La Politique générale du Gouvernement Interpellation Hymans, Janson, Masson Discours de M. Paul Hpans SUPPLÉMENT AU NUMÉRO DE CE JOUR. M. Hymans (mouvement d'attention). L'im portance des élections prochaines n'échappera personne, car elles auront une influence décisive sur notre orientation politique. Nous approchons d'un tournant. Voilà bien des années que le parti libéral a perdu ici sa place légitime on se trouvait alors en face d'une majorité constituant une masse qui semblait ne devoir jamais se dissoudre. Aujourd'hui, cette majorité sort meurtrie et déchirée des débats sur les travaux d'Anvers et elle semble même impuissante faire aboutir une loi sur les mines, informe et cahotique. Par contre, le parti libéral est plein de force et d'espoir aux dernières élections, il a conquis neuf sièges; il est entouré d'une jeunesse enthousiaste, fervente de toutes les nobles causes; il s'est frayé des voies dans les campagnes réputées jusqu'ici imprenables; enfin, par l'élan des cœurs et l'effort des volontés, il a fait disparaître toute discorde et il a formulé, dans la déclaration des gauches, les aspirations légitimes de la démocratie. Celles-ci n'ont rien de subversif ni d'utopique ses points capitaux sont l'instruction obligatoire, le service personnel et l'égalité politique. En assignant son activité un but positif, le parti libéral a dis sipé les incertitudes d'un programme négatif. En retour, nous demandons au gouvernement quel est le sien C'est en vain qu'on scrute la politique catholique le clergé s'est mis en cam pagne et il harangue les fidèles du haut des chaires de vérité il distribue des brochures et pèse sur les consciences. Mais c'est là une politique occulte. Quant aux chefs, ils se taisent on ne trouve pas trace d'une idée politique dans les discours pro noncés Louvain l'occasion du jubilé de M. Schollaert. A la réunion des cercles catholiques Ostende, présidée par M. Woeste, on n'a entendu que des déclamations banales. Il y a quelque temps, le chef de la droite et le chef du gouvernement ont prononcé des discours soi-disant politiques. A Ninove, M. Woeste haranguant ses disciples, s'est borné leur donner cette recette de cuisine politique Travaillez les listes électorales A Anvers, où le chef de cabinet a été reçu en héros, il a terminé sa harangue par ces mots Travail, confiance et persévérance Quant aux journaux catholiques, ils discutent dans le vide et toute leur polémique consiste en de lourdes railleries et en calomnies, cent fois réfutées, l'égard de leurs adversaires. 'asuite des élections de 1904, un petit journal, 1 Action catholique qui, dit-on, est l'organe de MM. Carton de Wiart et Renkin, disait que le travail politique était gigantesque et qu'il n'est plus permis de douter du réveil libéral. Le XX* Siècle lui-même a laissé entrevoir la chute du gouvernement clérical. Dans tout le parti catholique, il n'y a que trouble et agitation. Avant le poil de la Conservatrice, le Courrier de Bruxelles s'inquiétait et engageait l'Association catholique tenir compte des circonstances et reviser son programme. Nous vivons toujours, disait-il, sur le pro gramme rédigé en 1894 sous le régime censitaire. Il y aurait intérêt prendre position sur les ques tions soulevées par la déclaration des gauches. Nous ne pouvons nous y soustraire sans avoir l'air de reculer devant l'ennemi. L'opposition réclame l'instruction obligatoire, le service personnel, le suffrage universel. Les électeurs doivent savoir ce que nous leur opposons. L'invitation du Courrier de Bruxelles ne fut pas entendue 011 s'est borné applaudir la can didature de MM. Colfs et Wauwermans La réponse est plutôt insuffisante. Dans d'autres milieux, on rêve plutôt de pour suivre une politique utilitaire, comportant l'exé cution de nombreux travaux publics on vante la prospérité commerciale et industrielle du pays, en se plaisant remémorer sans cesse nos dernières fêtes nationales et nos cortèges jubilaires. Mais la prospérité commerciale et industrielle n'est pas l'œuvre du gouvernement, elle est l'œuvre de l'initiative de tous. Quant aux travaux publics, ils ne divisent pas les consciences et on peut facilement obtenir l'unanimité en leur faveur. Quand nous avons discuté les installations ma ritimes d'Anvers, il y a eu unanimité en faveur de ce port et, s'il y a eu discussion, celle-ci n'a été qu'un débat technique sur la Grande Coupure. Mais, ce serait une étrange illusion de croire qu'une politique peut se borner satisfaire ses intérêts matériels. M. Beernaert le proclamait encore dans la discussion du projet d'Anvers La vraie grandeur d'une nation exige, en effet, autre chose. A notre programme de développement intel lectuel, de patriotisme et de démocratie éclairée, le parti catholique n'oppose que la force d'inertie et se borne un triple aveu d'impuissance. Sa politique catholique apparaît ainsi de plus en plus comme purement conservatiste et réactionnaire, s'appuyant toujours exclusivement sur le clergé, la noblesse et la grande propriété terrienne. Que 11'imitez-vous ces conservateurs anglais qui ont eu la sagesse de devancer les grands événe ments politiques et de faire les réformes en temps voulu On peut prolonger une agonie, mais quand on n'a pas agi temps, on est condamné disparaitre Nos adversaires annoncent partout l'avènement du collectivisme et la destruction des églises. Un petit journal clérical du Luxembourg, énumérant les maux incalculables qu'entraînerait, d'après lui, la chute du cabinet catholique, s'écrie Fermeture des églises expulsion des reli gieuses abandon des milliers d'orphelins qu'elles ont recueillis suppression de nos cimetières enterrement de tous, côte côte, dans le charnier communal. C'est l'érection des écoles-porcheries C'est l'augmentation du budget scolaire de 200 millions et, avec l'augmentation du budget de la guerre, une augmentation d'impôts de 500 600 millions; c'est le retour aux horreurs de la révo lution de 1790 et de la Commune. Voilà par quels procédés 011 cherche affoler le pays voilà ce qu'on récite aux badauds Voilà les mensonges l'aide desquels on cherche exciter le pays contre nous On nous représente comme des persécuteurs et on cherche des armes dans l'arsenal des catholiques français on dénonce le combisme belge comme si nos mœurs, notre tempérament et nos institutions 11e différaient pas absolument des mœurs françaises. On fait l'éloge des malheureux paysans français qu'on a lancés dans la guerre civile on cherche surexciter nos paysans flamands en leur disant que l'avènement du gouvernement libéral abouti rait la fermeture des églises C'est une abomi nable calomnie par laquelle on abuse de la crédu lité publique. Nous avons toujours été de fidèles défenseurs des libertés constitutionnelles nul ne songe les détruire et si quelque jour la liberté devait être en péril en Belgique, ce péril ne viendrait pas des partisans de la liberté de conscience, elle viendrait des partisans des Encycliques et du Syllabus. Nous ne combattons pas le clergé qui n'exerce que son apostolat chrétien, mais nous combattons le clergé politique, guerroyeur et agent électoral, celui qui traîne ses soutanes dans les luttes poli tiques... Nous n'avons jamais fait la guerre la religion, mais au clergé politique qui oublie sa mission évangélique. Nous ne parquons pas les citoyens en sectes ennemies, nous voulons l'égalité de tous les croyants, quels qu'ils soient, et nous défen dons l'inviolabilité de la conscience humaine. Le parti catholique, au contraire, soutenu par le clergé, veut imposer ses doctrines dans le monde civil et laïc; son but est un but de conquête et sa politique scolaire le démontre. On veut conquérir l'enfance. La loi scolaire de 1884 était relativement libé rale, mais des abus nombreux ont dénaturé cette loi et on a vu des administrations communales renouveler des contrats d'adoption d'écoles, même après que le corps électoral eût condamné leur majorité Nous avons signalé cette situation au gouver nement il s'est déclaré impuissant y porter remède Nous lui avons offert de lui donner les armes nécessaires il les a repoussées, si bien que

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Le Progrès (1841-1914) | 1906 | | pagina 7