D'AFFICHES, ANNONCES, AVIS ET NOUVELLES DIVERSES.
No 2558. SAMEDI, 9 Avril, 1842. 25™ Année.
INTERIEUR.
7PR3S, 9 Avril.
Si le Progrès avait autant de mémoire
que de méchanceté, il se serait souvenu
que XObservateur s'est plaint dernièrement
de ce que les députés de l'opinion modérée
s'étaient rendus chez le ministre de la jus
tice, (et non pas chez le cardinal de Malines)
pour faire nommer secrétaire général, le
représentant des Flandres, qui passait
pour leur candidat, et que ce même jour
nal a engagé le ministre ne pas céder
ces sollicitations, mais écouter les vœux
exprimés par les loges. La nomination a
donc été faite comme toutes les autres par
l'autorité du ministre, de l'aveu même de
l'Observateur, qui a le don d'infaillibilité
aux yeux de notre pauvre Progrès! Ce
journal a donc mauvaise grâce attacher
tant d'importance au dire de quelques per
sonnes bien informées, qui ne savent pas
même ce qui est de notoriété publique,
ou qui feignent de l'ignorer pour être
méchants leur aise.
Le parti clérical (style obligé des frères
maçons) dispose des places, nous assure-t
on; mais a-t-on songé que ce prétendu
parti clérical si odieux au Progrès, n'est
FEUILLETON DU PROPAGATEUR.
NOTRE-DAME DE LORETTE.
que le parti modéré, conservateur, vrai
ment libéral, qui combat les démolisseurs
de tous les genres? Il est composé du Roi
choisi par la nation, de la majorité du
sénat et des chambres élues par le peuple,
de la majorité de nos états provinciaux,
de la majorité des magistrats et de tous
les honnêtes gens du pays. Ce parti dis
pose des places, tout autant que peuvent
en disposer ceux qui n'ont pas le droit de
nomination; tout autant que tâche d'en
disposer le parti progressiste. Mais de
quoi se compose ce dernier parti? 1° des
fidèles frères maçons, qui, sous l'empire
du système le plus complet de liberté,
cherchent l'ombre et les ténèbres pour
tramer leurs projets; 2° des exaltés, exa
gérés, mécontents de toute espèce; 3° des
garçons de boutique ef de café, qui veu
lent se donner du ton; 4° de quelques
demi-savants et avocats sans cause, qui
pour être quelque chose, s'efforcent d'être
au moins progressistes. On conçoit qu'un
pareil parti dispose fort peu des places,
et qu'il tâche de rendre odieux le parti
modéré; mais ce qui pourrait peut-être
étonner, c'est que le Progrèsau lieu de se
féliciter de ce qu'un député élu Ypres,
acquière une certaine influence dont il
devrait faire usage en faveur de ses com-
mettants, se réjouisse au contraire de ce
que notre ville est privée de cet appui et
de ce renfort. On reconnaît facilement
ce trait, combien sont mesquines les idées
du Progrès et combien est étroit le cercle
dans lequel il se meut. Il sacrifie les in
térêts de la ville des antipathies de co
terie, et il prouve de plus en plus, ce qui
du reste est déjà bien démontré, qu'il n'a
pas plus de bon sens que de bonne foi.
Le district agricole d'Ypres possède en
ce moment deux étalons du haras institué
par le gouvernement. Ces étalons station
nent dans l'une des écuries de Mr Ver-
schaeve hors la porte de Menin. La monte
a lieu, soit dans la pâture voisine, soit
dans l'espace resserré qui touche l'écu
rie et la voie publique, soit au milieu de
la grande route même, qui est journelle
ment fréquentée par les dames de la Con
corde et de l'Union. Il y a dans cette der
nière circonstance quelque chose de si
inconvenant quenous ne pouvons négliger
d'en faire un reproche l'artiste vétéri
naire du gouvernement qui réside en notre
ville et auquel appartient naturellement
la surveillance de tout ce qui se rapporte
aux étalons et la saillie. Il nous serait
même permis de dire que ce vétérinaire
LÉGENDE ITALIENNE.
La superstition est fille de
l'ignorance et de l'idolâtrie.
P. D. ne Lascaux.
III.
(suit* et ris.)
On était au i5 du mois d'août de l'année i5îo. Trois
mois s'étaieut écoulés depuis le jour de la consécration. La
vierge de Loretle édifiait les habitants par sa ferveur et sa
piété, par ses prières et ses aumônes. Ce n'était plus la
radieuse Italienne c'était une ombre pâle où se réllétaient
encore quelques restes d'une beauté suave et pure. Une
teinte bleuâtre entourait ses yeux; ses joues étaient creusées
par les lartnes; ses lèvres étaient flétries.
Retirée le soir dans sa cellule, Marianna pensait Léonce.
Cet amour qu'elle voulait étouffer sans pouvoir y parvenir
était la principale cause de ses tortures. Elle sentait que
c'était une chose impie, que son âme n'était pas tout entière
Notre-Dame de Lorette; mais plus elle voulait éloigner
l'image du comte, plus elle lui apparaissait noble et belle.
Bien des fois, dans ses rêves, elle revit la gondole et les
bords de la mer Adriatique; plus d'une fois, elle sentit la
main de Léonce presser la sienue, et elle entendit murmurer
son oreille de douces paioles d'amour.
11 m'a oubliée, disait-elle; il est retourné en France.
Qu'il soit heureux et qu'il iguore mes douleurs.
Alors, la jeuue fille essayait d'oublier; elle priait avec
ferveur; elle parait la sainte madone et l'encensait de fleurs
et de parfums. Ce jour-là, les cloches avaient tinté depuis
le matin pour annoncer aux fidèles que la fête de la Vierge
allait se célébrer. Le pape Léon X, escorté d'une foule
d'évêques et de seigneurs, assistait la cérémonie. Il était
assis sous un dais parsemé d'étoiles d'or, entre le saint
évêque de Lorette et le duc de Visconti. Ou ne retrouvait
sur les traits du noble duc aucuue trace des souffrances
qu'on lisait sur le visage de sa fille. L'orgueil et le fana
tisme avaient éteint en lui tout sentiment paternel il
n'avait plus d'eufant!
Notre-Dame de Lorette était paré de ses plus riches
ornemens. Des ex-vota d'or massif resplendissaient dans la
santa casades chandélabres y jetaient une vive lumière.
Les feuilles de rose, les fleurs d'orangers, de myrthe et de
jasmin formaient un tapis souple et moelleux; les orgues
jouaient lentement. Un rayon de soleilformé de mille
diamans, éclairant la figure de la sainte madone. Marianna,
ce jour-là seulement, devait se rapprocher des mortels en
quêtant pour l'église. Les femmes du peuple s'agenouillaient
devant la noble Italienne; elles touchaient son voile et ses
vêtemens elles détachaieut les petites croix d'or qui tom
baient sur leurs poitrines pour les appuyer sur la oroix
d'ébène suspendue au long chapelet de Marianna.
Vierge d'Ancônc! bénissez-nous! s'écriaient-elles avec
confiance.
Toutes ces démonstrations étaient autant de coups de
poignard pour le coeur de la pauvre jeune bile.
Je suis une sainte leurs yeux? disait-elle! mais ils
ne savent pas qu'un amour secret me brûle et me consume,
que j'aurais donné dix années de ma vie pour naître comme
elles dans une classe obscure, libre de mon coeur et de
mon choix! m
Tout en pensant cela, elle présentait sa horseUino une
noble signora, dont la beauté et la oandeur lui rappelaient
ce qu'elle était naguère. Tout-à-coup, elle entendit une
voix qui lui dit
Mariauna. je ne vous ai pas oubliée, je vous aime
toujours!
Elle se retourna brusquement; la horsellino faillit lui
échapper des mains; celte voix était bien celle de Léonce.
Cependant, elle le chercha vainement, et, ne l'apercevant
pas, elle orut que ce qu'elle venait d'entendee était un jeu
de sou imagination.
Toujours lui! murraura-t-elle... Notre-Dame de Lorette,
protégez-moi! et, s'agenouillaot devant la sainte image,
elle y resta aiusi, recueillie et pensive, tout le temps de
la cérémonie. Quand elle se releva, elle s'aperçut que la
santa casa était déserte, que les lampes ne jetaient plus
qu'une pâle clarté; elle avait donc rêvé ou prié bien long
temps/ Elle se retira dans sa cellule vivement émue de
celte cérémonie pieuse, de ces chants, de cette mélodie qui
avaient imprégné son âme d'un charme indicible, songeant