Dimanche, 19 Avril 1908.
Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement,
68e année. A0 16.
Un beau discours.
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l'l-piion fait la force. le Oimaiielte. Vires acqlirit eundo.
Nous croyons bien faire en repro
duisant d'après les Annalesle beau
discours prononcé par M. Hymans
au cours de la discussion du budget
des sciences et des arts. Ceux de nos
lecteurs qui auront lu dans le Jour
nal dYpres la harangue de notre
Maïeur pourront comparer et faire
justice.
M. Hymans. Messieurs, le budget
qu'on appelait autrefois le budget de
l'instructiou publique, qui est devenu
en fait celui de l'instruction privée, et
qu'on a officiellement intitulé le bud
get des sciences et des arts, pourrait
donner lieu la discussion de nom
breuses et graves questions.
Il y aurait tout d'abord discuter
celle dont l'honorable M. Franck a dit
un mot hier, la réforme des études
moyennes et des études supérieures,
qu'unissent des liens si étroits. Il y au
rait discuter aussi la question de
l'orgauisationde l'enseignement moyen
des filles en Belgique qui. on peut le
dire, est presque îuexistant. Il y aurait
enfin examiner la question de la ré
organisation et du complément de
l'enseignement moyen des garçons,qui,
dans certaines parties du pays est tota
lement insuffisant. N'est-ce'pa's titre
chose inouïe que, dans les deux Flan
dres, il n'existe plus actuellement que
trois athénées? A côté d'un nombre
oonsidérable de collèges patronnés et
de collèges épiscopaux, il n'y a plus
que trois athénées dans les deux Flan
dres réunies Bruges, Osteude et
Gand
AI. Nolf. Et ils sont inaccessibles
aux eufauts de tonte notre région.
M Hymans (Jouime on le dit
mes côtés, ces établissements sont in
accessibles aux enfants de très nom
breuses familles habitant les petites
villes des Flandres.
Un exemple est caractéristique. Je
le découvre dans la ville que repré
sente ici l'honorable rapporteur du
budget de l'instruction privée, M. Co-
laert. Très bien 1 et rires gauche).
L'honorable M. Golaert est bourg
mestre de la ville d'Ypres écoutez
son histoire il y avait autrefois,
Ypres, uu collège communal. Lorsque
les libéraux arrivèrent, an pouvoir ils
y créèrent un athénée Après 1884, le
gouvernement catholique eut hâte de
supprimer cet établissement et le col
lège communal reparut mais l'hono
rable M. Coiaert, bourgmestre de la
ville d'Ypres et partisan de l'enseigne
ment privé, n'eut rien de plus pressé
que de supprimer le collège communal
si bien qu'il n'y a plus aujourd'hui
Ypres qu'nn seul établissement d'en-
h' igncment moyen, c'est le collège
épiscopal
M. Coiaertrapporteur. -- Et M.
Coiaert a voté contre la suppression
il i collège communal voilà comment
vous écrivez l'histoire Rires droite).
H. Capelle Les amis de Mr Co-
I mrt l'ont supprimé, malgré leur pro
messe avant l'élection .le le maintenir.
M. Hymans - Et voyez, Messieurs,
l'a Imitable contradiction...
H Coiaertrapporteur. Mais pas
du tout la contradiction est chez
vous puisque je vous affirme que j'ai
voté contre la suppression que vous me
reprochez.
M Nolf. Mais vos amis l'ont votée
et vous n'avez pas soutenu M deStners
q mnd il a interpellé la Ohambre.
SI. Coiaert, rapporteur. Je n'ai
du voulu blâmer le gouvernement
d'avoir approuvé la délibération du
conseil communal.
M. Hymans. L'honorable M. Co
iaert défend, devant cette Chambre,
la nécessité de la coexisteuc d'un en
seignement libre et d'un enseignement
public, entre lesquels les p irents pour
ront choisir.
Eh bi u, qu'a-t il fait, M Golaeit,
pour assurer le iibro choix de l'école
Il a, et si ce n'est lui ce sont ses amis,
supprimé l'enseignement public et as
suré le monopole de l'école épiscopale
Approbation gauche).
M. Coiaert, rapporteur. Toutes les
écoles primaires sont restées Ypres.
Protestations gauche).
M.. Hymans. Mon cher collègue,
j'estime que vous avez assez parlé
hier et aujourd'hui.
M Coiaertrapporteur. Et moi
j'estime que vous devez dire l'exacte
vérité. [Approbation droite).
M. le Président. La rectification
est faite N'interrompez pas davan
tage.
M. Hymans. Messieurs, le temps
malheureusement nous fait défaut pour
examiner d'une manière sérieuse et
approfondie les questions que je viens
d'avoir l'honneur d'indiquer la
Chambre. Elles viendront leur heure.
Nous assistons uu phénomène annuel
dans cette Chambre et îjue'l'opiiii'oïi
publique comprend aisément. L'atten
tion se fixe toujours avec le plus d'in
tensité sur l'enseignement primaire.
Et cela est naturel, car c'est le domaine
où se heurtent les idéals des partis, où
s'accusent le plus nettement leurs ten
dances et leurs divergences enfin.
Messieurs, l'importance qné de tous
côtés nous reconnaissons l'éducation
populaire, vient do ce que nous y
voyons ajuste titre le facteur essentiel
de la formation sociale de la nation.
Sans vouloir entrer pour le moment
dans des détails do statistique, s'il est
un fait qui, malgré les eftorts que l'on
a tentés pour l'obscurcir, frappe les
yeux de tout le monde, s'il est un fait
incontestable et contre lequel viennent
se briser tous les artifices de langage,
c'est qu'en Belgique, pour une raison
ou pour une autre, et nous verrous
tantôt pourquoi,"— l'enseignement pri
maire est d'une criante insuffisance.
(Approbation gauche).
M Lemonnier. Très bien
M. Hymans. Il y a un contingent
énorme d'enfants du peuple qui ne
fréquentent aucune école.
M. Lemonnier. C'est vrai.
M Hymans. - A ceux qui le contes
tent, j'oppose l'aveu de M. de Trooz
qui, dans un de ses rapports triennaux,
fixait 121,000, pour l'auuée 1897, le
nombre des enfants qui ne fréquen
taient aucune école. J'ai démontré, en
1906, devant la Chambre, que ce nom
bre était encore d'environ 100,000 Les
calculs exacts sont impossibles, car les
éléments précis, certains, font défaut.
Ils manquent l'honorable M. Coiaert
comme moi même. 11 faut raisonner
sur des présomptions. On peut, eaus
témérité, affirmer que le chiffre des
enfants, qui, en Belgique, ne fréquen
taient pas l'école est compris entre ces
deux limites, 70,000 et 100,000.
M. Claes. C'est un i caudale.
M. Hymans. Mais ne nous occu
pons pas pour le moment des enfaDts
qui ne sont pas inscrits dans les écoles
n'envisageons que ceux qui sont in
scrits, qui sont censés, par suite de
leur inscription, fréquenter l'école.
Ici, nous avons des données certaines
Eh bien, ce qui ressort clairement
des constatations officielles, c'est que
lg.e'iiffre des inscriptions est illusoire
et que'le plus grand nombre des en
fants qui sont censés fréquenter les
écoles ne les fréquentent en réalité que
d'une manière incomplète et irrégu-
lière. La plupart quittent l'école l'âge
île la première communion. Il n'y a
qu'une faible proportion d'enfants qui
font des éludes primaires complètes
le mal est patent, et vous ne lo nierez
pas. Il n'est, pour le supprimer, d'au-
ire remède que l'obligation scolaire.
Eh Messieurs, je me demande ce
que, si on lit le discours de l'honorable
rapporteur de l'instruction privée hors
de Belgique, on doit en penser.
Il n'y a que la Belgique qui repousse
l'instruction obligatoire sa situation
cet égard est unique en Europe. Il
n'est pas un pays civilisé qui ne se
glorifie de l'avoir établie on n'y
trouve pas de parti politique qui la
combatte ou rêve de la détruire. Gela
ne se voit qu'en Belgique.
Et tenez, l'autre jour, l'honorable
M. Golfs prononçait, un discours contre
l'instruction obligatoire et j'avais plai
sir l'écouter autant que les nombreux
interrupteurs qui l'assaillaient. Je fus
appelé hors de la salle par des amis
étranger;-, de passage Bruxelles, et
qui désiraient assister une séanoe de
notre parlement. Je les conduisis dans
ubh tribune et. ils écoutèrent M Golls.
L'éntenaant combattre l'instruction
obligatoire, un d'eux s'écria Com
ment, cet orateur voudrait supprimer
l'instruction obligatoire Je répon
dis Supprimer l'instruction obliga
toire mais nous ne l'avons pas Ils
manifestèrent quelque étonnement et
me demandèrent qui était M. Golfs.
Je dis M. Golfs est une des sommités
du parti catholique. (Rires sur les
bancs de Vopposition) En effet, M Golfs,
il y a quelques années, fut élu en tête
de la liste catholique Bruxelles, avec
10,000 voix de préférence. On me de
manda la raison de ce succès. Mais,
ajoutai je, c'est que M. Golfs est ad
versaire du service personnel. Gom
ment, me dit-on. il veut supprimer le
service personnel Supprimer, dis -
je, mais il n'existe pas chez nous
(Nouveaux rires sur les mêmes bancs).
La stupéfaction de mes interlocuteurs
augmenta et ma confusion également.
Je me tirai d'affaire en conduisant mes
amis dans la salle du Sénat, devant les
tableaux de Gallait (Hilarité gauche
M. Coiaertrapporteur. Vous au
riez pu citer les paroles de votre père
M Hymans. - Malgré les résistances,
cependant, le principe de l'instruction
obligatoire fait sa trouée. Il gagûe
des adhésions jusque dans le parti ca
tholique et, daDs ces derniers temps,
nous avons vu daus les conseils commu
naux des esprits avancés renoncer
combattre l'idée et se borner la subor
donner des conditions d'ailleurs inac
ceptables. MaiS quand la thèse dé
fendue ici par l'honorable M Golaert,
la thèse do la liberté des pères de
famille, que violerait la contrainte
légale, il reste seul la défendre enco
re. Et pour honorer cette survivance,
je propose déplacer le buste de l'hono
rable M. Golaert au Musée des antiqui
tés Nouveaux rires sur les bancs des
gauches
AI. Coiaertrapporteur. A côté de
celui de votre père, soit
AI Hymans. Les principaux argu
ments...
M Ptrmez. Vous êtes très aimable,
on le eait
M. Vandervelde. Il ne marche de
l'avant que quand il s'agit des fem
mes (Hilarité prolongée.)
AI Hymans. Eh bien j'engage les
femmes se méfier. (Nouvelle hilarité
sur les mêmes bancs).
M Pirmei. Gela devient de plus
eu plus sérieux
M Furnémont. Elles pourront se
crêper le chignon
M. Hymans. Je disais, messieurs,
que les principaux arguments dont
s'est servi M. Golaert sont des citations
extraites des Annales d'il y a un demi-
siècle. Gombien ce jeu est facile
AI. Coiaertrapporteur. Eh bieu,
vous pouvez l'imiter
M, Hymans Gombien j'aurais la
partie belle si je voulais l'imiter
Je suppose que l'honorable M Go
laert ne vondrait pas supprimer les
chemins de fer. Eh bien, quand on
proposa les crédits pour la construc
tion du premier chemin de fer, d'extra
ordinaires protestations se firent enten
dre. On annonça que la construction
des voies ferrées nuirait l'agriculture
et que le lait transporté par chemin de
1er arriverait l'état de beurre (Rires
Ge langage a été tenu ici.
M Rosseeuw. M. Rogier lui-même
a fait les pronostics les plus sombres.
AI Coiaert, rapporteur. Ge sont les
libéraux qui ont tenu ce langage.
M. Hymans. C'est Rogier qui a
fait décréter la construction des che
mins de fer. Mais ne discutons pas cela.
Une voix a droite Cela vaut mieux.
Al. Hymans La vérité est qu'il y
a cinquante ans la mentalité n'était pas
ce qu'elle est aujourd'hui.
Les idées régnantes étaient différen
tes et ceux mêmes qui ont vécu cette
époque et qui ont vu se dérouler la
suite des événements ont compris la
nécessité d'un développement plus
rapide et plus intense de l'éducation
populaire et se sont ralliés l'instruc
tion obligatoire.
C'est ainsi quç Frère-Orban, qui
l'avait longtemps combattue, ,a déposé
en 1883 un projet de loi décrétant
l'obligation scolaire.
On nous dit que c'est l'annonce de
cette réforme qui a soulevé l'opinion
publique contre le cabinet de 1878 et
a entraîné sa chute.
M Coiaertrapporteur. Ge projet
de loi y a été pour partie.
M. Hymans. Ge serait calomnier
le peuple belge que de le représenter
comme s'uisurgeant contre une mesure
démocratique destinée développer
l'intelligence et la moralité de la classe
ouvrière.
La vérité est que le parti libéral a
succombé une campagne odieuse
d'exploitation des impôts. Four 14
millions indispensables l'organisation
de l'enseignement public, vous l'avez
renversé et, il y a deux ou trois ans,
en quelques nuits et par la violence,
vous nous avez arraché le vote de 25
millions d'impôts sur les alcools
Voilà ce qui s'est passé.
L'honorable M. Golaert a été jusqu'à
dire que nous ne sommes partisans de
l'instruction obligatoire que pour faci
liter le cartel. Mais il n'était pas ques
tion de cartels en 1883. Le parti socia
liste n'existait pas alors.
On m'a opposé enfiu et ce n'est pas
la première fois, des citations tirées
d'ouvrages de mon père.
Mon père était un partisan ardent de
la liberté, il était adversaire de toute
contrainte...
AI. Coiaertrapporteur. Comme
nous
M. Hymans. il avait été élevé
dans cette idée il pensait que par le
seul effort de la libertéet de l'initiative
individuelle, on comblerait les lacunes
de l'enseignement.