POUR YPRES. Nos Remparts Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement. Dimanche, 25 Juin 1912 72 année. 25, l'KIX DE L'ABONNEMENT; f0uk la ville Par an -4 Iran ils Les derniers restes des remparts. devant le Parlement. A la Chambre. l'union fait la forci? j*aruiK»ant ie iàiutftHt'he. Vires acquirit elndo. la province Par an -4 IV p' l étranger Par an G fr GO Oa s'abonne au bureau du journal, hue de Dix.«une, 55. Vîntes. Les annonces, les fails divess et les réclames sont reçus pour IVt mJisseineu du Progrès. Pour la publicité eu dehors des deux Uomptoir de Publicité JACQUES THIBESARf) téléphone 5430. d Y près ei les deux Klandres au bureau Plan 1res, s'adresser exclusivement au Boulevard Anspach, Bruxelles, Ai, ANNONCES Annonces 15 centimes la ligne. Réclames 25 Annonces judiciaires 1 IV. la ligue. Il y a trois ans tout juste, en Juin 1909, je fus sollicité d'aller jeter un coup d'œil sur ce qui se faisait et ce qui se tramait dans la bonne ville d'Ypres. j'y allai. J'y rencontrai de ces gens de goût, notamment M. le député Nolf et m. Arthur Butaye qui s'intéressent la conservation de l'inestimable beauté des vieilles cités comme celle-ci, beauté dont une nation se montre volontiers fière tout en la laissant détruire par les imbé ciles. Dès l'arrivée, l'issue de la gare, mes yeux furent désagréablement surpris de vant le tableau que présente aujourd'hui l'entrée d'Ypres, privée du côté gauche des anciens remparts qui lui donnaient tin char me spécial, caractéristique, en harmonie avec la ville elle-même, ses édifices et ses rues. C'est avec un profond dégoût que je retrouvai ce coin banalisé restes de l'en ceinte disparue, fossé comblé, terrain nivelé et, dessus, un bon pâté de maisons neuves fabriquées selon la dernière recette Renais sance flamande, par des esthètes qui croient avoir tout résolu en mettant ces produits d'un faux archaïsme la place de choses respectables, stupidement détruites. Restait l'autre côté, conservant les vesti ges du vieux bastion miré dans l'eau du fossé et couronné d'arbres d'une silhouette exquise. Le regard du voyageur débarquant Ypres était attiré, séduit par ce bout de paysage qu'on voyait sur la droite il s'y réfugiait avec bonheur, s'y concentrait, s'y complaisait, y cherchait une diversion sa lutaire l'affligeante impression du reste. On me dit Il est question de compléter l'em bellissement de cette place qui donne ac cès dans notre ville. Ah!... Et comment En rasant ce que vous voyez là, ce qui subsiste encore du bastion avec les arbres qui le couronnent, en comblant le fossé ainsi qu'il fut fait de l'autre côté, et en érigeant sur le terrain aplani la nouvelle caserne de gendarmerie que réclame le pro grès des lumières dans les villes modernes... Vous ne bondissez pas Moi Pas du tout. Pourquoi voulez- vous que je bondisse l'annonce d'une chose si simple et si naturelle Mon expérience et elle est d'un certain âge m'a suffi samment appris que plus un projet de l'es pèce est idiot et ignoble, plus il a chance de réussir. Il me paraît que rien ne manque celui-ci comme stupidité et ignominie. C'est pourquoi je trouve tout naturel qu'il y soit donné suite. Ne raillez pas. D'ailleurs la chose n'est point faite. On hésite. On craint d'en par ler. On va presque nier.... officiellement.... Il faut espérer encore que le projet n'abou tira pas, qu'il rencontrera une opposition irréductible. Mais, je le répète, les plans sont arrêtés. Quelques mois plus tard en Mars 1910 je recevais cette communication, que j'ai pieusement gardée L'affaire est faite. On démolira le rem part et on établira sa place une caserne de gendarmerie. C'est décidé, c'est signé. Oh I la démolition ne se fera, pas en une lois. La moitié d'abord, le strict nécessaire pour construire la caserne. Puis une couple d'années après, on constatera la nécessité d'achever l'opération, et que, d'ailleurs, ce qui reste ne vaut pas la peine d'être con servé. Le tour sera joué ainsi. Je croyais donc l'affaire faite comme l'assurait mon correspondant, et toute pro testation devenue inutile puis d'autres ob jets réclamèrent mon attention. Ah nous n'en manquons pas de sottises et de vanda- lismes signaler et combattre Or, voici que j'apprends que rien n'est fait encore si les plans furent dressés et arrêtés de la fa çon hypocrite que je viens de dire, l'exécu tion est toujours venir. Et celle-ci, malgré tout, rencontre une opposition qui se traduit au Parlement. Au Sénat, tout récemment, M. Van de Venne s'est exprimé ainsi La convention conclue entre l'Etat et la ville d'Ypres, en vue de la construction d'une nouvelle caserne de gendarmerie et de l'aménagement de ses abords, condamne la démolition une partie des remparts de l'an tique cité et l'abatage d'un superbe bou quet de vieux arbres qui les couronnent. Tous ceux qui ont visité Ypres, ne fût-ce qu'une seule fois, se souviennent de l'im pression provoquée par ce coin pittoresque. Au touriste sortant de la gare, il donne une première sensation bien en harmonie avec toutes celles qui l'attendent en face des mo numents, qui sont nombreux, même sans compter les Halles et l'église Saint-Martin. Remplacer ce coin des remparts par une ca serne, fût-ce de gendarmerie, c'est enlever d'un cadre de caractère la peinture d'un pri mitif et la remplacer par une vulgaire chro mo... Je ne puis me défendre de rapprocher ces paroles, qui viennent d'être prononcées dans l'auguste assemblée des pères-conscrits, de ce que j'éprouvai et exprimai moi-même il y a trois ans, en débarquant Ypres. Il y a là un sentiment qui ne peut être que partagé par tous ceux que le bon français d'autrefois appelait les honnêtes gens Donc, le dernier reste des remparts est toujours là, avec le fossé et bouquet d'ar bres. La vision qui m'avait charmé conti nue de charmer tous les voyageurs curieux. On s'apprête les supprimer, mais on n'y a pas touché encore. Tant qu'on n'y aura pas touché un sauvetage est possible. M. Van de Venne a conclu ainsi Je prie le chef du cabinet de confirmer la résolution des ministres de la guerre et des chemins de fer, qui consiste se rendre sur place en compagnie de MM. Hymans et Vandervelde, afin d'examiner, avec les dé putés d'Ypres, si l'exécution éventuelle de la convention laisserait intact le site des an ciens remparts. Et M. Vandenpeereboom a ajouté je suis convaincu que l'administration communale d'Ypres se mettra aisément d'accord avec le gouvernement pour main tenir les vestiges des fortifications de cette ville. Quand au bâtiment pour la gendar merie, j'espère que le gouvernement lui donnera un style en harmonie avec les an ciens monuments de la ville. Verbiage parlementaire flagrante con tradiction si l'on veut maintenir les ves tiges des fortifications il faut renoncer bâtir la caserne la place indiquée pas de milieu nulle conciliation possible c'est prendre ou laisser le vénérable'débris dont la conservation importe occupe tout d'abord l'emplacement où l'on prétend édi fier la caserne. L'exécution de la convention ne laissera pas du tout le site intact ce site sera cham bardé, je le certifie aux membres de la commission officielle qui doit y aller voir et qu'il est inutile de déranger. Je n'ai d'ail leurs aucun doute en ce qui concerne Hy mans et Vandervelde leur impression sera conforme la mienne, et leur avis sera don né en conséquence. Il est une chose absolument établie, au sujet de quoi toute discussion est close, tout examen nouveau superflu c'est qu'il ne faut pas toucher au rempart et qu'il faut, conséquemment, si l'on tient bâtir une ca serne, la mettre ailleurs qu'à l'endroit dé signé. A Ypres, les emplacements ne manquent pas.^'obstiner vouloir la mettre ici, c'est faire preuve d'une mentalité par trop... gen- darmophile. Au fait, cette mentalité-là se conçoit au jourd'hui mieux que jamais la gendarme rie est une situation qui vient d'acquérir un nouveau lustre elle a concouru glorieu sement la célébration de la grande vic toire cléricale de la semaine dernière, et c'est" grâce elle que la joie du peuple belge célébrant ce triomphe a été complète. On comprend maintenant surtout combien les casernes de gendarmerie sont devenues en Belgique, avec les couvents, les monu ments essentiels. Toutefois ce n'est pas là ltore une raison suffisante pour vandali- ser Ypres. Mon ami Bob, l'autre jour, faisait res sortir certains détails de notre civilisation particulière qui, sans importance capitale par eux-mêmes, en prennent une singulière en tant que manifestations de l'âme belge l'étranger timbres-postes ignominieux comme ceux de la dernière fournée, indica teurs de chemins de fer d'un polyglottisme ahurissant et grotesque, affiches-réclames d'aspect calamiteux, monnaies ridicules qu'on hésite reconnaître dans l'union latine etc. Il nous restait leur montrer avec un cer tain orgueil, ces étrangers, uos cités glo rieuses. Mais nous sommes f...ichus, si on livre les Florences de la brume »-aux con structeurs de casernes de gendarmerie. Jean d'Ardenne. Séance du Vendredi S Mai 1912. Motion d'ordre. M. Nolf. Messieurs, la Chambre, la fin de la séance d'hier, après le départ de mon dernier train, a bouleversé son ordre du jour et décidé de discuter en seance de ce matin toute une série de projets qui ne de vaient être discutés aujourd'hui que dans l'après-dîner. Rien ne faisait prévoir ce changement ap porté l'ordre de nos travaux et ce n'est qu'en entrant en séance ce matin que j'ai appris qu'une séance extraordinaire avait été fixée 9 heures du matin. Je n'avais pas été touché par la convoca tion mon courrier parlementaire, Ypres, ne m'est en effet distribué qu'à 9 heures du matin. Parmi les projets de loi qui ont été discu tés figurait celui relatif aux aliénations de biens domaniaux. Je comptais, au cours de la discussion de ce projet, proposer la dis jonction de la convention qui figure sous le n° XVII, qui comporte un échange de ter rains entre la ville d'Ypres et l'Etat. Cette convention, qui semble avoir passé inaperçue au sein de la commission chargée d'examiner ce projet, a soulevé des critiques sévères dans la presse et le monde des ar tistes. De quoi s'agit-ii, en effet 11 s'agit d'é riger l'entrée de la ville d'Ypres une ca serne de gendarmerie un emplacement qui nécessitera la démolition partielle, d'au cuns craignent totale dans la suite, dr s vieux remparts qui attirent les regards du touriste qui débarque dans notre ville. Jean Dardenne, dans la Chronique errante, a été amené donner son avis au sujet de ce projet et voici dans quels termes il l'ap précie Vous connaissez Ypies, écrit-il, et vous voyez d'ici l'entree actuelle de la ville, l'is sue de la gare. On a banalisé cette entrée en supprimant, du côté gauche, ce qui restait de la vieille enceinte et du fossé et en éri geant sur le terrain nivelé un pâté de mai sons fabriqué selon la dernière recette renaissance flamande. Là tout est dit le charme est rompu. Reste le côté droit, qui conserve les ves tiges du vieux bastion miré dans l'eau du fossé et couronné de groupes d'arbres d'une exquise silhouette. Ici du moins, la beauté persiste. Derrière ces restes vénérables et charmants de l'ancienne place forte s'étend l'Esplanade avec la caserne au fond. Le regard du visiteur est attire et séduit par ce coin du tableau qui se présente l'entrée d'Ypres. Et rien n'égalerait Létonnement de l'homme doué de quelque sentiment de l'esthétique lorsqu'il apprendrait tout d'a bord que l'on songe embellir cette en trée en rasant ce qui subsiste du bastion avec les arbres qui le couronnent, cela va de soi, en comblant le fossé et en érigeant sur le terrain aplani et nivelé!... une caserne de gendarmerie Cette appréciation de Jean Dardenne, dont nul ne contestera l'autorité, n'est pas isolée. Le Bulletin de la Société nationale pour la protection des sites et des monu ments n 'est pas moins sévère dans ses criti ques. Voici ce que je lis dans le numéro de Mars 1911 Les villes ayant conservé leur enceinte sont devenues rares en Belgique. Il y aurait lieu de maintenir ces vieilles murailles qt i intéressent l'histoirede noscités et l'histoire militaire du pays. 11 n'est pas trop de tou tes les bonnes volontés pour atteindre ce but. Un nouvel exemple de vandalisme, en partie évité, s'est produit Ypres. On sait tout le pittoresque que ces vieux remparts donnent la vieille cité flamande. Or, le conseil communal avait conclu une conven tion avec l'Etat pour la démolition d'une partie de ces restes. Grâce la presse et de puissantes interventions, on conservera la partie du bastion faisant saillie sur les fos sés et un nouveau chemin d'accès sera pra tiqué dans le square qui sera créé près des murs conservés. «C'est un provisoire qui ne donne nulle garantie. Il faudrait que la commission dés monuments admette les remparts d'Ypres comme monument et les range dans la 3e classe,comme elle a fait pour une partie des fortifications de Termonde. Lors du congrès d'art public, tenu Ypres, il n'y eut qu'une voix pour récla mer le maintien intégral de nos remparts. Enfin, M. Arthur Butaye, l'auteur de l'ex cellent guide d'Ypres, dans une lettre adressée Jean Dardenne et qui fut pu bliée, s'élève également contre le projet et s'exprime comme suit L'affaire est faite. On démolira le rem part, on établira sa place une caserne de gendarmerie. C'est décidé, c'est signé. Oh la démolition ne se fera pas en une fois. La moitié d'abord, le strict nécessaire pour construire la caserne. Puis dans une couplé d'années on constatera la nécessité d'ache ver l'opération on dira que ce qui reste 11e vaut plus la peine d'être conservé. Et le tour sera joué. Ainsi donc, ce qui frappe le visiteur dès son arrivée chez nous, ce qui l'avertit qu'il entre dans ur.e ville d'art et de souvenir, ce qci fait qu'Ypres n'est ni Poperinghe ni Roulers, ni une ville d'usines, ni un amas de maisons quelconques, que derrière ces remparts, il y a un passe historique qui pal pite encore, ce beau reste de muraille sur monté de ce fier panache d'arbres reflété dans les eaux du large fossé, ce joyau que Bruges envierait peur le mettre côté de son lac d'amour, nos édiles le sacrifient, le rasent pour y établir quoi Une caserne de gendarmerie. C'est odieux. Messieurs, il s'agit de savoir si la Cham bre va approuver cette convention, qui im plique la démolition d'une partie de nos vieux remparts et qui ne nous donne aucune garantie pour l'avenir. Je suis sans parti pris dans cette question et je n'ai pas la prétention d'invoquer une compétence per.-onnelle mais je suis in quiet des critiques que j'entends formuler autour de moi. En les signalant la Cham bre, je ne poursuis qu'un but dégager ma responsabilité et mettre la Chambre en garde contre un vote de surprise. En pré sence de ces appréciations qui émanent de personnes compétentes et desintéressées, il me semble que la Chambre ferait bien d'y regarder deux fois avant d'autoriser le genie militaire construire la gendarmerie l'endroit prévu par la convention. Rien ne nécessite du reste rétablisse ment de celte caserne en cet endroit. Il y a Ypres d'autres emplacements trouver. J'ajoute que l'Etat y possède des bâtiments militaires désaffectés, comme la caserne S.ii i(e-Barbe. qui a logé jadis un détache ment de cavalerie et qui n'est occupée ac tuellement que par un seul homme, l'ad joint du génie. Ua gendarme! ie y serait mieux installée qu'à l'Esplanade cette ca ,ernc présente en outre l'avantage d'être situé-3 proximité du Palais de Justice et quelques mètres seulement de la plaine des manœuvres. Je 11e cite cet emplacement qu'à titre d'exemple, il y en a d'autres en core. 11 n'y a donc aucune nécessité d'aller construire la nouvelle gendarmerie l'Es planade et s'il ne s'agit que d'une question d'embellissement, très cont -siée comme

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Le Progrès (1841-1914) | 1912 | | pagina 1