N° 2911. Mercredi, 27 Août 1845. 29me année.
TPB.3S, 27 Août.
LA DÉCOUVERTE DE MADÈRE.
RÉÉLECTION DE M. MALOÏT.
La réélection de M. Malou n'a pas ren
contré la moindre contradiction. Les votes
se sont ainsi répartis.
1" Bureau, 145 votants M. Jules Malou 126
Billets blancs 13
Billets divers 6
2e Bureau, 120 votants M. Jules Malou 120
3* Bureau, 80 votants 79
Nous aimons constater que beaucoup
de libéraux, et des plus fervents, ont ré
solument donné leur vote au nouveau Mi
nistre, malgré sa grande culpabilité de ne
point s'abonner au spectacle. Le talent et
laqualité de Ministre,ont été admiscomme
circonstances atténuantes en sa faveur.
Au paravant M. Malou voguait déjà
pleines voiles dans les eaux cléricales au
dire du Progrès maintenant que les libé
raux font eux-mêmes l'office de tritons
autour de lui, il ne pourra manquer de
diriger sûrement le gouvernail du char
nautique de l'état, sur cet océan clérical
où le ProgrèsY Observateur et d'autres Eo-
les essoufflés se flattaient de soulever tant
d'orages.
Avouons hautement ce qu'il y a de véri
table grandeur pour le mérite, d'abattre
ainsi ses pieds l'orgueil des partis; et ce
qu'il y a de misérable dans le rôle des
guerroyeurs sous l'enseigne du vice, qui
lui mordent les talons.
Dunkerque honore Jean Barth, parce
qu'il osait se jeter en étourdi la mer, et
audevant de la mitraille et chaque ville a
tenu de même en tout temps relever
l'éclat des hommes remarquables qui lui
devaient le jour. Le Progrès d'Ypres a bien
des éloges pour Ronge, pour Sue et pour
des femmes de mauvaise vie; mais M.
Malou il lance ses balivernes. Est-il quel
que chose de bon, de pieux, de noble, de
saint, d'honnête, qui n'ait pas été abreuvé
de ses insultes, depuis l'Eglise universelle
jusqu'aux Jésuites, depuis le Pape jus
qu'aux prélats belges,depuisMM.Biebuyck
et De Florisone jusqu'à M. Nothomb,
depuis le collège S1 Vincent jusqu'à la Con
grégation? Les attaques du Progrès sont
donc aux yeux des honnêtes gens une re
commandation d'une certaine importance;
il n'y a de dangereux que ses éloges.
Parmi les billets déposés au scrutin élec
toral d'avant-hier, il y en avait un fort
offensant pour M. Alphonse Vanden Peere-
boom, l'échevin. 11 en est parlé dans tous
les estaminets; mais on doute s'il faut y
voir un trait individuel de rancune, ou un
brûlot lâché par une clique libérale pour
On s'abonne Ypres, Grand'-
Flace, 94, vis-à-vis de la Garde, et
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clames, 94 centimes la ligne.
RENIE POLITIQUE.
La Reine Isabelle et sa mère sont arrivées le 16
au soir 'a Mondragon. La Reine a assisté le 17 a la
grand'messe, dans laquelle officiait l'évêque de
Calahora, et ensuite elle est allée visiter le village de
Santa-Aguadaoù S. M. a commencé le 18 a
prendre les eaux. En passant Bergara, LL. MM.
se sont arrêtées un instant devant le monument
qui a été élevé en mémoire de la célèbre con
vention conclue entre Espartero et Maroto. Les
deux Reines ont été reçues avec enthousiasme
dans toutes les villes qu'elles ont traversées.
Ce qui vient de se passer en Prusse et dans
d'autres contrées de l'Allemagne porte croire
que la Diète germanique s'occupera de la question
religieuse et en fera l'objet d'une mesure générale.
Il est certain paraît-ilqu'une grande puissance
du midi de l'Allemagne insiste vivement depuis
quelque temps sur l'adoption d'une mesure de ce
genre. Il est très-probable que les tristes événe
ments de Leipzig serviront de texte aux réclama
tions de cette puissance.
De nouveaux soulèvements viennent d'éclater
sur plusieurs poiuts de la Turquie. A Bagdad le
sous-gouverneur s'est révolté contre le gouverneur,
mais il a été battu et s'est enfui en Perse. Plusieurs
beys du Curdistan se sont insurgés contre le pacha
de Mossoul cependant c'est a Van que la révolte
a pris l'attitude la plus menaçante. On dit que
15,ooo rebelles y ont pris les armes. Il est cepen
dant probable que ce chiffre est exagéré.
CHRONIQUE PORTUGAISE.
Au commencement du quinzième siècle, sous le règne de
don Juan Ier, les Portugais, après avoir refoulé les Maures au
delà de la Méditerranée tournèrent toutes leurs pensées vers
les voyages de découvertes. Alors parurent, presque simultané
ment, Gilianez, qui doubla le formidable cap Boyador Cintra,
qui conduit les îles d'Arguim Juan Gonzalvo Zarcoet Tris
tan Tessora, courageux investigateurs des mers d'Afrique;
Denis Femandez, le premier qui osa remonter le fleuve du
Sénégal Nugno, tué eu combattant les nègres du Cap-Vert;
Gonzalvo Vello, qui découvrit les Açores. Jamais un aussi grand
nombre de navigateurs célèbres ne s'était montré la fois chez
uue même nation. Pour mieux diriger les expéditions mariti
mes, l'infant don Henri, troisième fils du Roi, s'était fixé au
château de Ternaubal, sur le cap de Sagres, trente-deux
lieues l'ouest de Lisbonne, et c'est de cette résidence qu'il
voyait les navires portugais cingler vers la destination que lui-
même, ou don Juan, son père, avait indiquée.
A la tin du mois de janvier, i4*«t trois femmes étaient
réunies dans une chétive maison du faubourg de Sagres et
filaient silencieusement la clarté vacillante d'un flambeau de
résine. La plus âgée se leva en entendant sonner l'horloge de
l'église voisine, et prit la parole en ces termes:
Il y a quatre ans cette heure, mes filles, que Juan Mora
lez, voire père, nous quitta pour aller en mer. Longtemps nous
avons attendu son retour; mais son absence prolongée auéan-
tit toutes nos espérances. II est mort, mes enfants, mort dans
les flots ou sur quelque plage lointaine, privé des consolations
de la famille et des secours de l'église. Si nons n'avous pu l'as
sister ses derniers moments, prions du moins pour sou salut
éternel.
La mère et les filles s'agenouillèrent en pleurant, et récitè
rent le psaume Domine Deus, audi nunc oralionem mortuorum
Israël.
Elles en achevaient peine le premier verset, quand la porte
fut brusquemeut ouverte, et un homme s'avança sur le seuil.
Malgré le manteau blanc dont la capucc lui retombait sur le
front, malgré la barbe incultequi lui caobait le bas du visage,
les trois femmes crurent reconnaître Juan Moralez; mais le
vent de la nuit, s'engouffrant par la porte de la chaumière,
éteignit le flambeau de résine, et ne leur permit pas de consta
ter plus longuement l'identité de l'étranger.
C'est l'âme de Juan qui revient! s'écria la mère, saisiu
d'une superstitieuse terreur.
Non, Pépita, répondit le nouveau venu c'est bien ton
mari qui te parle, c'est bien lui que la Providence a sauvé du
naufrage et de la captivité. Rallume ton flambeau,que je puisse
vous voir et vous embrasser toutes.
Après la première effusion de joie, l'aînée des filles dit
Juan
Nous pensions ne plus vous revoir, mon père.
Oui, ajouta la seconde, nous vous pleurions déjà comme
perdu pour nous en ce monde. Bien souvent, nous sommes
allées nous asseoir au bord de la mer, interrogeant des yeux
l'immensité, et priant le'Ciel de vous rendre nos vœux et
PETIT INCIDENT ÉLECTORAL.
quand nous rentrions le soir, nous avious le désespoir dans le
cccur.
J'ai failli vous être ravi, reprit Moralez; j'ai cru long
temps qu'il me serait refusé de revoir ma famille et ma patrie;
j'ai éprouvé de cruelles souffrances mais voici une soirée qui
les racheté.
D'où viens-tu demande Pépita.
Des prisons de Maroc.
Tu as été prisonnier
11 y a six jours encore, j'étais esclave des infidèles. Las
de mon misérable sort, j'ai voulu m'affranchir tout prix.
Évadé, comme par miracle, j'ai osé traveiser la mer sur un
frêle ambarcatiou. L'espoir de vous revoir doublait mon cou
rage; puis, je songeais que mon appui vous était nécessaire,
qu'en mou absence vous aviez dû gaguer peine de quoi sub
sister, et j'avais hâté de vous rapporter un secret dont je suis
seul possesseur, et qui doit nous enrichir. Moi, pauvre pilule,
qui reparais aujourd'hui souflrant et dénué, je suis même de
rendre au Portugal uu éclatant service. Demain, je vous ex
pliquerai ce dont il s'agit; ce soir, j'ai besoin de repos; et ne
me sens pas la foroe d'entreprendre uu long récit, a
Ce fut le leudemain seulement que Moralez raconta sa
femme les circonstances qui l'avaient tenu ,-i longtemps éloigné.
Tu sais, lui dit-il, que j'étais parti, au printemps de 1417,
pour piloter un bâtiment marchand qui se rendait en Angle
terre. Me trouvant un soir sur la jetée de Bristol, je fus abordé
par uu jeune Anglais, qui me dit brusquement
Vous vous nommez Juan Moralez, et vous êtes pilote
Oui, mon gentilhomme.