Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement. Dimanche, 12 Mai 1907. 67e année. i\° 19. PRIX I)E L'ABONNEMENT: p,our la ville Par an 4 francs. Par an 4 fr 50 Par an (i fr. 0O ANNONCES: Le Parlement Maître. La Chambre. l'union fait la kokce. i'araiHHtiHl le iàhmttwhe. Vikes acquirit eundo. p la province pr létranger On s'abonne au bureau du journal, rue de Uixmude, 53, Ypres. Les annonces, les faits divers et les réclames sont reçus pour l'airondissement d'Ypres et les deux Flandres au bureau du Progrès. Pour la publicité en dehors des deux Flandres, s'adresser exclusivement au Comptoir de Publicité JACQ03S THIBESARD, 14, Place de Brouckère, Bruxelles, téléphone 5230. Pour les annonces ou traite forfait. Annonces 15 centimes la ligne. Réclames 25 Annonces judiciaires 1 fr. la ligne. Le pays est rentré Mardi dans sa vie régulière, le pouvoir souverain, celui de la Nation a pu se manifester le Parlement a repris la parole Et l'on a pu s'en rendre compte tout de suite, sa voix parle encore liant et ferme, quoi qu'on ait teuté, et lors qu'elle s'élève, il faut bien que les an tres se taisent. On s'y attendait. La déclaration mi nistérielle. que M. de Trooz, ne réus sissant pas la lire la Chambre, a lue au Sénat, s'accompagne du dépôt par le gouvernement du projet de loi sur les mines que l'arrêté royal avait reti ré. Ou aura beau invoquer des arguties, il y a là une reculade on a dû céder et, sinon déchirer, l'an été de retrait, du moins en anuuler les effets Première victoire du Parlement. Cette déclaralion ministérielle an nonce un projet de reprise du Congo. Au mois de Juin dernier, la lettre du Roi traitait en adversaires ceux qui voulaient- tout de suite examiner ce grave problème. On va le discuter, on aura le débat complet qui était indis pensable. Les deux faits saillants de la journée sont là Et puis, il y a les séances des deux (JhauiOres. Elles ont été très significa tives, elles aussi. Tandis qu'au Séuat deux membres modérés de la Gauch libérale, deux sénateurs qu'on ni peut suspecter de vouloir îles bouleversements, MM. Dupont et San Wiener, disaient l ut teiu e inaluiissible au régime parle mentaire, tandis que M. Wien.tr stig matisait avec tant de clarté un acte que seul eût pu se permettie le gou vernent mt île Napo'.eon, la Chambre, nettement, était marquée, imposée, la subordination du pouvoir exécutit au pouvoir législatif Avant que le gouvernement pût par ler, il a fallu que la Chambre parlât. Avant que M De Trooz pût expliquer <•- que le mtm-tèie compte faire, il a filluque fût relevée l'offense faite au Parlement. Et c'est sur les droits du Parlement, rur ta dignité, sur ses prérogative?-, q i'a roulé tout le débat qui n'est point t rnnné. Le gouver nemant, le po ivo:r exécu t f, parlera quand nous aurons parlé, quand aura été relevée l'insolence dout le Parlement a été l'objet el a été, en somme, le langage de la Gauche, de le Gaucho tout entière. Et il a fallu qu'on t'entendît. A pre i l'incident soulevé t ré-, digne- meut par M Furnémonf, aprél'apos t ophe éluqueulo et mesurée do M. Djotréeae président. Al. De Trooz a dû i noncer lire sa déclaration. Après la suspension de séance, M. De Trooz a i tenter de s'expliquer, tandis que M. d Smrt de Naeyer se taisait Et alors est venu M. Jauson. L'arrivée la tribune du vieux par- I uientaire, qu'une ovation de toute la G niche investissait d'une autorité eu- vure accrue, saluait comme le repré sentant des traditions dans lesquelles i1 a vécu et que l'on entend défendre avec lui, a vraiment eu de la grandeur. L\ Droite a semblé le comprendre. Elle n'a pas teuté de troubler le dis cours du vieux leader libéral. Et me sure que se développait ce discours m igistral, d'une noblesse calme, d'une lergie concentrée, mesure que Co nteur évoquait les faits, rappelait les t -ntatives systématiquement poursui vi s dans le but de diminuer la dignité et le rôle constitutionnel du Parlement, disait ses inquiétudes patriotiques de vaut les tentatives dangereuses pour l'ordre, la situation se dessinait plus claire. Devant le pouvoir exécutif, de vant ces ministres qui venaient de cé (1er par le dépôt du projet le loi sup primé il y a trois semaines, devant ces ministres et leurs amis silencieux, c'était le régime constitutionnel, c'é tait la souveraineté nationale qui se dressait et dont la voix dominait les autres. Cette voix est toujours jeune, comme restent vigoureuses nos vieilles traditions d'indépendance. La journée de Mardi a été excellen te, réconfortante. Le Parlement a re pris sou rang. Nous reproduisons ci-après d'après le Compte-rendu analytique le superbe discours prononcé la Chambre par M. janson au sujet du retrait du pro jet de loi sur les mines. M. Janson la tribune. Applaudis sements prolongés gauche.) M. le minis tre ne s'est pas borné seulement parler de l'incident personnel M. le président il a abordé le fond de la question et il a apporté des explications pitoyables... Al. Léonard. Ridicules AI. Janson. et qui dénotent dans son esprit une incohérence stupéfiante {Exclamations adroite.) Ou M. le président a connu l'arrêté royal' du 11 Avril, ou il l'a ignoré. M. le président nous dit qu'il l'a ignoré. C'est invraisem blable. Dans la pratique parlementaire, le président fait en quelque sorte partie du gouvernement et il est incroyable que le chef du gouvernement ayant obtenu du roi, qui a obéi des conseils détestables, qu'il signât cet arrêté, n'en ait rien dit au prési dent de notre assemblée. Il n'en reste pas moins vrai qu'on a fait jouer notre président une misérable comé die parlementaire. Quand nous l'avons por té la présidence, nous avons été guidés par la droiture et la fermeté de son caractè re nous étions convaincus qu'il saurait protéger et défendre la dignité du parle ment. Très bien gauche.) Il n'en a rien fait!... Bien plus, lorsque toute la gauche libérale a pris un ordre du jour qu'elle a eu la courtoisie de communiquer M. le prési dent, celui-ci n'a même pas eu la politesse d'en accuser réception. Enfin, la Chambre ignorant l'existence de l'arrêté royal, M. le ministre des finan ces a demandé d'une voix doucereuse que la Chambre s'ajournât et M. le président a dit amen Or, qui niera qu'il y eût ici un seul mem bre même parmi les nouveaux ministres qui ne se fut insurgé si ce moment nous avions connu ce retrait {Nouvelle approbation.) Je suis en ce moment partagé entre un sentiment d'indignation et de révolté et un sentiment d'amertume et de tristesse. Car ce n'est pas sans douleur et sans chagrin que l'on voit un arrêté royal dessaisir le Sé nat d'une loi régulièrement votée par la Chambre. L'histoire ou la légende rapporte que, certain jour, Louis XIV entra au parlement, botté, en costume de chasse et la cravache la main en s'écriant L'Etat c'est moi Nous ne vivons plus sous un tel régime Il y a deux choses dans l'arrêté du 12 Avril D'abord le retrait de la loi sur les mines ensuite, l'ordre au gouvernement de transmettre cet arrêté aux Chambres. Cet arrêté royal ressemble un ukase de l'Empereur de Russie il est sec, dur, bru tal, grossier. Alors que le moindre arrêté royal annulant la moindre décision d'un conseil communal est motivé, l'arrêté du 12 Avril ne contient pas un mot d'explication sicvolo sic- jubeo sic pro ratione volun- tas C'est un coup de chicotte administré au parlement non pas comme au Congo dans le dos mais en plein visage. Longs appla udissements ga uche. Or, nous ne sommes pas disposés accep ter le régime de la chicotte parlementaire. ^NofPveaux applaudissements.) Et qu'on ne cherche pas ici des échappatoires. Je ne découvre pas la Couronne je m'adresse vous, ministres, qui engagez la monarchie dans une voie funeste et la compromettriez, si elle pouvait être compromise Quelle est votre système de défense Vous n'aviez pas l'arrêté Bruxelles le 11 Avril mais ne l'aviez-vous pas proposé Ne l'a viez-vous pas signé avant de l'envoyer au Roi Le journal officieux du ministère, le Journal de Bruxelles, a dit naïvement que dans les deux heures vous aviez été in formés de la signature du Souverain Le télégraphe fonctionne, en effet, je crois, entre Bruxelles et le Cap Ferrât. M. Furnémont. Il n'y a même que cela qui fonctionne (Rires l'extrême gauche.) M. Janson. C'est, dites-vous, pour ne pas exercer une pression sur le parlement que le gouvernement s'est tu. Il a fait bien pire D'un, trait de plume, il a annulé l'œuvre législative de toute une année. {Très bien M. le ministre ajoute qu'il a usé d'un droit constitutionnel. Ne perdez pas de vue que les Constituants avaient vécu sous un régime caractérisé par l'arbitraire royal. Ils proclamèrent donc ce premier principe es sentiel aujourd'hui méconnu c'est que tous les pouvoirs émanent de la nation et que le roi n'a que les droits que lui confèrent la Constitution. Peut-on donc lui reconnaître le droit d'exercer un veto anticipatif Je ne le crois pas. Le veto définitif lui- mé.i.e ne peut être exercé qu'avec une ex trême prudenee et une très grande réserve. Je m'en réfère sur ce point de droit aux ex cellents discours prononcés dans cette en ceinte par MM. Neujean et Huysmans. M. Huysmans. Je partage votre avis et je maintiens mon opinion. M. Janson. Au surplus, lorsque dans une telle matière, si délicate, il y a contro verse, il faut s'abstenir de trancher la dif ficulté contre l'un des pouvoirs. Al. Neujean. Très bien En tout cas. l'arrêté était contraire l'esprit de la Constitution. M. Janson. On a cité des précédents, comme au Palais. Mais n'ai-je pas entendu un jour, un illustre magistrat de la cour de cassation dire que celle-ci n'était jamais plus grande que quand elle reconnaissait sfes er reurs Les précédents ne peuvent donc pas pré valoir contre le droit. Et puis il y a les pensées généreuses qui animaient les auteurs de la'Constitution dont il est bon de se souvenir dans des temps comme le nôtre. Rodenbach, en ap plaudissant le régime de la monarchie con stitutionnelle, ne disait-il pas Ayons donc une monarchie héréditaire avec une constitution, qui nous garantisse toutes nos libertés si chèrement achetées que le chef de l'Etat ait le pouvoir de faire le bien, jamais celui d'enchaîner les droits de la nation, jamais celui de' faire le mal qu'il soit soumis comme nous aux lois qu'il aura juré de maintenir, et que sa fidélité conserver intact le pacte fondamental soit la première condition de notre obéissance. Vous ne l'y encouragez guère, messieurs les ministres Le bien ce serait l'instruction obligatoire, le suffrage universel, le service personnel. {Tris bien Mais vous ne pouvez enchaî ner les droits de la Nation. M. Thienpont, de son côté, disait Une monarchie, dans laquelle les pou voirs du chef seraient tellement restreints que, sous la forme monarchique, nous joui rions de toute la somme de liberté dont ja mais aucun peuple ait joui, et qu'il soit pos sible de concevoir dans les gouvernements les plus libéraux, sous quelque dénomina tion qu'ils soient connue en un mot, une monarchie constitutionnelle représentative et héréditaire, modifiée comme ci-dessus, me paraît seule nous présenter une garantie de cette stabilité tant l'égard de nous- mêmes, qu'à l'égard des puissances étran gères. ami i M. Blare, ^nies, un jurisconsulte éminent, ai de M. Defaeqz, déclarait Citoyens, vos représentants vont éta blir une monarchie, ils vous le déclarent avec franchise mais ce sera une monarchie qui diffère de celle dont vous venez de vous délivrer, autant que le juste diffère de l'in juste, la liberté de la servitude, la bravoure de la lâcheté cette monarchie sera un con trat très clairet très précis entre vous et le chef de l'Etat, un contrat dont vous pourrez toujours exiger et obtenir l'exécution. Quant M. Destouvelles, il s'exprimait ainsi Aucuns se sont elévés contre la prodiga lité des Rois, contre le mauvais usage qu'ils font de leur liste civile et les moyens de corruption qu'elle met leur disposition la fixation de la liste civile appartient au Congrès. C'est lui tarir la source et des prodigalités et de la corruption l'amour, la reconnaissance, les bénédictions des peu ples, voilà le vrai luxe d'un monarque con- stitutionel. Celui que vous placerez sur le trône, sentira, il faut l'espérer, sa position, et dans tous les cas, vous lui ôterez les moyens d'en abuser. Qu'eût dit M. Destouvelles s'il avait as sisté au spectacle navrant que j'ai dénoncé dans cette Chambre de cette institution dé plorable et pestilentielle du bureau de la presse qui salit tout et fait suspecter toutes les opinions Très bien gauche.) Mais laissons là ces questions théoriques, car le fait est clair, indiscutable. La loi sur les mines n'était pas une loi d'ordre secon daire et accesssoire. L'ancienne loi avait été reconnue inefficace et insuffisante même avant la découverte des nouveaux bassins et l'admirable corps des mines que dirigea avec tant d'éclat M. Harzé était sans cesse paralysé dans son action par les vices et les lacunes de la législation. Mais enfin après de longs efforts, la nou velle loi est votée. D'excellentes choses y étaient inscrites en faveur notamment des ouvriers. Elle a donné lieu dans cette Cham bre des discussions du plus haut mérite. Bien plus, un moment donné, la Cham bre n'a pas pensé, comme le disait l'organe officieux du gouvernement, que les intérêts économiques étaient satisfaits parce que les intérêts du capital l'étaient. Elle a eu la vi sion très nette des lueurs fulgurantes qui passent dans le ciel et annoncent des orages qui seraient désastreux pour la fraternité des citoyens. La Chambre a donc voulu réaliser une loi de solidarité. Voilà les sentiments dont le projet s'est inspiré et le gouvernement, préoccupé des seuls intérêts du capital, a convié la Cham bre passer outre. Par bonheur, la Chambre ne l'a pas suivi et parmi ceux qui s'y sont refusés, j'en vois qui siègent dans le nouveau cabinet C'est alors que la loi a pensé aux enfants et leur a interdit l'accès de la mine comme elle l'interdit aux femmes qu'il con vient de laisser autant que possible au foyer domestique, Elle a pensé aussi aux vieil lards en leur assurant une pension de 360 francs par an, de quoi avoir du pain chaque jour. Puis est arrivé la question discutée et discutable du travail des adultes, propos de laquelle des opinions contraires ont été défendues avec talent. Et de tout cela, de par l'arrêté royal, il ne reste rien Existe-t-il un seul précédent d'un acte pareil dans un seul pays parle mentaire Il n'y en a pas. Interrogez vos ambassadeurs ils ne pourront vous citer aucun exemple de ce genre. Cet arrêté est donc une provocation et un défi lancé la classe ouvrière c'est un outrage tous nos travailleurs. {Très bien l'extrême gau che.) Une fois de plus, les fauteurs de désordre ne sont pas dans la rue mais au banc minis tériel. Nouvelles approbations.) Et n'est-il pas déplorable que les ministres du Roi l'engagent dans une pareille politique Encore si le gouvernement s'était senti appuyé par une majorité solide, ferme, unie, mais non les ministres étaient démission naires et ils ont compromis la couronne, comme ils l'avouent eux-mêmes. Voilà donc des hommes qui n'avaient plus qualité que pour expédier les affaires courantes, qui ac complissent un acte qui fausse et qui altère tout notre régime constitutionnel {Irès bien l'extrême gauche.) Et après l'avoir proposé, que font-ils On a vu des hommes politiques violer le

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Le Progrès (1841-1914) | 1907 | | pagina 1