par tête d'habitant a diminué d'après vous. C'est une pure fiction, je l'ai démontré. Mais côté de la fiction, la réalité la voilà prouvée par des chiffres irréfutables. Vous êtes dégrevé des primes payées autrefois aux fabricants de sucre et, par suite, la recette de l'impôt sur le sucre est augmentée. Voilà ce que je constate et voilà ce qui suscite les plaintes les plus légitimes. Quel est le parti qui a grevé si fortement que vous les contributions en augmentant les impo sitions indirectes? C'est le vôtre et lui seul. Je ne méconnais pas que le rendement des impôts doit augmenter avec l'accroissement de la population, mais il faut voir si, sous votre minis tère, les impôts ont augmenté dans la même pro portion que la population. Or, il est manifeste que le contraire est vrai puisque je divise le chiffre du total des augmentations par le chiffre de la population actuelle. Et, d'autre part, il a été démontré par M. Denis que d'autres sources d'impôts ne progressent pres que pas, malgré l'augmentation de la richesse publique. Ce sont les impôts de consommation, qui vont sans cesse en augmentant. Il me reste citer ce dernier chiffre, c'est le chiffre de l'impôt par tête d'habitant, tel qu'il est actuellement payé. Voici le résultat financier final de votre gestion Malgré le bénéfice de deux conversions, soit envi ron 12,000,000 de francs, le Belge paye aujour d'hui, par tête, 3 fr. 65 c. d'impôts, alors qu'en 1884 il ne payait que 26 fr. 95 c. Et vous croyez les électeurs bien naïfs, quand avec votre théorie singulière sur les dépenses utiles et profitables, vous leur dites qu'ils payent moins du chef de la rente. E11 réalité il ne payent pas moins, ils payent beaucoup plus, puisque le capital de la rente a augmenté. Et, d'autre part, s'ils consultent le chiffre total des contributions indirectes qu'ils payent par an, ils constateront que chacun d'eux paye 8 fr. 70 c. de plus qu'en 1885, ce qui cor respond assez exactement au chiffre que j'ai fixé précédemment et ce qui est la preuve mathéma tique de la vérité. Et maintenant, pour en revenir l'interpella tion, qu'avez-vous fait en matière de finances, part ce que je viens d'analyser et de mettre en lumière Naguère, sous le régime censitaire, tous les ministres des finances disaient que la réforme fis cale était impossible, qu'elle se heurterait trop d'intérêts et amènerait la révolte dn corps élec toral. Nous ne pouvons pas, disaient-ils, sous le régime du corps électoral restreint et composé surtout de capitalistes grands et petits, nous ne pouvons pas aborder la réforme financière et c'est même là une des raisons qui ont déterminé fina lement tous les partis adopter la revision de la Constitution afin de donner au ministre des finances une liberté d'allures que l'ancien régime ne lui permettait pas de prendre. Quelle est donc la réforme fiscale laquelle vous avez attaché votre nom Ne voyons-nous pas la propriété immobilière, c'est-à-dire surtout la propriété des paysans, auxquels vous prétendez porter un si vtf intérêt, sans cesse rançonnée par le fisc Que le paysan achète, qu'il emprunte, qu'il hypothèque, qu'il recueille une succession, le fisc prend sa part et par un privilège inouï, que votre devoir était de faire disparaître, la richesse mobilière est indemne elle ne paye qu'un impôt minime la taxe sur les sociétés ano nymes. Nous assistons ce spectacle, messieurs, que le gouvernement reste impassible devant cette fraude organisée dans tout le pays et qui a pour effet de soustraire la richesse mobilière au payement des impôts de succession, parce que, probablement, si le payement d'impôts sur ces valeurs était exigé, l'opulence des coiporations religieuses serait mise en évidence et qu'elles devraient y être soumises comme tous les autres citoyens (Très bien l'extrême gauche.) Vous avez préparé une revision cadastrale. Quel

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1906 | | pagina 12