c'est un député de l'opposition, M. Jourez, qui a
du déposer une proposition de loi sur la matière.
La loi de 1895 a satisfait toutes les passions
politiques de nos adversaires en inscrivant l'ensei
gnement de la religion dans le programme scolaire
et en permettant de distribuer de larges subsides
aux écoles confessionnelles. L'œuvre de clérica-
lisation a porté ses fruits Depuis vingt ans, taudis
que la population a augmenté d'un million, le
nombre des écoles communales a diminué de 327.
En revanche, il y a 2,500 écoles adoptées et
subsidiées.
Dans certaines régions, le monopole scolaire
appartient au clergé. Pour les deux Flandres, en
1904, le nombre total des écoles communales de
garçons et de filles s'élevait 1 66, le nombre des
écoles adoptées et subsidiées 621, soit quatre
fois plus! Les proportions sont les mêmes dans le
Limbourg. On cite des cantons scolaires entiers où
il 11e subsiste plus d'écoles communales ou qui
n'en ont plus qu'une seule.
Dans l'ensemble du pays, de 1896 1902, la
population des écoles communales n'a augmenté
que de 3 p. c. tandis que dans les écoles adoptées
et subsidiées la population a augmenté de 21 p. c.
C'est l'effet de la propagande du clergé, de la
complaisance des administrations communales et
de la loi
Pour pousser au dépeuplement des écoles com
munales et, partant, leur suppression, tous les
moyens sont bons. Et cependant que valent les
écoles congréganistes Le recrutement des maîtres
se fait surtout dans les écoles normales congré
ganistes où l'on reçoit des élèves sans limites, alors
qu'il n'en est pas de même pour les écoles normales
officielles. Du reste, déjà en 1842, l'épiscopat,
pour lui assurer son concours, imposait au gouver
nement de renoncer créer des cours là où il y
avait des écoles normales cléricales.
Mde Trooz. Le régime de 1842 était le vôtre.
M. Hymans. Je 11e parle pas de la loi de
1842, je parle des écoles normales. On connaît
l'esprit qui règne dans celles qui sont cléricales.
On connaît les ouvrages de l'abbé Bataille qui
traite nos libertés de licences effroyables, amenant
la dissolution sociale Nous avons signalé ces faits
M. de Trooz, mais il n'a pas désavoué l'abbé
Bataille il s'est borné dire que la famille édi
terait une édition expurgée.
Je ne connais pas cette nouvelle édition, mais
on m'assure que l'ancienne continue être utilisée
dans les athénées je signale le fait M. le
ministre de l'instruction publique.
D'ailleurs, il y a quelques jours, on me signalait
un nouveau manuel d'histoire du chanoine Can-
taert, de Gand, qui donne le même enseignement
apologie de Philippe 11, mépris des libertés mo
dernes, distinction entre la thèse et l'hypothèse
propos de la Constitution, etc.
Or, que vaut cet enseignement congréganiste
Qu'on en juge en 1902, sur 6,726 professeurs,
il y en avait 2,032 qui n'avaient pas de diplôme.
M. Huysmans. Il suffit d'une soutane
M. Hymans. Sur la valeur de l'enseignement
donné dans les écoles libres, le rapport de la Ligue
de l'Enseignement, du M. Speyer, sur la situation
de l'instruction primaire, renferme ce témoignage
émané d'une haute autorité pédagogique
On peut dire avec certitude que les élèves des
écoles libres sont en retard de trois ans sur les
élèves des écoles communales...
M. Carton de Wiart. C'est M. Speyer qui
dit cela?
M. Hymans. Non, c'est une autorité péda
gogique que je connais.
M. Carton de Wiart. Qui est ce M. Trois
Points
M. Hymans. Je me suis renseigné et j'ai
pleine confiance dans son attestation.
Et le rappoJt ajoute L'insuffisance de l'ensei
gnement se manifeste surtout dans les branches
suivantes ignorance absolue en histoire, en géo
graphie et en sciences naturelles. Faiblesse extrême
en orthographe et en calcul mental. La lecture et
l'écriture sont relativement soignées; mais les
résultats obtenus trahissent l'emploi de méthodes
purement mécaniques.
Cesappréciationssont confirmées, pour Bruxelles,
par les constatations suivantes qui proviennent de
la même autorité sur 24 garçons, normaux,
élèves réguliers des écoles libres, se présentant
dans les écoles communales, pas un seul n'a pu
être classé dans la division destinée aux enfants de
son âge.
Sur 50 filles, le même cas se produit.
Ce retard, ajoute-t-on, s'explique par le temps
considérable consacré aux prières et aux ouvrages
de mains dans lesquels ces enfants excellent. La
même constatation, dit le rapport, est faite par
l'unanimité des correspondants.
Si l'on compare les résultats de l'enseignement
en pays flamand, où l'enseignement libre prédo
mine, et en pays wallon, où prédomine l'ensei
gnement communal, on constate que sur 100 mili
ciens flamands incorporés et examinés en 1904, il
y avait 13 analphabètes; sur 100 miliciens wallons,
il n'y en a que 8.
Si, d'autre part, on cherche la proportion de
ceux qui savent plus que lire, écrire et calculer et
qui ont donc retenu les bénéfices de l'ensei
gnement primaire, on constate qu'il y en a 8 sur
100 miliciens flamands et 19 sur 100 miliciens
wallons.
Les résultats globaux du régime scolaire sont les
suivants
D'après le recensement de la population de
1900, il y avait alors 19 p. c. d'illettrés, déduction
faite des enfants de moins de 8 ans. D'après les
examens l'incorporation des miliciens de 1904,
il y a 17 1/3 p. c. d'ignorants, ne sachant rien ou
ne sachant que lire et 40 p. c. d'hommes ne possé
dant pas les notions élémentaires lire, écrire et
calculer.
Et on nie la nécessité de l'instruction obliga
toire. Il faut ajouter que la majorité des enfants
quittent l'école 10 ou IX ans; que la fréquen
tation n'est que de cent nonante jours, soit environ
six mois par an, et que sur 163,000 enfants qui
ont quitté l'école en 1901-1902, 24,000 seulement
avaient fait des études primaires complètes.
11 faut ajouter ce trait final c'est qu'il y a au
moins 100,000 enfants qui 11e fréquentent aucune
école. Oh! je sais! vous contesterez le chiffre
vous avez, parait-il, en poche, une statistique
triomphale pour démontrer l'inexactitude de ce
que je dis.
M. de Trooz. Et votre chiffre de 100,000.
M. Colaert. Les chiffres de M. Hymans ne
tiennent pas!
M. Hymans. 1 Mon cher collègue, vous avez
bien écrit un rapport où il est dit qu'il y a plus
d'enfants fréquentant les écoles qu'il n'y a d'en
fants en âge d'école.
M. Colaert. Vous n'avez pas lu mon rapport
et je vous défie de réfuter mes chiffres.
M. Hymans. Vos statistiques ne sont pas
contrôlées, mais, ce qui est vrai, c'est que les
directeurs d'écoles ont intérêt grossir le nombre
de leurs élèves parce qu'ils reçoivent des subsides
en conséqnence.
Voici mes présomptions ce sont deux chiffres
du gouvernement qui constituent un aveu. En
1897, le gouvernement avouait le chiffre de
121,000; en 1900, ce chiffre, d'après les bases de
calcul qu'il adoptait, devait être de plus de 130,000.
Qui croira qu'aujourd'hui, en quelques années, ce
déficit énorme serait comblé?
Deuxième aveu du gouvernement. En 1900, il
évaluait 14 p. c. de la population totale du nom
bre d'enfants eu âge d'école qui fréquentent l'école
primaire. Or, les enfants en âge d'école représen
tent 16 p. c. de la population totale. Le chiffre
des enfants en âge d'école qui ne reçoivent pas
l'instruction s'élève donc 2 p. c. de la popula
tion totale, soit 133,000 enfants!
M. de Trooz.Mais nous sommes en 1906
M. Hymans. Je raisonne sur des présom-
tions.
En 1897, il y avait, d'après vous, 121,000 en
fants n'allant pas l'école et cinq ans plus tard
tous les enfants iraient l'école? Comment pou-
vez-vous le prétendre Un journal catholique a dit
qu'il y avait environ 30,000 enfants n'allant pas
l'école; cela n'est pas moins absurde, car cela ne
ferait que 15 20 enfants par commune.
L'instruction obligatoire se justifie donc pleine
ment et elle est appliquée partout l'étranger.
Cette idée est inattaquable. L'intérêt supérieur de
l'enfant domine toute notre législation sociale.On
parle d'expansion sociale et de démocratie: tout
cela n'est possible qu'avec l'instruction des enfants
du peuple. Au surplus, MM. Verhaegen, Renkin,
Carton de Wiart, d'autres encore ont défendu le
principe de l'instruction obligatoire.
M. Teurlings, conseiller communal catholique
Schaerbeek, a fait un discours en faveur de l'in
struction obligatoire, et Bruxelles, sauf deux
abstentions, les membres de droite ont voté un
vœu en faveur de l'instruction obligatoire.
Les journaux catholiques invoquent le peu d'ef
fet des lois sur l'instruction obligatoire l'étran
ger; si, en France, la loi n'a pas donné tous les
résultats qu'on en espérait, c'est surtout dans les
arrondissements catholiques, en Bretagne, notam
ment, que cet échec se constate.
M. Colaert. Il y a cinq enfants sur 100 en
France qui ne fréquentent aucune école.
M. Hymans.Il n'empêche que le chiffre des
miliciens français illettrés est, depuis la loi, tombé
de 14 p. c. 4 p. c. Tâchons d'obtenir pareil
résultat ce sera un grand bénéfice et un grand
honneur pour notre pays. (Très bien gauche.)
En Hollande, un an après la promulgation de
l'instruction obligatoire, la population scolaire a
augmenté de 11 p. c. et pareil phénomène s'est
produit partout.
On dit que nous voulons supprimer la liberté
du père de famille cela est absolument inexact.
Dans tous les ordres du jour votés par les conseils
communaux, on a inscrit le respect du choix de
l'école par le père de famille.
Je considère le libre choix de l'école par le père
de famille comme une prérogative sacrée qu'il faut
respecter et je ne voudrais pas enlever cette liberté
aux parents je l'affirme haut et ferme
M. de Trooz. Et les subsides
M. Hymans. C'est autre chose, cela
MVerhaegcn.Si les subsides sont également
répartis entre les deux enseignements, je suis par
tisan de l'instruction obligatoire.
M. Hymans.Vous faites donc de la question
de la liberté de l'enseignement une question de 1
gros sous
M. Car loti de Wtart. C'est une question de
conscience
M. Hymans. Votre conscience exige-t-elle
qu'on vous donne de l'argent?
M. Verhaegen. Notre conscience exige l'éga
lité or, il n'y a pas d'égalité si le père de famille
catholique n'est pas mis sur le même pied que Je
père de famille libre-penseur.
M. Hymans. Au surplus, l'idée de M. Ver
haegen n'est pas celle de la droite M. Woeste l'a
condamnée ex cathedra.
Vous vous faites de la liberté de conscience une