JOURNAL O YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. N° 2920. Samedi, 27 Septembre 1845. 29me année. 7PK3S, 27 Septembre. La société des Chœurs de cette ville, sous la direction de son chef habile, M. Félix Duhayon, s'est rendue au concours de chant de la société Mehul Bruxelles* et y a remporté trois médailles, parmi lesquelles figure la médaille d'or pour le premier prix d'exécution des villes de second rang. Le nombre des exécutants Yprois était de vingt sept. Hier, les diver ses musiques de la ville sont allées la rencontre de ces messieurs, et les ont conduits drapeau déployé en ville. Une grande foule était venue témoigner par sa présence de l'intérêt qu'elle prenait aux brillants succès de nos choristes. Hon neur leur talent et leur courage! Hon neur la ville où une noble émulation stimule les progrès de tous les arts! Les travaux de l'Église de S'-Nicolas sont poussés avec vigueur; portes, pla fonds, fresques, peintures, pavement, tout s'est succédé rapidement, tout est beau, tout est élégant, tout fait l'éloge du bon goût qui préside la direction des ouvra ges, et de l'habileté des artistes qui les exécutent. Déjà un bel autel de marbre s'élève majestueusement au chœur. Les orgues, les confessionnaux et la chaire UNE AUBERGE DES PYRÉNÉES. de vérité suivront de près, et seront dignes de l'ensemble. La dédicace du monument est fixée an 23 Octobre. Mgr. Boussen arrivera cet effet de Bruges, et une pro cession solennelle précédera la cérémonie. D'ici là, les dons et les largesses des fidèles de tontes les classes afflueront encore: le billet de banque du financier, l'or du propriétaire, le diamant de la grande dame, les épargnes de la candide jeunesse et l'obole de la pauvre veuve* iront encore se confondre sous le regard de Dieu qui tout revient. C'est une preuve sublime de foi que d'être libéral encore quand les circonstances imposent une sévère économie: n'hésitons pas la fonrnir. Un nommé Léna, Toscan, marchand ambulant de figures en plâtre,s'était avisé, plusieurs maisons des rues du Lombard et de l'Eto'rle, de menacer les gens qui refusaient d'acheter, soit de briser leurs vitres, soit d'enfoncer leurs portes pen dant la nurt. En vrai type de la bravoure étrusque, il s'arrêtait de préférence devant les demeures où il ne remarquait que des femmes, craignant ailleurs une main vi goureuse et pour lui-même, et pour les compagnons blancs et inoffensifs qu'il portait. Mais la police ne tarda pas s'émouvoir des excentricités méridionales de l'Italien; et traduit devant le tribunal correctionnel, le Signore, malgré ses che veux noirs flottant l'artiste, et un super be collier de barbe, été cofldâmné quinze jours d'emprisonnemeht comme vagabond. M"* portait aussi ùrie barbe fa buleuse, mais qui cause de sa qualité de mitron, avait le droit detre blanche vingt ans. Elle n'en eut que pu intéresser la justice davantage cependant avant que de conduire M"", prévenu de sévices, l'audience, on le rasa. Evidemment toutes les faveurs sont pour les étrangers: défaut des Hollandais* voilà que les Tos- cains les emportent. M. Verhaegen n'au rait pas manqué de s'élancer la tribune nationale pour dénoncer cet attentat d'un nouveau genre aux prérogatives du ci toyen; mais par une manœuvre jésuitique, ne voilà-t-il pas que le ministère a pré venu les interpellations en clôturant la session? Heureusement la presse libérale reste debout; elle ne recourra cette fois ni Mallhus ni Jean-Baptiste Say, mais aux Avis aux têtes chauves, pour transplan ter, s'il se peut, la barbe de Léna sous le menton de M"*. En cela, elle ne fera de son temps qu'un emploi meilleur que de coutume. Ou s'abonne Tpres, Grand'- Place, 44, vis-à-vis de la Garde, et cbel les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'ABOWEMEXT, par trimestre, Pour Yprèsfr. 4—DO Pour les autres localités 4SO Prix d'un numéro. tO Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur Yprra.- Le Propagateur parait le StMEiil et le MERCREDI de chaque semaine. PRIX DES ISMERTIOXS. i centimes par ligne. Les ré clames, *4 centimes la ligne. vérité et justice. Le chemin que devaient suivre Antoine et Joseph pour se rendre Pau, où ils savaient que les ouvriers serruriers étaient très-recherchés dans le moment, était facile et direct mais Joseph persuada Antoine d'aller Arreus voir un de ses oncles, qui assurément les recevrait bien et les gratilierait de quelques vieux louis enterrés dans certain coin de son jardin ou de sa cave. Ils s'acheminèrent d'un côté des Pyreoées. Le voyage fut heureux, et tous deux marchaient gaîmenl, saluant les voyageurs qu'ils rencontraient sur la roule, car en ce pays c'est une politesse laquelle le dernier des paysans ne voudrait pas manquer. Us arrivèrent jusqu'à Argelès, charmant village du dépar tement des Hautes-Pyrénées; ils s'y reposèrent une nuit et repartirent le lendemain pour Arrens. Mais au lieu de suivre le Gave d'Auzun.qui les y eût menés directement, ils se fièrent des renseignements, qu'ils crurent comprendre, pour cou per travers les montagnes, et se mirent eu route. Us marchè rent une bonne moitié de la journée, toujours trompés par la réponse favorite des habitants du pays Tout droit, tout droit mots qu'ils répondent toutes les questions. Un jour que je voyageais dans ces montagnes, je dis un paysan Quelle heure est-il? Toujours tout droit,-me répoudit-il en patois. Ce ne fut que vers une heure de l'après-midi que Joseph et Antoine commencèrent s'apercevoir que depuis sept heures qu'ils montaient, ils devaient avoir fait les trois lieues qui séparent Argelès d'Arrens. Ils montèrent encore quelque temps, et aperçurent quatre ou cinq villages au pied de la mon tagne: mais lequel était Arrens, ou plutôt Arrens était-il par mi ces villages? Ils se décidèrent descendre tout hasard; mais avant de reprendre leur marche, ils s'assirent au pied d'un houx qui croissait là comme par hasard, et ils se mirent manger le pain et le morceau de lard qu'ils avaient dans leur havresac. La fatiquc s'était fait sentir pendant le repas, et ils demeurèrent longtemps se reposer et dormir. A leur réveil, la nuit était fermée, la lune absente, ils mar chaient tâtonsenfin ils aperçurent une lumière travers les arbres: ils y coururent, et virent qu'ils étaient près d'une maison. Une enseigne qui pendait la porte leur dit que c'était une auberge: ils frappèrent, et pendant qu'ils atten daient, Joseph dit tout bas Antoine: C'est un pays de brigands ici; c'est peut être une maison de voleurs Antoine rit de la peur de Joseph; mais, lorsqu'on leur eut ouvert et qu'ils furent entrés, Antoine ne rit plus. Il y avait une douzaine d'hommes dans la chambre, tous rangés autour du feu Jamais Antoine n'avait vu de pareilles figures. C'étaient des hommes robustes, assez proprement habillés avec leurs culottes courtes, leurs spardilles attachées la jambe par des lanières de cuir, leurs bérets bleus et leur veste sur l'épaule. Tous tenaient un long bâton et se chauffaient silencieusement; mais il y avait quelque chose d'inquiet et de sinistre dans leur physionomie; ils semblaient écouter le moindre bruit venant du dehors, De temps en temps un mot laconique s'échangeait entre eux. Belle journéî disait l'un. Combien pour ta paît? Deux. Où sont-ils? Enterrés, tu sais, avec les autres. Antoine et Joseph se regardèrent, et se virent pâles comme des morts. A ce moment, on entra sans frapper, et l'on vit deux gendar mes. Tous les hommes échangèrent un coup-d'œil rapide et quelques uns cachèrent des pistolets qu'ils portaient leur ceinture. L'un d'eux, qui fumait dans le coin de la cheminée, se mil chantonner. Les gendarmes s'approchèrent de lui et lui demandèrent son passeport. Il tira gravement un papier crasseux de dessous sa veste, avec le papier un coutelas qui avait bien deux pieds dé lame, et il sé mit nettoyer sa pipe avec la pointe, pendant que le gendarme lisait le passeport. Vous vous appelez Louis Baldera,et vous êtes Espagnol? dit-il au paysan. Y a-t-il écrit Louis Baldera dit celui-ci. Sans doute; puisque c'est votre nom, reprit le gendarme. Alors c'est mon nom puisque c'est écrit. Vous êtes négociaut? Y a-t-il écrit négociant? Sans doute; mais êtes vous véritablement négociant S'il y a écrit négociant, je suis négociant. Que faites-vous de cet arme Vous savez bien qu'il est défendu d'entrer sur le territoire français ainsi armé. Armé, dit le paysan on ne peut donc ni se curer les dents, ni cou per son pain en France? Bientôt ou prendra des épiughs pour des piques. Les gendarmes tout en faisant leur inspection, regardaient souvent du côté de la porte Antoine s'imaginait qu'il allait arriver un renfort et qu'on allait attaquer et tuer ces miséii- bles, et il cherchait déjà un moyen d'instruire les gendarmes qu'ils n'étaient pas de leur compagnie lorsque I/Ouis Baldera dit ceux-ci: Quoi! vous vous en retournez? soupez avec nous. Volontiers, dirent-ils. Ce sont de faux gendarmes, pensa Antoine, qui sont ici pour rassurer les voyageurs car tous ces gens sont des brigands assurément. On soiipa as:>cz paisiblement. Quand vient l'heure de se re tirer, Antoine entend Louis Baldera dire tout bas l'auber giste: Mets-les dans la chambre... tu sais... Oui. J'en voudrais une autre cria imprudemment Antoine. Une autre, quoi? dit l'aubergiste, qui ne s'était pas

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