JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
ÏÏl
N° 2897.
28me année.
La cour de Rome, la demande du gou
vernement français, et pour ôter l'esprit
anti-religieux qui s'agite dans ce pays, jus
qu'au prétexte de ses attaques incessantes,
vient de dissoudre la Congrégation des Jé
suites en France. Par une décision du P.
Roothaan, général de l'Ordre, les maisons
{irofesses et de noviciat seront fermées,
es biens seront vendus, et le personnel
rentrera dans la catégorie du clergé ordi
naire, sous l'autorité immédiate des évê-
ques et des curés. Cette nouvelle, que nous
donnons d'après le Moniteur parisien, sera
reçue avec douleur, mais avec une entière
soumission par tous les fidèles Catholiques.
Celui qui élèverait un murmure contre
Rome, ne serait point fidèle. La mesure
est grave, mais elle n'implique pas le moin
dre blâme pour ceux qui en sont l'objet.
C'est une concession que dans l'adminis
tration de l'Eglise universelle, le Souverain
Pontife fait,et a incontestablement le droit
de faire, la situation d'une portion de la
chrétienté. L'église, éternelle dans sa du
rée, une dans ses dogmes, dans sa morale,
dans son chef et dans son sacerdoce, em
brassant tous les âges, et destinée établir
sa domination spirituelle sur tous les peu
ples du inonde, admet des modifications
dans sa discipline, d'après les exigences
des temps et des lieux. Elle tient compte
des préventions, des coutumes, des fai
blesses des nations et des gouvernements.
Elle autorise le rit grec, le rit arménien,
et si nous ne nous trompons, en Afrique,
le rit cophte orthodoxe. Elle abolit des tri
bunaux ecclésiastiques, elle supprime des
ordres religieux, comme elle les institue et
UN MARIAGE EN 1794
les établit. On a vu le Pape Clement XIV
supprimer l'ordre des Jésuites, et son suc
cesseur les rétablir. Le gouvernement de
Guillaumeles repoussait, ce qui n'empêcha
point Léon XII de cônclure avec lui le con
cordat de 1827. Même il n'existait en
France aucun ordre religieux, quand fut
conclu avec la république consulaire le
concordat de 1801 qui mit fin tant de ca
lamités. Les pénitences publiques ont été
abrogées, la discipline a été mitigée sur la
jeûne et les délais de communion, en vertu
de la même autorité qui a réglé les ventes
de biens ecclésiastiques, qui dispense les
indulgences, qui canonise les saints, qui
intronise les Evêques, et qui condamne îes
Francs-Maçons.
L'existence des Ordres monastiques n'est
qu'un appendice accessoire de disci
pline dans les vues générales de l'Église.
Leur excellence, et leur utilité sont indé
niables aussi les honore et les prolège-t-
elle de tout son pouvoir; mais dans cer
taines circonstances données, leur action
bienfaisante peut être paralysée, et il ap
partient éminemment la chaire apostoli-
quededéterminer quand ces circonstances
existent. En sorte que la retraite imposée
un Ordre, surtout dans un seul pays,
loin de prouver contre la congrégation qui
se retire, parle plutôt contre la situation
de la contrée où ce changement s'opère
de même que les adoucissements inter
venus sur le jeûne, l'abstinence et l'accès
obligatoire des sacrements, ne prouvent
que contre les peuples qui les ont néces
sités par leur relâchement. Par suite, la
presse française ne doit point se gaudir
de ce qui se passe sous ses yeux, mais en
gémir avec honte; et nous, tout en nous
inclinant devant une concession qui hu
milie nos voisins, nous souhaitons notre
pairie qu'il y règne toujours un esprit de,
religion et de liberté assez vivace et assez
vigoureux, pour ne rien ambitionner de
semblable.
On prétend que la France, en obtenant
la retraite des religieux de la Compagnie
de Jésus, aurait formellement promis au
S'Siége l'accomplissementdes garanties de
la charte, en accordant une liberté entière
et réelle de l'enseignement reste atten
dre jusqu'à quel point cette justice sera
rendue aux familles, et la jeune géné
ration livrée aux doctrines universitaires.
On dit qu'on vient d ecrouerà la maison
d'arrêtun fort jeune monsieur très-élégant,
Bellosotde Poperinghe,accusé d'avoir volé
de nuit avec effraction extérieure une
somme de sept huit cents francs, au pré
judice de M"' la V" Cnapel'mck, marchande
de tabac en la même ville. Bellosot exer
çait la profession de peintre décorateur:
il fréquentait beaucoup l'estaminet, et
manquait peu de kermesses: il sera con
trarié de manquer celle de Poperinghe,
pour laquelle il avait commandé et payé
d'avance des bottines, un pantalon sous-
pieds, un chapeau Pritchard et plusieurs
autres pièces d'babillement.
Hier un particulier d'Y près venant de se
marier, s'apprêtait partir pour Poperin
ghe avec une société nombreuse, afin d'y
célébrer ses noces. Il y avait trois chars-à-
bancs, deux deux chevaux, un trois.
A peine ces voitures étaient elles mises en
mouvement, qu'un enfant de sept ans fut
écrasé sous l'une d'elles. La police aura
examiner s'il a été commis quelque iin-
On s'abonne ïpres. Grand'-
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Tout ce qui concerne la rédac
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vérité et justice.
7PB.3S, 9 Juillet.
OU L'DKROIëMK DR LMUOIII FILIAL.
{SUITE).
Les jours qui suivirent furent tristes et pesants. La mar
quise n'avait pu apprendre sans le plus amer désespoir le dé
vouement de sa fille, et les futurs destins de cette enfant tant
aimée il n'y avait point de consolation pour une pareille dou
leur, et, sans la conviction qu'un refus aurait menacé les jours
d'Hélène autant que les siens, elle aurait rejeté obstinément ce
prodigieux sacrifice. La jeune fille, cependant, paisible et pres
que souriante, ne lui laissait rien entrevoir des combats de son
cœur; auprès de sa mère, qu'elle acoablait de caresses, elle ne
trahissait ni les regrets qu'elle donnait ses espérances déçues,
ni les larmes qu'elle versait sur le chevet témoin de ses longues
insomnies, ni les souges qui lui montraient, comme dans un
miroir magique, les soullrances et les déceptions de l'avenir;
elle apportait toujours aux lèvres pâlies de sa mère un front
serein, et ces mots qu'elle se répétait Ma mère vivra, et
pieu m'approuve dissipaient les terreurs et les angoisses
de son âme.
Chaque jour, elle recevait la visite de Gianier et son fils. Le
premier, agissant en maître, parcourait l'hôtel, estimait les
meubles, l'argenterie, examinait les baux et les contrats le
second, assis dans le salon auprès d'Hélène occupée broder,
la contemplait sans parler, et presque sans respirer.
Un jour, Brutus Granier entra chez Hélène, et lui dit:
Ah c'est après-demain que nous te marions, et je
t'ai préparé un joli lendemain de noce. Le duodinous aurons
une belle fête en l'honneur de l'Être suprême, dont l'existence
vient d'être décrétée, et j'ai décidé que tu y jouerais le rôle de
la déesse de la Raison. Tu est jolie, tu a l'air grave, sérieux,
cela t'ira merveille, tu seras montée sur uu beau char, vêtue
d'une robe drapée, coiffée la grecque l'on brûlera de l'en
cens devant toi, et l'on chantera des hymnes en ton houueur.
Monsieur! s'écria Hélène stupéfaite et indignée, que me
proposez-vous
Rien de bien naturel ne seras-tu pas la femme d'un pur
républicain? Il est temps de donuer des gages de ton civisme
et de mettre de côté ces grimaces et ces pruderies qui ne me
conviennent pas... tu agiras en Romaine, en Spartiate...
Mais, monsieur, les daines romaines, les femmes Spar
tiates, vivaient dans leurs maisons et se montraient rarement
en public, mais encore dans les cérémonies...
t— Finiras-»tu assez de raisons je le veux! cela suffit...
et lu m'obéiras/...
Monsieur...
Au même iust.nl, Hélène sentit qu'un lui touchait douce
ment le bras, elle se retourna... et vit Léonidas, qui, un doigt
sur la bouche, lui faisait signe de garder le silence.
Bientôt Brutus s'en alla, car il était occupé mesurer la
toise l'étendue de l'hôtel et des jardins.
Ne résistez pas mou père, mademoiselle, lui dit Léoni
das, car il ne fait pas bon de le contrarier; mais tranquillisez-
vous, je ne souffrirai pas que vous figuriez dans cette fête.
Quand vous serez ma femme, vous n'appartiendrez qu'à moi
et uou pas la République... je vous aimerai bien... vuus ile
serez pas malheureuse...
Hélas! pensa Hélène, s'il pouvait avoir la générosité du
me reudie ma parole!
IV.
La décade républicaine s'était écoulée tout euliére; le fatal
primidi venait de se lever, et Hélène prosternée dans sa cham
bre, suppliait Dieu de faire sa mère des jours longs et heu
reux, pour prix de sou sacrifice. Elevée dans les principes lis
plus purs, Héleue avait toujours envisagé avec respect Ira
devoirs du mariage; uu éternel engagement allait la donurr a
un bomme qui n'était pas fait pour elle.,. Cette pensée l'ac
cablait.