JOURNAL D ÏPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
No 2899.
Mercredi, 16 Juillet 1845.
28me année.
UN MARIAGE EN 1794
On nous écrit de Poperinghe, du 15
courant
La distribution des médailles, accordées
par le gouvernement, a eu lieu hier aux
élèves-lauréats de l'académie de dessin et
d'architecture de cette ville: un char de
triomphe, représentant les emblèmes de
la peinture et de l'architecture et monté
par de jeunes enfants, précédé de la so
ciété d'harmonie et du corps des pom
piers, s'est dirigé vers l'Hôtel-de-ville, où
la cérémonie commença par un discours
prononcé par Mr le bourgmestre, qui fit
ressortir les soins de MM. les directeurs
On s'abonne Tpres, Grand'-
Place, 44, vis-à-vis de la Garde, et
cbex les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PBIX DE L'àBOIVXEBEIIT,
par trimeotre,
Pour Ypresfr. 4
Pour les autres localités 4S*
Pria d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Tpres. Le Propagateur parait
le SAMER1 et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES I.WEnriOM.
4> centimes par ligne. Les ré
clames, S S centimes la ligne.
x
A
VÉRITÉ ET JUSTICE.
TPR2DS, 46 Juillet.
REVEE POLITIQUE.
Un journal qui se publie a Alger, VAkbary rap
porte un fait inouï sans exemple dans l'histoire
militaire de la France. Un colonel, commandant
une des colonnes qui opèrent dans l'Ouarensenis,
M. Pe'lissier, se serait rendu coupable d'un acte de
cruauté inexplicable, h l'égard des malheureux
Arabes réfugiés dans une caverne cenx-ci ayant
refusé de se rendre, auraient été asphyxiés a l'aide
de fascines enflammées.
Huit cents de ces malheureux auraient trouvé
une mort affreuse dans cette grotte.
Des interpellations ont été adressées h ce sujet,
dans la séance d'hier de la Chambre des Pairspar
M. le prince de la Moskowa, nu maréchal Ministre
de la guerre. Celui-ci u'a pas contredit le fait;
mais il a annoncé qu'il avait demandé de nouveaux
renseignements au gouverneur-général de l'Al
gérie. M. de Montalembert s'est associé aux sen
timents exprimés par l'anteur des interpellations
et tout le monde flétrira, comme lui, cet acte inouï
de cruauté.
On a reçu par voie extraordinaire des nouvelles
de la frontière de Catalogne annonçant que des
troubles venaient d'éclater dans plusieurs petites
villes du cercle de Barcelouuel'occasion de la
quinla ou levée d'uu homme sur cinq pour le
service militaire.
Le jour même désigné pour le tirage des recrues,
la résistance a éclaté sur plusieurs points a la fois
dans les alentours de Barcelonne, Molins de-Rey,
a San-Andrès, Sabadell, a Tarassa, h Badalona, h
Esparaguera, a Colders et San Felice de Penou.
Nous n'avons pas encore des détails circonstan
ciés sur les caractères de cette émeute, mais elle
Ml L'HÉROÏSME DE L'AMOUR FILIAL.
{SUITE ET FIN).
v.
Le mariage offrit Hélène toutes les épreuves qu'elle avait
redoutées: c'était un esprit inculte et jaloux devant lequel le
sien devait s'abaisser; c'était la dure intimité de chaque heure
avec un oaractère antipathique c'étaient les douleurs de sa
mère, dont le cccur semblait l'écho de tous les maux de sa fille;
c'était la honte des crimes de Ganier qui venait peser sur la
triste épouse. Cependant, elle souffrait sans se plaindre; quoi
que accablée d'un sombre dégoût, elle remplissait ses devoirs
avec constauce, avec sérénité même. En l'absence de Granier,
qui était allé promener la terreur dans les bourgades de l'Ar
tois, elle était parvenue acquérir un certain empire sur l'es
prit de son mari. Il subissait involontairement le charme de
sa douceur, de sa bouté et même de cette élégance qu'il n'avait
jamais counue plusieurs fois, les prières d'Hélène avaient em
pêché les motions sanguinaires que Léonidas devait faire dans
les sectionselle le ramenait son insu vers les idées de modé
ration et de paix qui grandissaient alors dans l'ombre, et dont
Paris, las de massacres, rassasié de sang, subissait surtout l'in
fluence.
Hélcne jouissait de ses conquêtes, elle entrevoyait même un
meilleur avenir, car sou généreux esprit ne demaudait qu'à
pardonner... quand éclata le neuf thermidor, arc-en-ciel de
paix auprès deux ans de tempêtes. Robespierre suivit l'éclia-
faud la pâle multitude de ses victimes les tyrans subalternes
curent leur tour; Granier, traduit la Convention, en même
parait avoir été accompagnée de graves excès et
même de meurtres sur quelqurs points. Ainsi, h
Badalona, les listes du tirage ont été brolées, et
deux agents de la sécurité publique ont été tués;
a Tarassa l'alcade a été assassiné; San-Andrès,
les habitants ont dispersé les autorités coups de
fusil. A Molins-de-Rey, a la suite d'une révolte de
même nature, le peuple a arrêté la poste, les dili
gences publiques et les courriers. Cette petite ville
étant située a quatre lieues de Barcelone, sur la
grande route de Barcelone a Madrid par Saragosse,
toutes les communications se sont trouvées un
moment interrompues.
Bien plus, a Sabadell, h cinq lieues seulement
de Barcelone, les progressistes exaltés, profitant de
l'irritation populaire, avaient déjà cherché a instal
ler une junte centrale, an nom d'Espartero, et
formé un rassemblement de deux mille hommes
armés.
Ces uouvelles ayant élé transmises très rapide
ment a Barcelone, le capitaine-général s'est mis en
marche le jour même en toute hâte, la tête d'une
colonne d'infanterie et de cavalerie appuyée de
quelques pièces de canon. Les insurgés ont été
débusqués de Sabadell, où ils ont perdu vingt-
cinq hommes tués et un assez grand nombre de
prisonniers. Le général les a poursuivis jusqu'à
Tarassa, et ils sont maintenant en fuite dans la
montagne.
A Barcelone, où se trouvent encore les deux
Reines et une partie du ministère, la tranquillité
n'avait pas été troublée. Il est vrai que plusieurs
jours l'avance le général Concha avait pris des
dispositions militaires propres prévenir tout mou
vement de révolte pour le jour du tirage.
La nouvelle de ces événements s'est propagée
temps que Joseph Lebon, paya de sa téte sa sanglante dictature,
et Léonidas fut transféré Paris pour y attendre sou jugement.
Au moineut du départ, assis dans la voiture qui devait l'em
mener, il rencontra les yeux d'Hélène tixés sur lui avec com
passion, et un tardif repentir entra dans son âme. 11 fut enfer
mé la Conciejgerie, et pendant deux jours il attendit un
arrêt dont la conscience du passé lui faisait assez présager la
rigueur.
La nuit était venue, il se trouvait seul dans sa cellule petite
chambre basse et froide, voûtée comme un sépulcre où la lu
mière fumeuse d'une lampe ne servait qu'à rendre les ténèbres
visibles. Léonidas était assis auprès d'uue table inégale et boi
teuse, sa tête appuyée sur ses mains son visage sombre disait
assez quelles pensées importunes se pressait dans son cerveau
aux forfanteries du préau, où la tristesse se noyait dans de
vaines bravades, avait succédé le silence de la nuit; les idées
graves, éloignées jusqu'alors, se dressaient cette heure, cré
ancières impitoyables, qui voulaieut avoir leur tour. Tout ce
qu'après une vie souillée de crimes, le supplice a d'affreux
tout ce que l'obscure éternité peut avoir de terrible, se présen
tait l'imagination troublée du jeune homme un abattement
mortel se glissait dans ses veines, et il sentait s'évanouir, en
cet instant la seule vertu qu'il eût conservée un mâle courage
et Je mépris de la mort.
Comme un homme qu'enivre le vertige au bord de l'abîme,
il laissait fuir le temps sans le mesurer, quand il fut tiré de sa
rêverie par un léger bruit; il tourna la tèle, et une sourde ex
clamation sortit de ses lèvres.
11 crut voir une apparition Hélène était devant lui, debout
dans la pénombre de la porte. il éleudit les bras vers elle, et
dans toute la Catalogne avec une extrême rapidité.
On ignore si l'insurrection a fait des progrès. Tout
était tranquille Lerida et Taragone cependant
les autorités paraissaient craindre quelque mou
vement, car ces deux capitales et leur province
respective avaient été déclarées en état de siège.
Il se confirme que l'Espagne s'est enfin décidée
reconnaître l'indépendence de la république de
Venezeula. Un traité de paix et d'amitié a été signé
entre les deux pays.
L'insurrection qui a éclaté dans plusieurs loca
lités de la Catalogne, semble gagner du terrain.
Igualda et Villafranca y ont aussi pris part. Le
général Concba quiau départ des dernières
nouvelles, se trouvait Tarassa, attendait de
Barcelone des renforts pour marcher contre ces
deux villesdont l'une surtoutIgualdaest
très-importante.
Il est inutile de dire que ces troubles remettent
en question le voyage de la Reine dans les provinces
basques.
Hélèiie! est-ce bien vous?
C'est moi, dit-elle; je suis venue Paris avec ma mère
j'ai obtenu, prix d'argent, feutrée de cette prison, et j'y
puis rester jusqu'à demain.
Ah! je n'ai pas mérité tant de bonté... Vous devriez me
haïr, Hélèue
Mais j'ai promis de vous aimer; mais vous m'avez rendu
ma mère! Non, Léonidas, le jour où je suis devenue votre
femme, j'ai sincèrement accepté tous mes devoirs.
Je vous ai rendue malheureuse, pourtant...
Hélas! l'exemple d'un autre vous avait entraîné...
Mon pauvre père! il n'était pas né pour cette abominable
vie; je l'avais counu si honuëte, si laborieux... Mais on nous
avait tant prêché que tous les hommes étaient égaux, qu'il a
voulu devenir l'égal des riches... Il a acheté les biens des nobles;
pour posséder plus sûrement ces biens, il a envoyé les nobles
la guillotine... Moi, j'ai fait comme lui, et demain je mourrai
comme lui... Mais, quoi... vons pleurez!
Je pleure quand je songe votre avenir...
-- Mou avenir! il est bien simple: demain, je serai jngé, con
damné, exécuté, et la République ne s'en portera pas plus mal.
Mais votre âme mais Dieu
Dieu! pourquoi m'en parlez-vous? que peut-il faire
pour moi.
Tout oui, tout, si vous le voulez Pour un mot de repen
tir, pour un élan de cœur vers lui, il peut vous donner l'éter-
nité... Antoine, songez-y! Dieu est si bon! sa miséricorde est
encore plus grande que sa justice...
-- Antoine Dieu Voila que vous me parlez comme ma
défunte mère... Elle n'a pas véçu pour voir tout cela... j eu
suis bien aise.
A