CHEMIN DE FER D'ALOST.
QUELQUES MOTS
tribunal en réservant les questions de droit, a
ordonné la preuve des faits de dol et de violence
mora'e qu'on a articulés.
C'est sous ce titre que le Nouvelliste de Bruges
vient de publier un article où il blâme a bon droit
la partialité que montrent les journaux de la capi
tale. S'agit-il des intérêts de la Flandre-Occiden
tale j et notamment de la construction d'une voie
ferrée destinée relier entre elles des communes
dont la population égale celle de bien des villes
en d'autres pays, les dits journaux restent muets,
si même ils ne combattent pas ouvertement les
projets les plus réalisables. Pour les localités ap
partenant d'autres provinces, c'est autre chose.
A peinepar exempleune députation d'Alost
s'est-elle adressée au Roi et au ministre dans le but
d'obtenir un chemin de fer reliant les villes de
Gand et Bruxelles en passant par Alost, que la
presse de la capitale s'empresse d'appuyer vive
ment cette demande.
Nous ne nous en plaignons pas; mais, nous
ferons remarquer au moins comme uue singularité
fort déplaisante a l'égard de la Flandre-Occiden
tale, que, parmi les nombreux projets de chemin
de fer publiés depuis quelque temps, celui du
chemin de la Flandre centrale soit le seul auquel
la presse de la capitale ait refusé son suffrage. On
n'a pas oublié, a Bruges surtout que, alors que
l'ingénieur Lieben conférait sur le tracé avec la
régence de notre ville, un journal gantois s'élevait
avec force contre le projet auquel la ville de
Bruges accordait la préférence et combattait mê
me subsidiairement l'établissement d'une nouvelle
section ayant la direction que commande l'intérêt
des habitants de la province et le commerce des
villes des Bruges et d'Ostende. La ligne que nous
proposions, devait être un confluent vers les rou
tes de l'étata construire par une compagnie elle
devait parcourir les communes les plus populeuses
et les plus industrieuses de la Belgique, et mettre
ces communes et plusieur villes de second ordre
en relation avec le chef-lieu de la province et du
diocèse, ainsi qu'avec un port maritime.
L'opinion absurde de ce journal gantois fut trai
tée par la presse de Bruxelles comme l'écho des
vœux des intéressés, et son opposition fut par
tagée. Nous n'avons jamais compris les motifs de
cette hostilité, et nous la comprenons bien moins
encore en présence de l'accueil fait au projet de la
ligne d'Alost. Alost en effetest sur le point
d'avoir son canal navigable; faveur qui est ajour
née ou plutôt refusée a la Flandre-Occidentale.
Alost forme en outre des prétentions a un chemin
de fer parallèle au railway existant, lequel a
déjà sa route ferrée parrallèle de Gand sur Anvers
et Malines par S'-Nicolas. Ce n'est pas une com
pagnie qui en demande la concessionc'est une
ville qui sollicite que le travail soit exécuté aux
frais de l'État. Nonobstant toutes les objections
qui se présentent naturellement contre un pareil
projet et qui le font envisager de prime abord
comme une simple plaisanterie, nous venons de
lire dans un journal très-estimable que le principe
de la construction d'un chemin de fer direct de
Gand par Alost sur Bruxelles mérite d'être adopté
sans conteste
Nous voyous avec plaisirdans le compte-rendu
de la séance du 11 mars, que M. Rodenbach a
engagé le ministre faire cesser enfin l'injustice
dont notre province est victime, depuis trop long
temps. Les représentants de notre district se join
dront sans doute au député de Roulers pour doter
au plus tôt leurs commettants d'une voie de com
munication, dont l'absence est si préjudiciable aux
intérêts de ces derniers.
§ER
L'^IFIF^DKE MELO!»
Le jury a rendu sa décision souveraine dans la
cause criminelle de la femme Baelde, déjà même le
silence de l'oubli semble avoir étendu son voile
sur le drame lugubre qui s'est déroulé devant
les assises de Bruges. L'horreur que le crime ins
pire est apaisée par la condamnation; le sentiment
général du juste et de l'injuste se trouve satisfait,
et l'on considère avec indifférence, si l'on ne
penche pas a plaindre, la personne subissant a
la fois et les remords qui suivent une mauvaise
action et les angoisses qui précèdent le supplice.
Mais si le pourvoi en cassation n'offre guère quel
que chance de succès, le recours en grâce présente
peut-être quelque lueur d'espérance. Quoi qu'il
en soit, nous avons vu s'évanouir ce qu'il y avait
d'exagéré dans les rumeurs accusatrices, qui s'éle
vaient compactes et audacieuses contre la femme
Baelde, et ce qu'il y avait de passionné dans les
rares manifestations de sympathie qui se produi
saient en sa faveur. Nous avons donné les débats
sans commentaires et nous désirons profiter de
ce premier moment de calme parfait pour dire
quelques mots sur la poursuite d'un des crimes les
plus lâches et les plus abominables.
La fille Le Roy fut empoisonnée avec adresse et
célérité. Toutes les traces du crime étaient effacées,
un médecin avait pour ainsi dire été présent a
la perpétration et pas l'ombre d'un doute n'était
venu frapper son esprit. Mais la voie publique, par
sa persistance h signaler la femme Baelde comme
coupable de la mort de sa domestique, obligea
les fonctionnaires compétents h se livrer a des
investigations que l'absence de cause apparente
au prétendu crime faisait envisager comme n'ayant
d'autre utilité que celle d'appaiser les inquiétudes
qui agitaient la population.
Le cadavre est exhumé et n'accuse aucune
violence extérieure; les viscères de la morte et la
bouteille du remède sont mis a la disposition du
Procureur du Roi. Les médecins légistes se livrent
h un examen préparatoire; l'empoisonnement par
l'arsenic leur semble probable, une analyse chi
mique est ordonnée. MM. Becuwe et Gaimant y
procèdent sous les yeux de la justice et la présence
de l'arsenic en abondance est constatée indubi
tablement dans les matières de l'estomac et dans le
résidu de la bouteille. Le crime est évident les
soupçons qui pesaient sur la femme Baelde passent
a l'état de certitude morale.
Au milieu de ces phases de la poursuite, on se
rappelle que, passé trois ou quatre ans, une vieille
tante de Baelde, qui demeurait avec lui et pos
sédait quelques ressources pécuniaires, succomba
sous l'influence d'une maladie qui se distingue
par des symptômes analogues a ceux de l'em
poisonnement par le moyen de l'arsenic. De ce
souvenir tardif a la présomption d'un crime
antérieur, il n'y avait qu'une très-courte distance
il fut porté spontanément a la justice une décla
ration qui plaça la femme Baelde sous le poids
d'un deuxième assassinat, plus admissible même
que celui de la fille Le Roy parce qu'il avait un
motif plausible, une succession recueillir. Les
tentatives pour découvrir les dépouilles mortelles
furent inutiles. Il faut trembler, selon nous,
l'aspect d'une pareille révélation; et nous félicitons
ceux qui l'ont accomplie de ce que la culpabilité
soit reconnue, car si la femme Baelde n'avait
pas été condamuée du chef de l'empoisonnement
commis sur sa servante, elle n'en serait pas moins
restée dans l'impuissance de se laver d'une impu
tation qui remontait une époque reculée. L'hy
pothèse est effrayante, et pour notre compte, nous
voudrions être privé de mémoire plutôt que d'en
avoir une qui fût aussi malencontreuse. En un mot,
lorsqu'un homme de l'art voit mourir quelqu'in-
dividu, son jugement sur les causes doit être
immédiat et irrévocable jamais il ne doit se
permettre de lever le couvercle d'un cercueil. Les
antécédents servent a éclairer la magistrature, mais
elle ne s'arrête qu'à ceux qui sont notoires
l'accusation loyale repousse les conjectures.
La présence d'un dépôt sablonneux dans la
bouteille qui avait contenu la prescription du
médecin et dans le verre qui aurait servi prendre
le remède est l'une des circonstances les plus
saillantes du procès. Les débats ont fait ressortir
que l'arsenic n'a pas été administré dans le re
mède; qu'il doit l'avoir été dans le petit lait; que
la main coupable aura mis l'arsenic dans la bou
teille et le verre après l'empoisonnement pour
induire la justice en erreur. Eu tout cas, ceux
qui désiraient l'acquittement de la femme Baelde
plaçaient leur confiance dans le moyen tiré
de ce que le pharmacien aurait pu se tromper
au point de délivrer de l'arsenic au lieu et
place de sulfate de magnésie. Or, l'analyse du
remède a reproduit le sulfate de magnésie, ou
plutôt le sulfate de soude qui se substitue au
sulfate de magnésie, donc l'erreur du pharmacien
était impossible. Et tout moyen de défense, qui
tend directement h dénoncer, incriminer une
personne quelconque, est un moyen odieux, qu'il
faudrait proscrire impitoyablement. Il est des
hommes qui ont pour mission de défendre tou
jours, mais ils ont en même temps le devoir de
ne défendre jamais qu'avec dignité, qu'avec no
blesse.
L'analyse chimique a été conduite avec la plus
grande habileté par MM. Becuwe et Gaimant. Les
matières soumises a leur examen ont subi toutes les
épreuves imaginables. Rien n'est resté dans l'om
bre; une réponse était prête aux objections les
plus inattendues. L'analyse laquelle s'est livré
M. Mareska de Gand a déterminé cette découverte
nouvelle que la suie des cheminées où l'on brûle
de la houille contient une petite quantité d'arsenic.
Devant la Cour, l'expert Becuwe a démontré
avec cette force et cette lucidité de raisonnement
qui lui sont habituelles, que le pharmacien Geerste
n'avait pu livrer ni l'arsenic, ni l'arséniate de
soude pour la sulfate de magnésie, parce que les
substances vénéneuses sont isolées et mises sous
clef, parce qu'elles n'ont pas de rapports qui
puissent les faire confondre, parce que l'analyse
avait annoncé la présence du sulfate de soude. L'im
partialité exige que nous le proclamions tout haut,
l'expert Becuwe n'a pas seulement déployé beau
coup de talent dans cette occurrence, mais encore
des sentiments élevés et généreux chaque fois
que la défense attaquait son confrère Geerste, il a
mis de côté toute considération personnelle, pour
coopérer avec empressement a l'explication de ce
qui s'était passé.
Il faut pourtant bien le dire, M* Geerste a eu
le double tort de commettre une substitution et de
ne pas l'avouer dès le principe de l'enquête.
Le résultat mathématiquement sûr de l'expertise
opposé sa dénégation ne pouvait que le compro
mettre. Puis il importede distinguer entre la substi
tution et l'erreur celle-ci pourrait engendrer le
meurtre par imprudence; mais celle-lh n'est que
volontaire, elle est l'œuvre de la spéculation mer
cantile en substituant, par exemple, le sulfate
de soude au sulfate de magnésie, on ne nuit pas
au malade, on réalise un bénéfice ordinaire tout
en vendant au meilleur compte. Mais outre que
ce système est repréhensible en lui même, il pour
rait, dans certains cas, être préjudiciable aux pa-