JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. N« 2707. Mercredi, 13 Septembre, 1843. 27me année. Nos lecteurs n'ont pas oublié avec quelle force de logique l'évêque de Chartres s'é leva, il y a quelques mois, contre le mono pole de l'Université de France. Dans une lettre adressée Y Univers, d<mt nous avons reproduit quelques passages, le zélé prélat a démontré que l'Université n'est rien moins qu'un despotisme intellectuel, re ligieux, administratif et financier. Aussi longtemps donc que cette institution ne subira point une réforme radicale, le gou vernement français continuera de mériter le reproche de refuser aux catholiques la justice et la liberté auxquelles ils ont droit comme leurs concitoyens. Après l'évêque de Chartres, voici Mgr. Affre, archevêque de Paris, qui, son tour, combat pour les intérêts de la religion ca tholique. L'écrit qu'il vient de publier porte pour titre Observations sur la controverse élevée l'occasion de la liberté de l'enseigne ment. Le prélat y donne un historique complet des discussions qu'a entraînées jusqu'ici sans résultat la question de la liberté de l'enseignement. Il conclut ensuite que le clergé doit être profondément affligé de n'être pas seulement privé d'une liberté sincère telle qu'il avait droit de l'attendre, mais de ne pouvoir obtenir l'affranchisse ment d'entraves exceptionnelles et tyran- niques. Selon Mgr. l'archevêque, le monopole ne peut se concevoir que dans l'impuis sance des écoles privées procurer le per fectionnement moral et intellectuel de la jeunesse. Or, il manque au gouvernement une condition essentielle pour se réserver lui seul l'enseignement même des lettres et de la philosophie, laquel a besoin d'être préservé, par la morale, de tous les vices qui peuvent le rendre inutile ou funeste. D'où il résulte qu'un gouvernement inca pable de poser la base essentielle de l'en seignement public ne saurait en avoir le monopole. S'adressant aux détracteurs de l'éduca tion ecclésiastique, comme si celle-ci était peu favorable aux progrès de l'instruction et de l'éducation. Quels sont ces progrès? demande le prélat. On ne le dit pas. S'agit-il du progrès moral? Nous de- manderons où il est, en dehors des doc- trines professées par l'Église catholique et par tous les véritables chrétiens qui n'ont pas un autre Evangile que le nôtre? S'agit-il des dogmes? Nous ferons la mê- me question. Où sont-ils, en dehors du catholicisme? Où sont ceux du protestan- tisme? Qu'on nous montre surtout ceux des philosophes. Qu'ont produit ces der- niers lorsqu'ils ont voulu appliquer la société des théories qui n'ont jamais pu résister aux premiers essais tentés pour les réaliser? Faites mieux, si vous le pouvez, que Saint-Simon, que Fourrier! Vous ne l'osez, et vous avez mille fois raison. Vous êtes aussi impuissants, par- ce que vous n'êtes pas plus vrais. En fait d'erreur, vous n'avez rien inventé qui ne fût connu avant Jésus-Christ. Vous n'a- vancerez point, soyez-en assuré, en vous revêtant de ces vieux et impurs lambeaux dont il a délivré l'humanité. Des discus- sions sans fin sur des systèmes qui n'ont pas produit une idée nouvelle depuis quatre mille ans, ne vous donneront pas un progrès nouveau. Vous nous repro- chez l'immobilité! Est-il préférable de s'agiter sans avancer? Mais nous avons du moins la liberté! pourquoi donc nous refusez-vous celle de l'enseignement? Messieurs les professeurs de notre uni versité soi-disant libre, ainsi que les ré dacteurs de tel journal, feraient bien de méditer ces éloquentes paroles de Mgr. Af fre. Eux aussi, et notammeut les premiers, ont osé déprimer l'enseignement donné par l'Université de Louvain parce qu'on y fait profession de croire aux dogmes ca tholiques, tandis qu'à Bruxelles la jeunesse est libre de se forger des Dieux sa fan taisie. Heureusement, si nos libéraux pen sent comme les défenseurs du monopole universitaire, les conséquences sont bien différentes. La constitution belge a délivré l'enseignement de toute entrave. On s'abonne Ypres, Grand'- Place, 34, vis-à-vis de la Garde, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre, Pour Ypresfr. 4 Pour les autres localités 450 Prix d'un numéro3 Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur Ypres. Le Propagateur parait le gtMEBl et le MERCREDI de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. 13 centimes par ligue. Les ré clames, 33 centimes la ligne. vérité et justice. 7PR3S, 13 Septembre. mm. michelet, quinet et les têtes-plates. Monsieur le Rédacteur, Vers le 11 du mois d'août, je voyageais sur le Rhône, dans le bateau a vapeur qui conduit de Lyon a Avignon; l'heure du dîner arrive, on se met a table gaîment, et bientôt la conversation s'anime elle est dominée par un jeune homme ardeut et spirituelmais qui malheureusement sentait le collège et avait une bonne dose de suffi sance universitaire. MM. Micheletet Quinet étaient pour lui les grands hommes de l'époque ils avaient sauvé la patrie; c'est clair comme le jour. Non content de nous en faire l'éloge, il se mit nous lire tous les passages qui lui paraissaient les plus haineux contre les jésuites, véritables monstres qu'il voulait a l'exécration. Presque tout le monde était de son avis. Et comment ne pas l'être de l'avis d'un homme qui parle d'un ton si ferme, si assuré, si triomphant! Son voisin cependant, âgé d'environ 45 ans* homme de forte carrure, de tournure belge, de maintien modeste et digne, était du pelit nombre de ceux qui gardaient le silence. Au bout de quel que temps il s'adressa au bouillant orateur et lui dit avec une bonhomie alarmante Monsieur je «mis jésuite. (Tous les yeux sont tournés veis lui. Je le suis depuis 23 ans et s'il y avait un seul mot de vrai dans tout ce que vous venez de nous lire, je ne serais pas resté si longtemps parmi les jésuites, ou j'eu sortirais sur-le champ. (L'e'tonnement redouble dans l'assemblée. Vo- tre livre ne contient que des calomnies. Si l'U- niversité fait parler ainsi ses suppôts,c'est qu'elle voit que la France commence a se dégoûter du monopole universitaire; qu'elle demande, avec la liberté d'enseignement, une éducation reli- gieuse, et que les jésuites pourraient fort bien être choisis alors par les parents, comme ils le sont déjà par de nombreuses familles qui envoient leurs enfants aux collèges de Fribourg, de Brugelelte et autres établissements. Les vastes bâliments de ces collèges ne suffisent pas aux élèves, qui y accourent de toutes parts; c'est donc ici, de la part de l'Université, une question d'argent et d'amour-propre, et rien de pins. D'ailleurs, Messieurs, il est fort ordinaire de voir les jésuites blâmés par des hommes qui ne les connaissent pas, et je crois que vous êtes de ce nombre; je suis peut-être le premier jésuite que vous avez vu. Et chacun de rire et d'avouer la vérité du fait, même les plus âgés de la compagnie. Pour n'avoir pas l'air d'être battu, notre jeune homme voulut faire convenir le bon jésuite qu il y avait cependant dans son ordre de viais pertur bateurs et des conspirateurs; et il cita ce sujet des passages de journaux. La réponse fut d'abord que des hommes de ce genre, s'ils apparaissent dans la Compagnie de Jésus, en seraient bientôt expulsés; ensuite que si l'on jetait dans le Rhône autant de cailloux que les journaux débitent de menson ges, le bateau, qui marchait alors rapidement, seCait bientôt ensablé. Et les rieurs furent pour le jésuite. On lui lit mille excuses, mille amitiés, et les questions lui ai rivèrent de tous les coins de la vaste salle.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1843 | | pagina 1