JUSTICE.
Audience du 22 Octobre.
«Je notre gouvernement le remboursement in-
te'gral des pertes mate'rielles qu'elles ont e'prouve'es
dans cette terrible nuit et les jours qui l'ont
précédée ou suivie. Quand donc les hommes
issus de la révolution se souviendront-ils de
ceux qui ont tant souffert par elle?... Espérons
que dans la session prochaine des chambres le
ministère actuel présentera un projet de loi
fesant droit aux justes réclamations des intéressés.
Des transports de chevaux, venant de la Hol
lande et destinés pour la Francecontinuent
journellement a traverser notre ville. Hier matin,
vers neuf heures, nous avons vu un transport de
80 chevaux; un autre de 5o a traversé la ville
aujourd'hui la même heure.
On écrit de La Haye, 28 octobre
M. le comte Gustave de Lannoy, envoyé de
S. M. le roi des Belges, est arrivé en cette
résidence pour féliciter, au nom de son souverain,
S. M. le roi éuillaume II, k l'occasion de son
avènement au trône des Pays-Bas; il a été admis
hier matin a l'audience royale.
On écrit de Paris, 29 octobre
Le Moniteur publie l'ordonnance suivante
Louis-Philippe etc.
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit
La chambre des pairs et la chambre des députés
quipar notre ordonnance du 7 de ce mois
devaient se Te'unir le 28 octobre, se réuniront
le 5 novembre prochain.
Au palais des Tuileries, le 25 octobre i84o.
Louis-Philippe.
Une adresse signée a l'occasion de l'attentat
du i5 octobre par un grand nombre d'Anglais
et d'Américains résidant a Paris a été présentée
au roi.
La Revue de Paris raconte que Darmès
n'a pas dans sa prison de plus grande inquiétude
que celle de passer pour un insensé qui aurait
agi par égarement. Son plus grand effroi est
de passer pour monomane, opinion que son parti
voudrait accréditer.
On écrit de Smyrne, 20 octobre
Tyr (Sur) et Tripoli ont été pris. Sidon
(Saïda) a été enlevé après une affaire de 10
heures. L'expédition dirigée contre cette place
se composait d'un vaisseau de ligne anglais.
Un brick, les bateaux a vapeur Gorgon Cyclope
et l'Hydra ralliés par le Stronboli qui apportait
d'Angleterre en i5 jours 55o hommes de la
marine; outre ces forces navales anglaises, il y
avait la frégate de l'archiduc Frédéric et une
frégate et une corvette turques. L'expédition
était sous les ordres de l'amiral Walkerdu
Commodore Napier, du capitaine du génie et
de l'archiduc. On a rencontré quelque résistance.
Le lieutenant Hoeking et une douzaine de soldats
de la marine ont été tués. On a comptés 5o
hommes blessés tant anglais que turcs et autri
chiens. L'archiduc était a la tête du détachement
qui c'est emparé de la citadelle.
Le commodore Napierle 25 avait dit
l'amiral Stopford que s'il le voulait, il se faisait
fort d'aller k Sidon, de le prendre et de revenir
dans les 48 heures. A bord du Thunderdu
IVaxp, du Cyclope et de l'Hydra il avait 800
turcs, 500 hommes de la marine. Le Stronboli
lui avait fourni 200 hommes de la marine de
plus. Après avoir battu la place en brèche
pendant 2 heuresle commodore a débarqué
avec ses soldats de marine. La mêlée a été
terrible S/irap slrugglemais après avoir tué un
grand nombre d'ennemis qui ne donnaient ni
ne recevaient aucun quartierles soldats de
marine ont fini par tuer le commandant égyptien.
Cet officier sur la poitrine duquel deux soldats
de la marine appuyaient leurs bayonnettesa
refusé de demander quartier. Les deux coups
de fusils sont partis a la fois et l'Égyptien est tombé
mort 800 hommes ont aussitôt déposé leurs
armes, i5oo autres ont été pris ensuite et les
200 hommes de la garnison ont été amenés a
l'escadre. On doit les envoyer a Chypre.
Napier a fait preuve de la plus grande har
diesse. On le voyait sur les maisons brandissant
son épée sur laquelle il élevait son chapeau et
il applaudissait la bravoure de nos soldats
notre perte s'est élevée k i5 marins tués et
blessés et quelques hommes des équipages du
Revengeet du Thunderer. Lelieutenant Hotching
arrivé le jour même sur le Slromboli et qui
avait servi sur les côtes d'Espagne a été tué.
Les Egyptiens sont revenus de Tripoli; nous
sommes maîtres de toutes les places d'ici k Acre.
Tyr a été pris par le Castor et la Pique.
On apprend de Rome que le chargé d'affaires
de Prusse est en négociations actives avec le
saint-siége. La Prusse montre des dispositions
conciliantes dans le but d'un arrangement dé
finitif des différends religieux. Le roi n'est pas
éloigné de réintégrer l'archevêque de Cologne
dans sa dignité, comme on l'a fait de celui de
Posen Mais -le chapitre de Cologne élève des
difficultés. Il devrait y avoir un co-adjuteur,
attendu la faible santé du prélat. Le chargé
d'affaires prussien propose un vicaire. Le saint-
siége y est contraire.
On s'occupera ensuite des affaires religieuses
en Hongrie, et on attend a cet effet un prélat
hongrois.
Quant k la Russie on est fort loin d'en venir a
un arrangement.
On écrit de Lisbonne, 20 octobre
La Gazette officielle annonce que la reine
étant tout k fait hors de danger; les médecins
de S. M. ne feront plus publier de bulletin.
On écrit de Francfort, le 24 octobre,
que, sur les informations venues de l'étranger,
on y a fait plusieurs arrestations d'ouvriers,
appartenant, a ce qu'on assure, k une société,
mais dont les ramifications sont peu étendues.
L'instruction se poursuit avec activité.
On apprend de Francfort que, le 25, les
gardes ont encore été renforcées, des patrouilles
ont parcouru la ville. Le soir la municipalité
s'est réunie. De nouvelles arrestations ont eu lieu.
Plusieurs individus soupçonnés ont pris la fuite
entr'autres un homme de lettre, bien connu. Il
s'agit de renforcer les garnisons prussienne et
autrichienne du faubourg de Saxenhausen.
On lit dans une correspondance berlinoise
On apprend maintenant pourquoi le prince-
évêque de Breslaucomte de Sedlnitzkin'a
pas assisté a la prestation de foi et hommage.
La veille de son départ pour Berlin, le prélat
reçut une lettre de Rome par laquelle le saint-
père lui faisait part qu'il avait accepté la démission
donnée par ce prélat et qu'il le déchargeait de
l'exercice de ses fonctions épiscopales. On ne
sait pas encore quelle place M. de Sedlnitzki
occupera dans l'état. Dans tons les cas il sera
membre du conseil d'état dont il fait partie
depuis plusieurs années.
-Sgxgj
L'huissier appelle la cause du ministère public contre
J. P.....; aussitôt comparaît devant le tribunal un enfant,
vêtu d'une blouse dont le blêu a dégénéré en gris, tenant
d'une main sa casquette et de l'autre cachant sa figure
la justice. Mr le président s'aperçoit de la timidité de ce
pauvre petit garçon, lui dit avec bienveillance de s'asseoir
sur la chaise et lui pose les questions d'usage il répond
avoir treize ans et être vacher.
En même temps, une dixaine de marmousets endimanchés
entrent dans le parquet. Le premier est le plaignant E.
Vâgé de quatorze ans, les autres ses témoins, tous
au dessous de dix ans. Ces derniers disparaissent derrière
le pupitre de la défense, pour nous qui sommes la barre;
la tête du premier, plus grand que ses camarades, se montre
tout entière au public et lui lance un fier et victorieux
cliu-d'œil. Mais rira bien qui rira le dernier.
Lecture du procès-verbal est donnée; le tribunal procède
l'interrogatoire des témoins charge; quand leur liste
est épuisée, un médecin se présente pour être entendu, mais
sur l'observation de la défense qu'il n'a pas été cité la
requête du ministère public et que d'ailleurs il n'y a pas
de partie civile en cause, le tribunal déclare qu'il n'y a
pas lieu recevoir sa déposition et passe aux témoins
décharge.
Voici, en résumé, ce qui est ressorti des débats
Le prévenu gardait les vaches le long du pavé qui con
duit l'école fréquentée par le plaignant et ses témoins.
Il est rare que les gamins ne s'arrêtent pas en roule et
m'empiètent pas un peu sur les heures de leçon pour jouer,
se quereller, se battre; quelquefois même ils se permettent
de faire l'école buissonnière.
Doue le dix septembre, les écoliers jouèrent aux chiques
avec le vacher ils perdirent, se fâchèrent, et comme ils
étaient six contre un, ils s'emparèrent de six bâtons que
leur adversaire avait préparés pour jouer un jeu dont le
nom nous échappe. Le lendemain, les six mauvais espiègles
se rendirent l'école munis chacun de son bâton; au retour
le gardien de vaches réclama sa propriété; les plus jeunes
s'enfuirent, mais E. Vs'arrêta et au lieu de resti
tuer le bâton, il en donna un coup dans les reins du
prévenu; celui-ci lui rendit la pareille. Ils étaient quitte
quitte.
Cependant, humilié de ne pas avoir eu le dessus, humi
lié surtout d'avoir reçu un coup de la part d'un vacher,
le jeune V. se répandit en larmes et en sanglots, d'abord
chez son maître ensuite chez ses parents. Pourquoi n'ont
ils pas compris qu'en pareille circonstance, il eût infiniment
mieux valu de ne pas croire la lettre son rapport, de
lui en faire prendre une leçon pour l'avenir, que de s'adresser
au commissaire de police pour satisfaire l'amour propre et
la colère d'un enfant.
Aux faits ci-dessus relatés, viennent se joindre des ren
seignements très peu favorables sur la conduite habituelle
du plaignant.
Le tribunal acquitte le prévenu.
Le ministère public adresse une semonce E. V.qui
ne se tourne plus vers l'auditoire et se retire.... honteux
comme un renard qu'une poule aurait pris.
Il faut espérer qu'à l'avenir les parents en général se
garderont de déférer si lestement la justice les combats
lilliputiens de leur progéniture.