JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
No 2895.
28me année.
vérité et justice.
7PR.3S, 2 Juillet.
QUELQUES MOTS POUR CLORRE.
UN MARIAGE EN 1794
On s'abonne Yprea, Grand'-
Place, «4, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4oo
Pour les autres localités 4SO
Prix d'un numéro
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Yprea. Le Propagateur parait
le samedi et le mercredi
de chaque semaine.
prix des insertions.
11 centimes par ligue. Les ré
clames, >4 centimes la ligne.
C'est le 18 Juin anniversaire de la bataille de
Waterlooque s'engaga la lutte entre le Progrès
et nous, au sujet d'une lettre qui serait tombée
entre les mains du Principal du collège communal,
tandis qu'elle était destinée au Principal du col
lège épiscopal.
Le Progrès n'hésita pas a dire que le contenu
de cette lettre compromettait aux yeux du pays
entier non-seulement un prêtre respectable, mais
tout le clergé de la Belgique.
Orpar cette lettretoujours d'après le Pro
grès on demandait purement et simplement
connaître au moyen d'un pigeon voyageur le ré
sultat des élections d'Ypres.
Nous n'eûmes pas de peine a démontrer que le
blâme du fait prétenduement révélé, loin d'at
teindre M. le Principal de S1 Vincent, tombait
d'aplomb sur l'institution qui a les prédilections
du Progrès, ou plutôt sur le Progrès lui-même.
Car ou bien M. le Principal du collège com
munal avait abusé du secret épistolaire, ou bien le
Progrès en imposait par une lettre apocryphe.
La bonne foi habituelle de la feuille maçonnique
rendait cette dernière version admissible. 11 était
d'ailleurs peu croyable qu'un Principal se permît
le coup de jarnac que le Progrès annonçait comme
une gentillesse.
Le journal libéral maintint ce qu'il avait dit, et
prétendit n'y trouver rien que de fort innocent.
En voyant la probité ainsi publiquement souf-
01 l'héroïsme de l'.amolr filial.
Vous le voulez donc absolument, ma chère Hélène?
Ma bonne, pouvez-vous en douter? Cette démarche est
mon seul espoir; elle me rendra peut-être la vie de ma mère, et
j'hésiterai la tenter
Hélas! mou enfant, vous ne savez pas ce que vous allez
faire vous ne connaissez pas ces hommes, ces monstres...
Je sais qu'ils peuvent tout ici, que la vie de ma mère est
eutre leurs mains cela me suffit... Du reste, Geneviève, si
vous craignez de me suivre j'irai seule...
Moi mademoiselle, ce mot me décide. Partons, je vous
suivrai partout s
Ainsi parlaient, d'une voix oppressée par la crainte, deux
femmes dont les traits portaient les marques de l'angoisse et
de la douleur. L'une était une jeune fille de seize ans, au profil
ionien, la brune chevelure, et dont les yeux respiraient ce
courage fils du malheur et père des entreprises audacieuses;
l'autre, déjà vieille, apportait dans ses remontrances la pru
dence timide qui nous suit au déclin de la vie: elle craignait
un peu pour elle-même et beaucoup pour l'enfant qu'elle avait
élevé. Geneviève avait été la berceuse d'Hélène de Cursy elle
avait sur la jeune fille tous les droits qu'assure un loug dévoue
ment mais, eu cet instant, ses avis, ses conseils demeuraient
inutiles la mère d'Hélène subissait, dans ces jours de troubles
le sort commun aux nobles âmes et aux positions élevées.
fletée, le Propagateur jugea utile d'établir par
les priucipes d'une saine morale, et par les lois en
vigueur, l'inviolabilité da secret des lettres.
Poussé dans ses derniers retranchementsnotre
honnête adversaire a recours a l'injure qui est la
consolation habituelle des fuyards. Ce n'est pas
ainsi qu'il attirera les attentions bienveillantes du
Prince qui règne h La Haye, et qui a Waterloo fit
briller sa bravoure. Comment le bretteur des loges
répond-il aux objections que le bons sens de
chacun lui eut faites
A coups de pieds Celui qui trahit le secret
d'une lettre n'est blâmé que par ces puritains
catholiques, vases de prédilection selon cer-
taines gensfourbes et hypocrites selon nous.
A coups de poing N'est-on pas maître de
divulguer ou de taire un secret de Polichinelle,
brouillons que vous êtes
A coups de fouet Basiles que vous êtes, n
A coups d'ongles Vous êtes trop tarés dans
l'opinion publique pour que des injures de votre
part ne deviennent des e'ioges. Heureusement
tous ces coups ne nous font aucun mal, pas plus
que les traits du vieux troyen qui venaient expirer
sur le large bouclier de Pyrrhus. Nous tenons le
misérable dans la bque d'une main ferme, tant
qu'il nous plait.
Le reste de sa réplique est du même goût. Qu'on
juge de la puissance de dilectique de notre con
tradicteur.
Cependant il fait remarquer avec empressement
que le code pénal n'est pas applicable, parce que la
violation du secret des lettres n'est punie, que
lorsqu'elle est commise par des agents du gouver-
Dénoucée comme royaliste et fanatique au club de la section,
M"" de Cursy s'était vue, au milieu de la nuit, arrachée des
bras de sa fille, et traînée dans une prison où, mise au secret,
elle attendait oet arrêt qui, mieux que la loi, nivelait, en ces
temps orageux, les inégalités sociales. Hélène, au sein de ces
heures affreuses, qui font peser sur le cœur le poids de toute
une vie, avait embrassé une résolution désespérée. Un artisau,
autrefois laborieux et probe, enivré des idées nouvelles, avait
abandonné sa forge et son enclumepour montersurles tréteaux
républicains; là, une violence amère, une rage passionnée contre
des distinctions qu'il enviait en les proscrivant, lui servaient
d'éloquence; la puissance, mais la puissance du mal, lui avait
été accordée, et, aux côtés de Joseph Lebon il siégeait sur les
bancs de ce tribunal qui décimait la ville d'Arras, et dont le
souvenir détesté est demeuré debout jusqu'aujourd'hui.
C'était cet homme-là qu'Hélèue voulait implorer.
Cachée sous un modeste chapeau, la taille couverte d'un
mantelet de soie noire, Hélène sortit de sa maison, naguère si
brillante, maintenant abandonnée et muette comme un sépul
cre. Suivie de Geneviève, elle s'achemina, d un pas furtif et
timide, travers les ruesd'Arras, où la terreur visible semblait
planer. Aucun négoce n'animait plus celte ville, atrefois vivi
fiée par la séve du commerce; les hôtels étaient fermées:
l'araiguée faisait sa toile aux fenêtres des plus riches demeures;
les boutiques, demi closes, n'offraient que de maigres
marchandises leurs rares acheteurs; on ne voyait plus,
au seuil des artisans, les femmes et les jeunes filles babillant
avec gaieté, pendant que leurs doigts entrecroisaient les fu
seaux légers de la dentelle; tout était glacé sous un souffle de
nement. Quel bonheur! MM. les Progressistes
respirent. Us n'auraient pas du craindre nous
avons fait allusion au code pour l'appréciation de
la moralité du cas, et non pour y chercher une
peine. Si une pénalité avait pu être invoquée
nous nous serions soigneusement tu.
Parmi les brillants effets de style qu'ambitionne
le Progrèsparmi le bruit sourd du masque qui
tombeet les élégants que vous êtes ramassés
dans la rue des Trèfles, il est une piquante épithète
qu'il nous lance sans cesse, et qui a particulière
ment son affection. Nous sommes des Basilesnotre
journal est le journal des Basiles; pourquoi pas des
Pieds Noirs, des Têtes-Plates et des Topinamboux
Ou veut il s'en prendre 'a S' Bazile, comme il s'en
prend a S1 Ignace de Loyola? Ce n'est pas la pre
mière fois qu'il affecte un insultant mépris pour ce
héros vénérable de l'Église romaine. Vous n'avez
pas sucé, dites-vous, ses principes. Non, car ses
principes étaient le zèle pour la vérité, et vous ne
débitez que le mensonge; le zèle pour la religion
et tous vos efforts sont dirigés contre elle; le zèle
pour la chasteté, que vous blessez par vos feuille
tons, et par vos éloges uniquement acquis aux
productions de la mauvaise presse. Vous nous
assurez que vos lecteurs ne sont pas des pigeons;
mais qui nomma jamais des colombes la séquelle
d'Epicure
Les cyniques dédains du Progrès et de ses
faméliques ne feront jamais descendre ni S'Ignace
de Loyola ni aucun autre, des trônes de gloire que
l'église infaillible leur reconnait. Si quelqu'un des
rédacteurs de la feuille impiecaché dans le coin
d'un cabareta vu eu craquetant des dents derrière
mort, et quelques groupes avinés, chantaut les airs sanguinai
res de l'époque, interrompaient seuls ce funeste silence.
Hélène arriva sans avoir été remarquée, jusqu'à la forge de
Brutns Granier elle la traversa sans observer le désordre qui
y régnait: les fourneaux éteints, l'enclume rouillée, les souf
flets déchirés tout attestait les préoccupations du maître du
logis. Geneviève ouvrit une porte vitrée, qui donnait un peu
d'air et de jour une cuisine sale et délabrée; des pots de
bierre et devin étaient épais sur la table, des piques et des
fusils s'amoncelaient sur le pavé, et Granier, assis auprès d'une
petite fenêtre, aux rideaux sordides, s'efforçait de déchiffrer
un des pamphlets que Paris chaque jour semait dans les pro
vinces. Eu entendant grincer la poile, il se tourna brusque
ment Hélène entra seule et leva timidement les yeux vers cet
homme trapu, la mine basse et féroce, cet homme d'où rele
vait le sort de sa mere
Que veux-tu, citoyenne?lui dit-il d'une voix brève.
Monsieur
Qu'est-ce que c'est?... monsieur! Et qui crois-tu donc
parler? Hein!
Citoyen, pardon... Je suis la fille de mad...de la citoyenne
Cursy, qui a été emprisonnée la nuit dernière, et je viens...
Quoi faire? répondit-il avec dureté; car Hélène trem
blante, ne pouvait trouver les paroles auxquelles sa vie était
suspeuduc.
Vous demander votre protection auprès du tribunal.
Rien que cela? iulerrompit-il en ricanant; vraiment je
connais ta mère, citoyenne.
Vous la connaissez1, je pais donc tout espérer! Vous savez