D'AFFICHES, ANNONCES, AVIS ET NOUVELLES DIVERSES No 2468. SAMEDI, 26 Mai, 1841. 24me FEUILLETON. .V'^- Un individu célèbre par ses conversions et ses reversions, par ses fredaines de toutes espèces et ses bizarres prétentions aux connaissances littéraires et juridiques, en un mot, l'auteur d'un certain Vagevier- ye, comparaissait avant-hier devant notre tribunal correctionnel, en compagnie de trois misérables créatures, sous la préven tion assez déshonorante d'escroquerie. Sur l'exhibition d'une lettre, annonçant l'une des prévenues, que la succession de sa sœur, décédée Gand, était sur le point d'être liquidée, que le mobilier était vendu et que les immeubles étaient aux affiches, les époux Wouts ont délivré des habillements et prêté de l'argent jusqu'à concurrence d'environ deux cents francs. Il a été écrit Gand au prétendu notaire dont on avait indiqué l'adresse; des répon ses favorables sont arrivées et les époux Wouts ont continué paisiblement donner LA PUDEUR DU MÉNAGE. dans le panneau. Tout-à-coup néanmoins l'inquiétude les saisit, l'un d'eux fait le voyage de Gand, ne trouve ni notaire ni succession et prend le chemin de fer pour venir chez le procureur du Roi. Une ins truction a été faite. La lettre qui est l'origine de la correspondance et de la friponnerie, est reconnue avoir été écrite et signée par le caméléon de bas étage que nous avons désigné ci-dessus. Comme les époux Wouts n'ont rien donné qu'après avoir reçu les lettres de Gand, il soutient être étranger au délit qu'on lui impute et pour lequel le ministère public requiert contre lui trois années d'emprisonnement. Nous ne dirons rien de ce moyen de défense l'apprécia tion en est soumise la justice qui pronon cera le trois juin prochain. Un vol de froment ayant été commis au préjudice du sieur Delva, cultivateur Roesinghe, un des voleurs, domestique dudit Delva, fut arrêté en flagrant délit en cette ville, porteur d'environ un demi sac de froment. Par suite d'une perquisition faite chez une cabaretière, Rrielcn, Ypres extra muros, endroit que les voleurs fréquen- taient, une autre partie du froment fut trouvée;et une seconde visite domiciliaire faite par la police au même endroit, a emmené la découverte d'une foule d'au tres objets, que l'on croit provenir de dif férents vois, commis dans les environs de cette ville; on a dû employer une charette, pour les transporter au btireau de la po lice. Ladite cabaretière et son lils sont provisoirement arrêtés. Les collèges électoraux de cinq provin ces sont convoqués pour le 8 juin (mardi en huit). La province d'Anvers nommera 9 députés, celle de Rrabant, 14; celle de la Flandre occidentale, 15 cclle de Namur, 5 et celle de Luxembourg, 5. En tout quarante-huit représentants; c'est-à-dire la moitié plus un des membres de la chambre; (depuis la sortie de trois députés luxem bourgeois appartenant aux territoires cé dés, la chambre se compose de 95 membres.) Les députés qui vont être désignés par les électeurs, seront élus pour quatre ans; par conséquent ils demeureront en fonc tions jusqu'au mois de juin 1845. LE PROPAGATEUR, Ce Journal paraît le MERCREDI et le SAMEDI. L'a- hoDncment est de 4 fr. par trimestre pour la Ville, et 4 fr. 5o pour toute la Belgique, franc de port par la poste, les insertions se paient 17 centimes la ligne. Affranchir les lettres. tftfr» a'8''aTinniTririrtrti"irtni-innrir» aaaaaaaata tnnnnnr amfti'BTp BELGIQUE. Ypres, 29 M a t. [Suite et fin.) C'étaient ainsi que conversaient Laure et Célinie quand elles se trouvaient ensemble. Celle-ci, malgré la fougue de son imagination et celte irrésistible manie de briller, ne pouvait s'empêcher d'approuver sa sœur aînée et d'avouer que les plaisirs enivrans do grand monde ne valent pas tou jours ce calme, cette pudeur du ménage, gardiens tutélaires du présent et garans de l'avenir. Mais sitôt que Célinie se retrouvait dans les cercles brillants, elle y reprenait tous ses avantages, y retrouvait son empire; et ce calcul de bon heur, ce secret d'économiser les moyens de plaire, s'effa çaient aussitôt de son souvenir, on ne s'y présentaient plus que comme une illusion triste et mensongère. Saint-Amant lui-même n'aurait pu se restreindre cette existence de foyer, ce système de félicité intérieure il aimait trop l'éclat; il avait surtout une trop grande ambition d'arriver un poste élévé. Jamais il n'était plus heureux et plus fier que lorsqu'il voyait sa femme tenir le de soit chez le ministre de la guerre; où sa place lui donnait tout ac cès, soit dans les réunions chez d'autres grands personnages, où souvent elle était invitée. On eût dit que, voulant lui procurer les moyens d'y faire une vive impression, Saint- Amant prenait plaisir meubler la mémoire de sa femme de ces rives réparties, de ces impressions qui frappent l'i- magination, quelquefois même de ces récits aventurieux qui, selon lui, donnaient plus de sel la narration et semblaient aiguiser les traits qui sortent de la bouche d'une jolie femme. Célinie, naturellement gaie, légère, enthousiaste, se prêtait avidemment ce dangereux système de sou mari. Souvent, lorsqu'il réunissait chez lui des amis, des convives qui, pour le flatter et lui plaire, racontaient de galantes anecdotes, répétaient les mots heureux et les chansons des caveaux modernes, la jeune femme, oubliant la fois la pudeur de son sexe et les conveuances reçues, partageait l'abandon de ces joyaux sybarites, répétait leurs lazzis, leurs refrains, et s'initiait leurs mystères. Sa figure char mante, en donnant un attrait plus piquant toutes ses fo lies, enhardissait les aimables rieurs, enflammait quelques- uns d'une ardeur éphémère, et l'exposait a des familiarités qui, dans toute autre circonstance, eussent effrayé Saiut- Ament; mais il éprouvait un si graud plaisir voir sa femme tenir tète aux plus gais chansonniers, aux plus malius conteurs, qu'il ne voyait dans leurs attaques réité rées que l'empanchcment de la franche amitié, que cette heureuse liberté de tout dire et de mettre coude sur ta ble. Ce qui surtout divertissait Saint-Amant, c'est lorsqu'à ces banquets épicuriens qa'il aimait tant, se trouvait quel que personne austère ou timorée qui s'en effrayait. Un jour entre autres, Germanci, venant le prier de solliciter auprès du ministre de la guerre un acte de justice, fut en quelque sorte forcé d'assister l'une de ces séances bachiques où Célinie se livrait sans réserve toute la fou gue de son imagination. Elle s'y montra si folle et si fa- Bruxelles, 28 Mai. M. Desmaisière, ministre des travaux milière, que Germanci ne put s'empêcher «le prendre part Saint-Amant et de lui témoiguer toute la peine qu'il ressen tait de voir sa belle-sœur s'oublier ce point, Se confondre en quelque sorte, parmi ces femmes galantes, ces rieuses de profession qu'on n'admet dans uu Souper que pour amrf- ser les convives. Saint-Amant ne Ut qile rire de ces pru dente» observations, il commençait même s'en amuser tout haut avec ses amis, lorsque Germanci disparut et re gagna seta pudique foyer, où le ton, le langage et les ha bitudes de Laure lui firent sentir plus vivement encore l'extravagance de sa sœur, et prédire tôus les maux qûi devait en résulter. Célinie, en eflet, lancée dans ce qii'elle appelait le genro par excellence, s'imaginait que ce qui charmait et provo quait le rire dans une orgie, devait produire le même effet dans un cercle, ne cessait d'y récapituler son ample réper toire elle ravissait les amis de la grosse joie, étonnait les hommes délioats qui souriaient par condescendance, et ré voltait les personnes sévères qui ne pouvaient concevoir comment une aussi belle bouche pût être ainsi profanée. Les femmes surtout, «pi souffraient en secret des avantages que la nature avait prodigués Célinie, et qui la voyaient entourée de tous les hommes qu'attirent un instant l'ex travagance et la singularité, se liguèrent contre la bouffonne si fêtée et ne tardèrent pas lui faire payer cher ses succès. Ce fut d'abord qui ne se retrouverait pas auprès d'elle «m voyait souvent plusieurs sièges vacans de chaque côté de celui qu'elle occupait. Changeait-elle de place pour éviter cet isolement qui devenait remarquable, aucune femme ne

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Le Propagateur (1818-1871) | 1841 | | pagina 1