JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 2730.
27me année.
FEUILLETON DU PROPAGATEUR.
On s'abonne Ypres, Grand'-
Place, 34, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE L'.tBOn'ENEXT,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4«M»
Pour les autres localités 4SO
Prix d' un numéro O*0
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur paraît
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IXSERTIOKS.
13 centimes par ligne. Les ii-
clames, CS centimes la ligne.
vérité et justice.
2 Décembre.
M. Cassiers vient de publier une lettre dans
laquelle il s'attache a montrer que l'arrêté du 23
septembre dernier, concernant le transit du bétail
hollandais pour la France par notre chemin de
fer, doit beaucoup froisser les intérêts des agri
culteurs belges. Ce transitcomme on saitétait
auparavant prohibé. Après s'être plaint que de
l'aveu même du ministre des finances, la mesure
qu'il critique a été prise sur les instances faites par
le commerce d'Anversl'auteur fait très-bien
sentir que le but de l'arrêté, qui est d'augmenter
le mouvement de la navigation, ne saurait être
atteint; tandis que, d'un autre côté, l'élève et
l'engraissement de notre propre bétail se trouvent
compromis jusqu'à un certain point.*'
Dans la séance du 21 novembre, le gouverne
ment a promis de prendre des renseignements
ultérieurs et de révoquer l'arrêté, s'il est jugé
défavorable h l'intérêt belge. Nous espérons que
cette promesse se réalisera au plustôt. Après avoir
lu la lettre de M. Cassiers. on ne peut plus douter
que le transit du bétail néerlandais ne soit une
concession importante faite a des rivaux sans
compensation aucune.
Nous apprenons que l'intrépide missionnaire
des Montagnes Rocheuses et des Têtes Plattes va
s'établir définitivement au milieu des peuplades
sauvages. Un navire a été affrété pour compte de
la missionet se tiendra prêt pour mettre h la
voile les premiers jours de décembre. Le R. P. De
Oui, il faut qu'il m'enlève, disait une après-midi
de Mai, une jeune fille assise toute rêveuse sur un
banc de mousse, dans un bois d'acacias.
Cette jeune enfant de quinze ans, si décidée h se
faire enlever, était la fille unique de M. de Lausac,
assez pauvre propriétaire de vignobles h Bassens,
petite commune située sur la Garonne, a deux
lieues de Bordeaux. Trop tôt privée de sa mère,
Emma n'avait eu qu'une de ces demi-éducations
souvent bien plus nuisibles que l'ignorance. En ce
moment elle venait d'apprendre la nouvelle d'un
mariage projeté pour elle avec M. .Camille Ber-
nould, ami de son père, âgé de trente ans et fort
riche.
Mais Émma avait lu beaucoup de romans, et
elle se crut sacrifiée, enchaînée, comme le sont
toujours les héroïnes des romans tout ajoutait
a son illusion sa demeure, ancien château féodal,
était baignée par la Garonne, ses bois lui faisaient
une solitude fantastique; puis une aventure était
Smet aura pour compagnon de ses travaux apos
toliques le R. P. Vercruysse, de Courtraiqui se
trouve en ce moment au sein de sa famille et
passe avec ses parents ses jours d'adieu. La mère
de ce digne jésuite est décédée depuis quelques
mois a Courtrai, où elle laisse une grande réputa
tion de vertu et des preuves d'une inépuisable
charité.
Les deux missionnaires emmènent avec eux un
certain nombre de frères de la compagnie de
Jésus, et tout le matériel nécessaire pour jeter
dans ces parages lointains les premiers fondements
d'une communauté civiliser et h gagner a la foi.
Afin d'éviter le voyage de i,3oo lieues faire h
travers les déserts de l'Amériques'ils prenaient
terre h New-York, le navire passera par le Détroit
de Mugellanet ira aborder aux Montagnes
Rocheuses. Nouvelliste des Flandres.)
On écrit de Namur29 novembre
Sept religieuses de la congrégation des Sœurs
de Notre-Dame sont parties aujourd'hui de cette
ville pour Anvers, où elles vont s'embarquer pour
l'Amérique. L'établissement que ces zélées mission -
naires vont fonder aura son siège a Wallamette,
petite colonie composée de Canadiens et d'Indiens
catholiques au service de la compagnie de la baie
d'Hudson. Wallamette et Cowlitz, peu distants
l'un de l'autrecomptaient déjà une population
catholique de 900 âmes en 1839. Ces deux petites
colonies sont situées 22 lieues du fort Vancouver,
h 1778 de Montréal, et 55 de la Mer-Pacifique.
Le vaisseau qui les transporteprend aussi
survenue qui avait achevé d'enflammer l'imagi
nation de la jeune fille.
C'était un soir d'hiver; la pluie et les vents
se déchaînaient autour du vieux Câstel. La pauvre
Emma était triste, pensive, h côté de son père au
coin du feu. Soudain, la cloche de la grille se fait
entendre, la vieille domestique introduit un jeune
et charmant officier de marine. Son navire était
mouillé au bas de la rivière; descendu terre dans
la journée, il avait parcouru le pays et s'était
égaré. Il demandait une torche pour retrouver sa
chaloupe, on le retint malgré lui. Le lendemain il
partit, après avoir échangé avec Emma de ces
paroles de galanterie, qui portent toujours le
trouble dans une âme assez faible pour les re
cueillir.
Plus tard Emma, conduite par une vieille tante
dans les plus beaux bals du carnaval, Bordeaux,
y revit Alfred de Berville; il fut parfait pour elle,
jugez donc après cela comme la demande en
mariage de M. Bernold arrivait propos!... Une
fête se préparait pour donner h cette proposition
toute la solennité nécessaire; le matin même,
bord le R. P. De Smet et ses compagnons, en-
tr'autres le R. P. Vercruysse, du collège de la Paix,
qui se rendent en mission chez les Têtes-Plattes.
Les RR. PP. emportent avec eux tous les
attirails de labour, des outils de plusieurs métiers,
un moulin-à l'eau avec ses meubles et tous ses
gréémens, outre nne grande quantité d'objets de
ménage.
L'embarquement aura lieu dans les premiers
jours du mois prochainla traversée est de six
mois et le parcours d'environ 6,000 lieues, a peu
près les 2/3 du tour du monde.
Qui n'adinirera le courage, le dévouement,
la charité de ces missionnaires! Apôtres de l'évan
gile et de la civilisation brûlant d'amour et pour
le Dieu et pour leurs frères, ils s'en vont au bout du
monde, affrontant a travers les dangers d'une lon
gue et pénible traversée,chez des peuples sauvages
auxquels les Européens et les Américains civilisés
n'avaient communiqué que la corruption de leurs
mœurs. Ils quittent leur patrie, leurs familles, leurs
amis, pour aller trouver desfrères chez ces sauvages
que laj philantrophie protestante traite peine
comme des hommes.
Si nous admirons ce zèle chez les pères Jésui
tes, il semble que les paroles doivent nous manquer
pour exprimer l'admiration que nous fait éprouver
le courage sublime de ces dignes religieuses, qui
rivalisent de force et de résolution avec les minis
tres de Dieu.
Ce dévouement n'honore pas seulement la
religion qui nous a habitués ces actes sublimes,
mais il honore aussi notre pays.
Emma écrivit les mots suivants Mon Alfred,
soyez mon libérateur ce soir, b minuit, trouvez-
vous au pied de la tourelle? Le bal était commencé
depuis longtemps; minuit allait sonner; Emina
se glisse légère entre les groupes qui se forment,
et elle s'éclipse du salon. Mais arrivée dans la
cour, un obstacle faillit suspendre l'exécution de
son projet. Cette cour et le jardin qu'il fallait
traverser pour parvenir au lieu du rendez-vous
étaient encombrés de paysans passer au milieu
d'eux, elle vêtue de gaze, en souliers de satin
blanc, sans éveil!er la surprise de ces hommes,
était chose impossible.
Une idée subite traverse son esprit, une idée
folle, bien digne d'une enfant exaltée. La fenêtre
de sa tourelle est a vingt pieds d'élévation; qu'im
porte! sans réflexion Emma court dans sa cham
bre, ouvre la croisée, se penche au dehors,
écoute.Des pas font crier l'herbe sèche.
Alfred, dit-elle doucement, attend-moi!
Dénouant son écharpe, une longue écharpe de
gaze brodée, elle l'attache, et téméraire, elle
s'abandonne b ce frêle tissu. Bientôt un cripercan